Fonds immobiliers et impôt sur le capital: la valeur vénale n’est pas la valeur LPCC

Fonds immobiliers et impôt sur le capital: la valeur vénale n’est pas la valeur LPCC

Cadre légal 6 min Thierry de Mitri

Dans un arrêt du 13 mars 2023 (9C_603/2022), le Tribunal fédéral (TF) a dû se prononcer sur la base imposable des fonds immobiliers détenant des immeubles en propriété directe en matière d’impôt sur le capital à Genève. Le TF a décidé que les valeurs fiscales établies par le fisc avaient la prééminence sur les valeurs fixées par des experts indépendants en vertu de la LPCC. Explications.

 Un fonds immobilier détient des immeubles en propriété directe dans le canton de Genève. Il constate que les valeurs fiscales fixées par le fisc sont supérieures aux valeurs déterminées par les experts indépendants requis en vertu de la LPCC. Le fonds invoque les valeurs LPCC en lieu et place des valeurs fiscales. Le raisonnement est que l’impôt sur le capital qui renvoie aux dispositions de l’impôt sur la fortune des personnes physiques retient le principe de la valeur vénale. Dès lors, il semble adéquat de se fonder sur les valeurs LPCC dont le but est précisément de déterminer la valeur vénale.
 

De son côté, le fisc estime que ce sont les valeurs fiscales – certes déterminées de manière schématique – qui doivent être prises en considération dans le cadre de l’impôt sur le capital. Pour mémoire, la valeur fiscale d’un immeuble locatif est calculée en capitalisant l’état locatif annuel à un taux fixé chaque année par le Conseil d’Etat. Rappelons que c’est l’état locatif théorique qui est capitalisé.

 

Dans le cas d’espèce, il apparaît que la base imposable déclarée, fixée sur les valeurs LPCC, s’écarte des valeurs fiscales de manière notoire de près de CHF 25 millions sur un total d’immeubles d’environ CHF 180 millions.

 

Le renvoi aux règles applicables aux personnes physiques découle du fait que le fonds immobilier est imposé par substitution à la place des investisseurs réputés être des personnes physiques. C’est pourquoi le législateur a souhaité renvoyer aux règles d’imposition des personnes physiques. De plus, le système d’évaluation des immeubles par capitalisation de l’état locatif théorique avait déjà été validé par le TF. Ce dernier avait considéré qu’un certain schématisme est possible pourvu que les évaluations n’aboutissent pas à des résultats qui s’écartent trop de la valeur vénale. Le fisc possède donc une certaine marge de manœuvre.

 

De son côté, le fonds estime que les règles d’évaluation découlant de la LPCC sont des dispositions de droit fédéral, qui doivent avoir la préséance sur les règles découlant du droit fiscal, par nature schématiques.

 

Après une analyse de la LPCC et l’OPCC, le TF relève que les immeubles sont comptabilisés dans le compte de fortune d’un fonds immobilier à la valeur vénale, soit à la valeur à laquelle le bien serait vendu avec soin au moment de l’évaluation. Cette tâche doit être confiée à un expert permanent et indépendant. Cela étant, les règles du droit fiscal sont de même niveau que la LPCC et que rien ne peut laisser présager que la valeur établie par la LPCC aurait plus de poids que celles qui se fondent sur les dispositions fiscales.

 

Selon le TF, le législateur n’a pas renvoyé aux dispositions de la LPCC dans la loi fiscale et a souhaité l’application des règles pour les personnes physiques. Ce sont donc bien les règles d’évaluation selon les dispositions fiscales qui sont déterminantes et non les règles d’évaluation LPCC.

 

Le TF estime que le but de la LPCC est de protéger les investisseurs, d’assurer la transparence et le bon fonctionnement du marché. En revanche, les dispositions régissant l’imposition sur la fortune visent à taxer le contribuable selon ses capacités contributives. L’écart entre une valeur LPCC et l’estimation fiscale n’est pas de nature à remettre en cause la base imposable et ce sont bien les règles d’évaluation fiscales qui doivent trouver application.

 

Cet arrêt du TF peut surprendre même si sa portée est limitée dans la mesure où la plupart des cantons suisses établissent des valeurs fiscales qui sont bien inférieures à celles de la LPCC.

 

Cela étant, l’argumentation du TF ne convainc pas. L’impôt sur la fortune des personnes physiques a pour objectif de saisir la valeur vénale. Avec cet arrêt, il y aurait plusieurs valeurs vénales selon les lois applicables. Cette appréciation paraît incongrue. Enfin, comme chacun sait, les valeurs LPCC sont fixées de manière extrêmement minutieuse et prennent en compte la valeur de rendement de l’immeuble, tout comme d’autres facteurs comme la vétusté. Ces valeurs sont souvent proches du prix du marché. Il en découle dès lors une imposition sur une valeur fictive, ce qui paraît peu compatible – contrairement à ce que dit le TF – à une imposition selon la capacité contributive.

 

Cependant, le TF semble vouloir préserver une égalité de traitement entre un fonds et des personnes physiques qui possèdent des immeubles locatifs. Ces dernières n’ont bien souvent pas la possibilité de s’appuyer sur des expertises effectuées de manière régulière, comme le peuvent les fonds immobiliers en raison de la LPCC.

 

Néanmoins, le problème est en réalité que les valeurs fiscales retenues à Genève sont parfois hors du marché. Lors des prochaines années, il pourra y avoir des écarts encore plus importants entre les valeurs LPCC et les valeurs fiscales. On peut se demander si le TF continuera à soutenir un tel raisonnement si les écarts deviennent totalement injustifiés sur le plan économique et de l’équité fiscale.
  

Thierry De Mitri

 

 Diplômé de droit et de HEC, Thierry De Mitri bénéficie de 20 ans d’expérience comme expert fiscal diplômé.

Il travaille actuellement comme conseiller fiscal au sein de son propre cabinet et aide ses clients à résoudre des problèmes fiscaux spécifiques, relatifs à la fiscalité suisse et internationale, dans le domaine privé et commercial.

En parallèle à son activité indépendante, Thierry De Mitri est également chargé de cours auprès de diverses institutions, administrateur de sociétés et est régulièrement conférencier dans des séminaires touchant à des thèmes de fiscalité actuelle.

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