Les bouleversements du marché immobilier ne font que commencer

Les bouleversements du marché immobilier ne font que commencer

8 min Olivier Toublan

Les défis que va rencontrer le secteur immobilier ces prochains mois sont nombreux, si l'on en croit la nouvelle édition de l'étude "Emerging Trends in Real Estate Europe 2023". On examine ici ce qu'il en est pour la Suisse.

Quels sont les défis auxquels les investisseurs immobiliers vont être confrontés ces prochains mois ? La question a été posée à plusieurs centaines de professionnels du secteur et les réponses publiées, sous l'égide de PwC, en collaboration avec l'Urban Land Institute (ULI), dans la 20ème édition de l'étude "Emerging Trends in Real Estate Europe 2023", donne une vision globale des grandes tendances du marché immobilier et de ses évolutions futures.

Ces derniers mois, les bouleversements du marché ont été nombreux, on le sait. Comme le résume Sebastian Zollinger, Director Real Estate Advisory chez PwC Suisse, les prix de l'énergie et les coûts de construction ont considérablement augmenté, l'Europe connaît désormais des taux d'inflation à deux chiffres et les banques centrales serrent la vis au niveau des taux d'intérêt. Pour les investisseurs, le marché immobilier est considéré de manière de plus en plus différenciée, et les allocations d'actifs changent tout comme le choix des alternatives d'investissement. 

Dans toute l'Europe, la tendance est identique, comme le montre l'étude. Avec cependant quelques différences notables selon les pays. Concentrons-nous sur la situation en Suisse.

Des augmentations de capital plus difficiles pour les fonds 

Pour l’instant, notre pays est relativement épargné, malgré une forte hausse des matières premières, avec une inflation encore sous contrôle, grâce au franc fort, et des taux d'intérêt certes en hausse, mais qui restent à un niveau toujours raisonnable. Interrogés, les acteurs du secteur ne se disent d’ailleurs pas particulièrement inquiet de la situation géopolitique.

Comme l'explique Alice Kha, Manager Real Estate Advisory chez PwC Suisse, ce sont les coûts de construction qui ont le plus impacté les acteurs de l'immobilier, avec une augmentation en un an de +8,1% pour les immeubles résidentiels et +8,7% pour les immeubles de bureaux. Une hausse, qui, selon les intéressés, devrait être durable.

Parallèlement, les taux hypothécaires ont drastiquement augmenté. Pour les taux à 10 ans, ils ont quasiment triplé. "Cela devient compliqué pour les acteurs fortement endettés" rappelle la spécialiste de PwC, qui donne l’exemple de fonds immobiliers ayant déjà un endettement maximal de 33% et qui se retrouvent dans une situation inconfortable suite à la baisse de la valeur des immeubles, sachant que la plupart des augmentations de capital ont été difficiles ces derniers mois, quand elles n'ont pas, purement et simplement, été annulées. 

Des loyers qui vont augmenter  

Mais la hausse des taux d'intérêt pourrait aussi être favorable aux propriétaires, relativise Alice Kha. Les experts estiment en effet que, l’année prochaine, le taux de référence des logements va passer de 1,25 à 1,5%. "Ce qui signifie que les propriétaires auront le droit d’augmenter les loyers des baux résidentiels qui ont été conclu ces dernières années". Une hausse qui pourrait redonner un peu de dynamisme aux rendements immobiliers, qui n'ont cessé de baisser ces dernières années, avec l’envolée des prix des immeubles.

Une envolée qui, d'ailleurs, se ralentit un peu partout en Suisse. En effet, la demande de la part des gros investisseurs baisse. "Les taux des obligations de la Confédération augmentent et les institutions de prévoyance pensent de nouveau à investir une partie de leur portefeuille dans l'obligataire", résume Alice Kha.

Des caisses de pension qui ne peuvent plus investir dans l'immobilier 

D'ailleurs, certaines n'ont tout simplement pas le choix. Avec la chute des cours boursiers en fin 2021 et en 2022, la part d’immobilier des caisses de pension a augmenté en conséquence. Plusieurs atteignent ou se rapprochent des 30% de part maximale d’immobilier recommandé. Elles ne peuvent donc plus investir dans cet actif.

"Nous avons discuté avec des caisses de pension qui ont vu leur budget d’investissement dans l’immobilier se diviser par trois, raconte Alice Kha. Une fondation qui, en juillet, pensait lever 400 millions n’a finalement levé que 100 millions auprès des caisses". 

Il y a donc moins d’argent disponible sur le marché immobilier, ce qui n'est pas forcément une mauvaise nouvelle, d'ailleurs, puisque cela a permis une certaine détente du marché, après des hausses continues depuis une bonne quinzaine d'années. 

Des placements alternatifs qui deviennent plus attractif que l'immobilier 

Les courtiers, de leur côté, ont vu le nombre d’acheteur potentiels diminuer. "Pour un bien immobilier similaire, nous avions une quinzaine d'acheteurs potentiels, aujourd'hui ils ne sont plus que trois ou quatre à se positionner" assure un des vendeurs interrogés pour l'étude. 

Certes, les institutions de prévoyances continuent à investir, mais de manière plus modérée et avec de meilleures conditions, corrobore l'experte de PwC. En effet, aujourd'hui, elles ne cherchent pas à placer leur argent à tout prix dans l'immobilier, puisqu'il est à nouveau possible de conserver du cash, et que les obligations commencent à nouveau à être attractives. Sans oublier, rappelle Alice Kha, que les caisses de pension peuvent désormais investir à hauteur de 10% dans les infrastructures avec des rendements estimés bien meilleurs que ceux obtenus dans l’immobilier ces dernières années. 

Pour confirmer ses dires, Alice Kha présente les chiffres publiés par le canton de Genève, le seul qui soit complètement transparent sur les transactions immobilières.

Les prix de l'immobilier vont corriger, selon les acteurs du secteur  

"En analysant les données publiées, on constate que l’année 2022 a démarré très fort en ce qui concerne le nombre de transactions mais que cela diminue trimestre après trimestre. Le marché immobilier romand a commencé à se figer à partir de juillet. Nous avons senti que la plupart des acteurs ont arrêté d’investir suite aux changements sur le marché". 

Parallèlement, les exigences des investisseurs ont augmenté. "Une caisse de pension qui achetait encore en début d’année à des rendement à 2,8% exige aujourd’hui des rendements de 3,6%." 

Les acteurs de l’immobilier interviewés en Suisse romande ont, en outre, unanimement affirmé que les prix de l’immobilier allaient se corriger, poursuit l'experte de PwC, "et nous avons déjà constaté cela depuis le deuxième semestre 2022 pour les immeubles de rendement". 

Une baisse qui, pour ces investisseurs, est plus perçue comme une opportunité qu’un scénario catastrophe. En effet, elle leur permettra d'acheter à nouveau des immeubles avec de meilleurs rendements.

La durabilité va peser sur les rendements et changer la donne 

Finalement, tout aussi important que les changements de l'environnement économique et que la hausse des taux, les nouvelles contraintes de durabilité vont, dans le futur, elles aussi peser sur les investissements immobiliers. 

Si l'on reprend l'exemple de Genève, explique Alice Kha, on voit que la majorité des logements dans le canton ont été construits avant les années 80, et donc sont, pour la plupart, très énergivores. "Par conséquent, avec le nouveau règlement sur l’énergie entré en vigueur en septembre 2022 à Genève, une grande partie de ces immeubles et des propriétaires vont être touchés par l’assainissement énergétique et les rénovations obligatoires pour baisser l’IDC, l’indice de dépense de chaleur du bâtiment". 

Ce qui entraîne, bien entendu, des investissements importants, que tous les propriétaires, surtout les privés, ne peuvent pas se permettre. "Nous voyons de nombreux immeubles en vente à Genève appartenant à des propriétaires privés qui ne peuvent pas ou ne veulent pas mettre 1 ou 2 millions pour rénover leurs immeubles, sachant que, en moyenne, 75 % de cette somme sera imputable à l'assainissement énergétique. D’autant plus que le coût de ces travaux est difficilement répercutable sur les locataires, à cause de la législation protégeant ces derniers."

Et, Alice Kha en est convaincue, ce qui se passe aujourd'hui à Genève se passera demain dans les autres cantons romands, qui vont certainement suivre cette tendance. Bref les bouleversements du marché immobilier ne font que commencer.

Olivier Toublan, Immoday

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