Malgré le covid, les villes ont toujours la côte

06/03/2023

Immoday

Olivier Toublan

5 min

Contrairement à ce que beaucoup avaient prédit, les villes n'ont pas été désertées par leurs habitants pendant la pandémie. Cette dernière n'a eu finalement qu'un impact très limité en matière de logement, selon une étude que vient de publier l'OFL.

 

On nous l'avait assuré, le monde d'après serait différent du monde d'avant. Avec de nombreux indices, pendant la crise sanitaire, qui semblaient le prouver. Dont la tendance des citadins, suite au développement du télétravail et aux restrictions de déplacement dues à la pandémie, de s'en aller s'installer hors des villes, dans des villages moins densément peuplés, avec plus d'espaces. Trois ans plus tard quand on analyse non plus les fantasmes des journalistes mais les données statistiques, on constate que la réalité est bien différente, et que, comme l'explique l'Office fédéral du logement (OFL), "en matière de logement et de déménagement, le comportement des habitants ne s’est guère modifié pendant la pandémie de coronavirus".
 

Certes, les déménagements relatés par les médias ont été réels, et les villages ont eu une certaine cote, mais cela n'est resté qu'un épiphénomène, pas une tendance de fond, et, au final, "les effets sont restés marginaux."
 

Revenons un peu plus en détail sur cette dernière étude de l'OFL, « Préférences en matière de logement lors de la pandémie de COVID-19 ».

 

Maigre exil vers les campagnes
 

A priori, le fait que "le retour à la campagne soit resté un phénomène somme toute anecdotique" pourrait surprendre quand on regarde les chiffres. En effet, "le changement de comportement en matière de déménagement entre 2019 et 2020 est statistiquement très significatif si l’on considère la densité de la commune de résidence". En clair, le taux de croissance du nombre d'arrivants dans des communes moins densément peuplées était presque 4 fois supérieur en 2020 par rapport à 2019.
 

Un constat que l'Office fédéral relativise rapidement, en expliquant que si l’impact est statistiquement significatif, il n’est pas très important du point de vue quantitatif. "En effet, le nombre de personnes de plus que dans une année «normale» à s’être établies dans une commune moins densément peuplée est de 4000, ce qui correspond à 0.52% des quelque 769 000 personnes ayant déménagé en 2020". 

 

Qui a déménagé ?  
 

Selon L'OFL, ce sont avant tout des personnes seules, mobiles et gagnant bien leur vie, des couples sans enfants, des ménages propriétaires de leur logement et des cadres qui ont quitté des communes densément peuplées pour des communes qui le sont moins. Bref, un tout petit segment de la population, celui des personnes en mesure de changer rapidement de cadre de vie, sans que cela affecte leur carrière professionnelle, grâce au télétravail.
 

Une catégorie de la population qui, par ailleurs, possède parfois des résidences secondaires. Et d'ailleurs, il n'est pas exclu qu'une  partie des personnes voulant échapper aux contraintes du confinement en s'exilant dans les campagnes ait échappé aux statistiques, simplement parce qu'elles sont allées vivre, sans le déclarer, dans leur résidence secondaire. Dont, d'ailleurs, le nombre a légèrement diminué entre la fin de 2019 et la fin de 2021, reconnaît l'OFL, "ce qui pourrait suggérer une utilisation accrue en tant que résidence principale". Mais l'ampleur du mouvement, là encore, n'a pas été très forte, puisqu'elle n'apparaît pas dans les données  disponibles. 

 

Forte hausse de la demande de maisons individuelles 
 

Là où la crise du coronavirus a eu un impact sur le marché immobilier, c'est sur la demande pour les maisons individuelles, que ce soit en propriété ou en location, dont les prix ont explosés. La coïncidence avec la pandémie est frappante, assurent les experts de l'OFL. Certains ont pourtant estimé que cela n'avait rien à voir avec la crise sanitaire, que cette hausse des prix était uniquement due à l'environnement économique, en raison du manque de possibilités de placement sûrs, offrant un rendement positif, autres que l'immobilier. Un argument que réfute l'OFL, car il ne permet pas d’expliquer pourquoi ce phénomène de hausse des prix concerne également les maisons en location. 
 

Pour l'Office fédéral, "comme la hausse de la demande a également porté sur les maisons en location, on peut supposer que ce boom a résulté du désir de disposer d’un jardin en cas de confinement, et pas uniquement du manque de possibilités de placement évoqué".

 

Au final, un impact peu marqué de la pandémie 
 

Rien de bien surprenant, quand on y pense. Dès le début du premier confinement, de nombreuses personnes ont dû travailler depuis chez elles. L'obligation du télétravail s'est imposée, et le domicile s'est transformé en lieu de travail. Les espaces extérieurs et les aires de détente de proximité ont pris de l'importance. 
 

Bref, "la pandémie a certes eu un impact sur le marché du logement, mais sans doute pas aussi marqué que ce que l’on a pu supposer", résume l'OFL. 

 

Retour en grâce des studios 
 

On pourrait compléter cette étude de l’OFL, avec une autre publié récemment par la Banque Raiffeisen qui, elle aussi confirme que « l’exode urbain consécutif à Corona a surtout été une bonne, mais fausse histoire pour certains médias » et montre que la plupart des effets réels de la pandémie sur le marché du logement se sont aujourd’hui dissipés. Comme la ruée vers les appartements avec un plus grand nombre de pièces. 
 

« Les appartements d’une pièce étaient peu demandés pendant la pandémie, car de nombreux travailleurs avaient besoin d’une pièce supplémentaire pour le home-office, selon l’explication courante », résument les économistes de la banque. Et, en effet, alors que le nombre de logements vacants a diminué en 2021 pour toutes les autres tailles de logement, il a augmenté pour les studios. 
 

Mais l’effet de la pandémie n’aura pas duré. Aujourd’hui, le nombre de studios vides est déjà nettement inférieur à celui d’avant la crise sanitaire. Pour la banque Raiffeisen, outre l’effet du travail à domicile, une partie de la baisse de la demande de petits logements pendant la pandémie était également due à l’absence d’immigration. Avec le retour de cette dernière « toutes les traces supposées et supputées de la pandémie sur le marché de l’immobilier ont donc complètement disparu »

 

Olivier Toublan, Immoday