Hervé Mützenberg, responsable de Cronos Immo Fund: «Les investisseurs nous ont fait confiance et nos résultats correspondent à leurs attentes»

22/12/2023

Immoday

Olivier Toublan

5 min

Malgré des conditions économiques pour le moins turbulentes pour l'immobilier en 2023, Cronos Immo Fund a réussi à développer son parc, grâce à une augmentation de capital et plusieurs swaps. Une nouvelle augmentation de capital est d'ailleurs prévue début 2024. Quant aux résultats de l'exercice, ils correspondent aux objectifs, avec un dividende de 2,90 francs par part.

 

Quinze mois après son entrée en bourse, Cronos Immo Fund vient de publier ses résultats. L'occasion de revenir sur une année chahutée pour tout le secteur, avec Hervé Mützenberg, responsable de la gestion des fonds immobiliers de la société Cronos Finance, qui a créé ce fonds en 2016 et qui le dirige encore aujourd’hui.

 

Hervé Mützenberg, content que 2023 se termine ?
 

Ce furent vraiment des mois difficiles pour tous les fonds immobiliers. Vous vous rendez compte, l'agio moyen des fonds cotés est même tombé aux environs de 5 % en automne, et deux tiers des fonds avaient un disagio, ce que l'on n'avait plus vu depuis des décennies!

 

Vous venez de publier les résultats du Cronos Immo Fund. Comment les résumer ? 
 

D'abord, malgré les turbulences qui ont secoué tout l'exercice, notre dividende est en ligne avec nos objectifs, à 2,90 francs par part, soit un revenu ordinaire de 2.65 francs et des gains en capitaux de 0,25 francs. Par ailleurs, notre parc immobilier a connu une croissance de 9%, en partie grâce à des apports en nature, et nous avons réussi à augmenter notre état locatif, à périmètre constant, grâce à une réduction du taux de vacance et à des adaptations de loyers. 

 

Et du côté des mauvaises nouvelles ?
 

Le coût de la dette a fortement augmenté, de 161%, à cause de la progression des taux, ce qui a pénalisé notre résultat. Mais, surtout, l'effritement de la valeur de l'immobilier a entraîné une baisse de 2,2% de notre VNI. Ce qui fait que, malgré un rendement sur distribution de 2,63 %, le rendement de placement ne s'élève qu’à 0,47%.

 

Fin décembre, votre agio était de 12,7 %, alors que l'agio moyen du marché était de 16,3 %. Est-ce à dire que les investisseurs manquent encore de confiance en vous ?
 

Il faut savoir que l'agio moyen est tiré vers le haut par une poignée de fonds, plus gros, plus anciens, qui ont la préférence des investisseurs. Dans ce contexte, pour un fonds relativement jeune comme le nôtre, le niveau de notre agio est tout à fait respectable. Surtout, nous n'avons connu aucun jour de cotation avec un agio négatif, preuve que les investisseurs nous font confiance. D'ailleurs, la performance boursière de notre fonds ces 12 derniers mois a été légèrement supérieure à celle de l'indice.

 

Votre fonds est en bourse depuis un peu plus d'un an maintenant. Revenons un instant en automne 2022 : comment s'est passée l'IPO ? 
 

Ce fut un moment très intense, car une entrée en bourse, c'est quand même l'heure de vérité pour un fonds immobilier, le moment où l'on reçoit le jugement du marché pour tout le travail qui a été effectué. Alors, quand, en plus, le marché est aussi chahuté, je dois avouer que nous étions un peu tendus.

 

Au final, ça s'est quand même bien passé ?
 

Ce fut un succès, les investisseurs ont été au rendez-vous. Environ un tiers des parts ont changé de main les trois premiers jours, ce qui a confirmé qu'il y avait clairement une demande pour notre fonds. Il faut dire que nous sommes entrés en bourse avec une taille critique suffisante, ce qui a plu aux investisseurs : un portefeuille immobilier d'environ 800 millions de francs, et une capitalisation boursière d'environ 650 millions de francs.

 

Et aujourd'hui, vous en êtes où ?
 

Notre portefeuille immobilier a aujourd'hui une valeur d'environ 900 millions de francs, ce qui représente 86 immeubles et un peu plus de 2100 appartements. Quant à notre capitalisation boursière, elle est montée à 770 millions de francs, avec comme objectif le milliard de francs à l'horizon 2030.

 

Comment pensez-vous y arriver ?
 

Par des augmentations de capital et des apports en nature, puisque nous avons obtenu l'autorisation de la FINMA de continuer à faire des swaps. 

 

Il y a vraiment un intérêt de la part des propriétaires pour les swaps ?
 

C'est même un phénomène qui va aller s'accélérant. Les propriétaires se retrouvent face à des contraintes administratives toujours grandissantes et à d'incontournables exigences de rénovation pour améliorer la durabilité de leurs immeubles. Ils se rendent vite compte que titriser leurs bâtiments est une option intéressante. Et comme nous avons maintenant pas mal d'expérience avec les swaps, nous arrivons à les convaincre. Nous avons d'ailleurs conclu 6 swaps durant cet exercice 2023.

 

À part les swaps, pour grandir, il y a aussi les augmentations de capital. Vous êtes un des rares fonds à en avoir fait une en 2023. 
 

Effectivement, en mars 2023, une augmentation de capital de 32 millions de francs, qui s'est bien passée. 

 

Ce n'était pas un peu risqué dans le contexte économique de ces derniers mois ?
 

Une augmentation de capital est toujours risquée, on n'est jamais sûr qu'on va la réussir. On l'a constaté en 2023 : plusieurs fonds ont voulu augmenter leur capital, mais, souvent, ces tentatives se sont soldées par des échecs partiels ou des renonciations. Ceci dit, aujourd'hui, les conditions économiques se sont nettement améliorées, avec des taux à long terme qui ont fortement baissé. Dès lors, nous pensons que l'environnement est favorable pour lancer une nouvelle augmentation de capital.

 

De quel montant ?
 

D’un montant encore à préciser entre 35 et 50 millions de francs, en février et mars 2024. 

 

Ces nouveaux capitaux qui vont servir à quoi ?
 

À financer toute une série de projets actuellement en développement ou en construction, toujours dans l'immobilier résidentiel, dans des localisations attractives. Nous avons aujourd'hui 7 projets en cours, pour un montant de 130 millions de francs, qui vont nous permettre de rajeunir notre parc. Cette augmentation de capital va aussi servir à la rénovation des immeubles anciens que nous possédons déjà. Pour compléter ce financement, nous avons par ailleurs vendu 6 immeubles durant l'exercice 2023, ce qui nous a permis de générer des gains en capital de 2,5 millions de francs qui ont été en partie redistribués aux investisseurs.

 

Je croyais que le marché était difficile et que plus personne n'achetait ?
 

C'est toujours une question de prix, de localisation et de qualité de l'immeuble que l'on veut vendre. Mais il est vrai que si, il y a deux ou trois ans, on avait encore dix offres pour un bien mis en vente, on n'en a plus que deux ou trois aujourd'hui. Avec moins de caisses de pension intéressées, et plus de privés, comme les family offices.

 

Ce qui contraint les vendeurs à baisser leurs prix ?
 

Si l'on examine la situation dans le détail, on constate en effet des corrections là où il y avait eu des excès, comme à Genève, par exemple, où certains immeubles avaient atteint des niveaux de rendement vraiment très faibles. Par ailleurs, les régions périphériques ont davantage souffert que les centres, tout comme les immeubles commerciaux. Sans oublier que les investisseurs sont devenus plus regardants quant à la performance énergétique des bâtiments qu'ils achètent.

 

En parlant de durabilité, où en êtes-vous avec votre parc ?
 

C'est pour nous un point essentiel, comme le prouvent nos efforts de rajeunissement et de rénovation de notre parc immobilier, pour lesquels nous avons investi près de 6 millions de francs lors de l'exercice 2023. Nous avons également établi une planification des interventions futures pour à la fois conserver notre rendement financier, et atteindre les objectifs de neutralité carbone en 2050. 

 

Si j'en crois les données publiées dans votre dernier rapport annuel, vous êtes encore assez loin des objectifs 2030. 
 

On va néanmoins essayer de les atteindre, mais, si nous avons les moyens financiers nécessaires, il manque actuellement les ressources en matériaux et en main d'œuvre pour arriver aux objectifs 2030. 2050 est, en ce sens, plus réaliste. Ce qui ne nous empêche pas de poursuivre la rénovation de notre parc où beaucoup d'immeubles utilisent encore de l'énergie fossile, pour passer au chauffage à distance ou aux pompes à chaleur, avec également toutes les mesures d'accompagnement nécessaires, comme l'isolation des immeubles ou la rénovation des façades. Nous avons par ailleurs engagé il y a quelques mois un ingénieur civil pour implémenter cette politique de durabilité.

 

Avec votre politique de swaps, vous achetez de nombreux immeubles anciens, pas forcément très durables. Ce n'est pas un peu contradictoire ?
 

Pas du tout, puisque nous intégrons dans le prix d'achat le montant des travaux nécessaires pour améliorer leur durabilité à brève échéance. En outre, il vaut sans doute mieux qu'un fonds comme le nôtre devienne propriétaire de ces immeubles car nous avons la capacité, les moyens et les compétences pour améliorer leur durabilité, ce qui ne serait pas forcément le cas s'ils restaient en mains d'un petit propriétaire privé.

 

Après cet exercice 2023 difficile, comment anticipez-vous l'exercice 2024 ? 
 

Il s'annonce nettement meilleur. D'abord, avec la baisse marquée des taux longs ces dernières semaines, on peut s'attendre à une reprise des prix de l'immobilier. Avec, en outre, pour nous, un coût de la dette qui va se stabiliser, voire baisser, ce qui aura un impact positif sur nos résultats. Par ailleurs, la hausse du taux hypothécaire de référence aura également un impact positif sur notre état locatif.

 

De combien ?
 

Nous avons déjà notifié des hausses de loyer, dont les premières vont entrer en force dès le 1er janvier 2024, et qui représentent 2,8% de notre état locatif actuel. Mais, plus largement, les fondamentaux du marché de l'immobilier restent solides, avec une insuffisance de logement qui perdure, au vu de la croissance démographique et de la santé de l'économie, qui continue de créer des emplois. Je suis donc vraiment optimiste pour l'exercice 2024. La plupart des indicateurs sont en train de passer à nouveau au vert. En outre, nous avons décidé d'élargir notre zone géographique d'investissement à certains cantons de Suisse alémanique ce qui va nous permettre de trouver de nouvelles opportunités pour développer notre parc et satisfaire les attentes de nos investisseurs.

 

Olivier Toublan - Immoday.ch