Fonds immobiliers cotés: les investisseurs toujours hésitants

28/08/2023

Immoday

Olivier Toublan

4 min

L'agio moyen des fonds immobiliers cotés en Suisse continue de baisser, avec toujours une importante décote supplémentaires pour les fonds commerciaux par rapport aux fonds résidentiels. Bref, la situation ne s'améliore pas. Seul point positif pour les fonds, l'écart entre leur rendement moyen sur distribution et le rendement des emprunts de la Confédération s'élargit de nouveau. 

 

Comme c'est désormais l'habitude, posons un petit regard sur la performance des fonds immobiliers suisses ces derniers mois. Avec un tableau général qui n'est pas des plus excitant, si l'on en croit les données que vient de publier Credit Suisse Asset Management. Elles indiquent que la défiance des investisseurs pour ce type de véhicule reste importante. Avec, en premier lieu, un agio qui continue de baisser. Il était encore de presque 14% au début de l'année, il n'est plus qu'à 11,3% aujourd'hui. En fait, ces derniers mois, il n'a jamais été aussi bas depuis le creux de la crise financière de 2008.

 

Quelques fonds résistent encore
 

Bien entendu, parmi la petite cinquantaine de fonds immobiliers cotés en Suisse, certains résistent mieux et d'autres moins biens. Une vingtaine affichaient un disagio à la fin juillet 2023. Parfois extrêmement important, comme pour les fonds CS REF International, avec un disagio qui approche les 30%, ou les fonds Suisse Romande Property Fund, CS REF Hospitality, ou Helvetica Swiss Commercial, dont les disagios approchent ou dépassent les 20 %. Ceci dit, pour ces trois derniers fonds, la situation s’est un petit peu améliorée par rapport au mois précédent.
 

De l'autre coté du spectre, les fonds qui résistent tant bien que mal, comme Immofonds, ou Solvalor 61, dont l'agio dépasse toujours les 30%. La Foncière, avec un agio qui se situe désormais aux alentours de 25%, a fléchi ces derniers mois. En effet, son agio tournait encore autour des 35% au début de l'année. Quoi qu'il en soit, cette résistance montre bien que les investisseurs, dans cette période d'incertitude, préfèrent toujours les valeurs sûres, et les fonds qui ont un long track record positif. 

 

L'immobilier commercial toujours plus impacté que le résidentiel 
 

Comme c'est l'habitude maintenant depuis plusieurs mois, on constate une forte différence entre les fonds immobiliers commerciaux et les fonds résidentiels. En effet, l'agio de ces derniers tourne autour d'une moyenne de 15%, alors que les fonds commerciaux encaissent un disagio moyen négatif, même si, pour ces derniers, la situation s'est, elle aussi, un petit peu amélioré ces dernières semaines.
 

Ceci dit, le désintérêt des investisseurs pour les fonds immobiliers n'est pas entièrement rationnel, si l'on en croit les analyses de données faites à très long terme par Credit Suisse. En effet, par rapport au taux d'intérêt à long terme, le niveau actuel de l’agio moyen du marché et très bas. Il devrait se situer aux alentours de 17%. Ces 30 dernières années, d'ailleurs, l'agio a rarement été aussi bas par rapport au taux d'intérêt à long terme.

 

Un rendement de nouveau plus intéressant par rapport au taux de la Confédération
 

En outre, avec un rendement de distribution moyen de 2,8%, et un écart par rapport au rendement des taux d'intérêt de la Confédération à 10 ans qui se creuse de nouveau, la situation devrait plutôt intéresser les investisseurs. En effet, alors que cet écart était tombé aux alentours des 100 points à la fin de l'année dernière, il est aujourd'hui proche des 200 points. Certes, ce n'est plus comme à la belle époque, entre 2015 et 2021, quand le différentiel dépassait parfois les 300 points, mais ce n'est quand même pas négligeable non plus. Surtout dans un environnement économique où l'inflation semble avoir été maîtrisée, et où les taux de la Confédération ne devraient plus beaucoup augmenter.
 

Quoi qu'il en soit, depuis le début de l'année la performance des fonds immobiliers reste négative, à -0,2%. Moins bien que la performance globale du marché, qui était d'un petit peu plus de 3% pour le SMI depuis le début de l'année.

 

Peu d'augmentations de capital prévues 
 

Encore quelques chiffres. À 0,82%, le TER est en légère augmentation. Il était à 0,76% au début de l'année. Par contre, le coefficient d'endettement reste stable, à 22%, n'ayant quasiment pas bougé depuis le début de l'année. Ce qui laisse de la marge à la plupart des fonds pour continuer de se développer, malgré la frilosité des investisseurs.
 

Cette frilosité se confirme d'ailleurs quand on observe le nombre des opérations en capital des fonds immobiliers, réalisées ces derniers mois. Avec un montant total des capitaux levés depuis le début de l'année d'un petit peu moins de 600 millions de francs, pour seulement une dizaine d'opérations, c’est quasiment deux fois moins que l'année dernière à la même époque. Et surtout, une seule de ces opérations concernait un fonds immobilier coté, Cronos Immo Fund, pour un montant de 32 millions de francs. 
 

Pour ces prochains mois, la situation reste morose, avec une seule augmentation de capital prévue pour les fonds cotés, le Bâloise Swiss Property Fund, qui espère lever 135 millions de francs à la fin du mois d'août. C'est d'ailleurs une des deux seules augmentations de capital attendues jusqu'à la fin de l'année pour les fonds immobiliers. La seconde étant celle de Raiffeisen Futura Immo Fonds, un fonds non coté, qui devrait être de 40 millions de francs. C'est maigre pour tout un semestre.

 

Les sociétés immobilières restent à la peine
 

Pour les sociétés immobilières, la situation n'est guère meilleure. On constate un disagio moyen de -2,4 %. On navigue toujours en eaux quasi aussi profondes que lors de la crise financière de 2008. Certes, la situation s'est un peu améliorée ces dernières semaines, puisque la décote moyenne était encore de 7% il y a deux mois. Au final, l'écart avec les fonds cotés, dont l’agio moyen est actuellement de 11,3%, est toujours notable, même s’il s’est assez sensiblement réduit ces dernières semaines. Dans ce contexte, on trouve seulement 3 sociétés immobilières avec un agio positif, et une dizaine qui affichent un disagio. Dont quatre, SF Urban Properties, INA Invest, HIAG Immobilien et Zueblin, pour qui la décote dépasse les 25%.
 

Quoi qu’il en soit, pour les sociétés immobilières comme pour les fonds, la performance depuis le début de l'année est légèrement négative. Par contre, le rendement de distribution est plus élevé que celui des fonds, avec une moyenne de 3,6%. 

 

 

Olivier Toublan, Immoday.ch