
Les investisseurs internationaux sont de plus en plus inquiets face aux turbulences géopolitiques - par exemple en raison du ton protectionniste des États-Unis, comme le «Liberation Day» avec l'annonce de droits de douane, ou de l'assouplissement de la politique budgétaire, comme l'affaiblissement du frein à l'endettement en Allemagne. Alors qu'ailleurs les marchés sont sous pression, la Suisse - tout comme son marché immobilier - évolue dans des eaux relativement calmes. Cela renforce le franc suisse, qui s'est sensiblement apprécié, et fait renaître le scénario de taux d'intérêt négatifs.
Pendant longtemps, l'immobilier suisse a fait de l'ombre aux portefeuilles des investisseurs institutionnels étrangers - surtout en raison de son rendement net plus faible en comparaison internationale. Mais la perte de confiance dans le dollar américain en tant que monnaie de référence ainsi que dans la stabilité politique d'autres pays industrialisés font que l'intérêt pour la Suisse augmente nettement. Comme la «Lex Koller» limite l'acquisition de biens immobiliers résidentiels pour les étrangers, l'intérêt international se concentre naturellement sur les biens commerciaux.
Deux raisons plaident en faveur de l'immobilier commercial suisse
D'une part, les biens immobiliers commerciaux en Suisse jouissent du statut de ce que l'on appelle les «valeurs refuges». Leurs faibles fluctuations de valeur par rapport à d'autres marchés en font un investissement relativement stable - même s'ils ont eu tendance à afficher une performance légèrement plus faible que l'immobilier résidentiel. Pour les investisseurs qui recherchent de manière ciblée des placements stables en francs suisses, l'immobilier commercial offre néanmoins un profil de placement intéressant.
D'autre part, les différences actuelles de taux d'intérêt font que les investissements en francs suisses - en particulier pour les investisseurs en USD avec un risque de change couvert - sont de plus en plus intéressants. Si un investisseur calculant en dollars US investit dans l'immobilier suisse et couvre le risque de change via des forwards, il peut actuellement obtenir un rendement supplémentaire sans risque en USD d'environ 3,8% par an. Il en résulte qu'un investissement dans l'immobilier commercial suisse avec un rendement de 3,5% calculé en francs peut générer un rendement total de plus de 7% sur la durée en dollars américains.
Un obstacle potentiel projette toutefois déjà son ombre: un éventuel durcissement de la «Lex Koller». Dans son message sur l'initiative «Pas de Suisse à 10 millions», le conseiller fédéral Beat Jans a évoqué une extension de la réglementation aux immeubles commerciaux. Le projet correspondant est actuellement en consultation. Problème: plus l'opinion publique prend conscience des activités des investisseurs internationaux en Suisse, plus le risque est grand que des alliances politiques se forment pour soutenir un durcissement.
Pour le marché suisse de l'immobilier et des capitaux, ce serait un revers. Si les investisseurs internationaux devaient être contraints de vendre en urgence, cela pourrait - après l'expropriation par droit d'urgence des investisseurs en obligations AT1 du Crédit Suisse, fortement critiquée au niveau international - égratigner une nouvelle fois la réputation de la Suisse en tant que place financière fiable. Même si la réputation internationale de la Suisse est actuellement élevée, il reste à espérer que des voix raisonnables finiront par s'imposer au Conseil fédéral et au Parlement.
Dans un contexte mondial incertain, l'immobilier commercial suisse offre à la fois stabilité et opportunités de rendement liées à la monnaie - mais des interventions politiques telles qu'un éventuel durcissement de la «Lex Koller» pourraient sensiblement perturber la confiance des investisseurs.
Les valorisations actuelles des actions immobilières cotées n'indiquent en tout cas pas que ce risque politique est déjà pris en compte. Il reste néanmoins un «tail risk» à ne pas sous-estimer jusqu'à ce que le projet soit clarifié.