Quelle a été la durabilité des fonds immobiliers en 2022?

11/09/2023

Immoday

Olivier Toublan

7 min

Il est toujours difficile de comparer les efforts de durabilité des différents véhicules d'investissement immobilier en Suisse. Heureusement, pour la deuxième année consécutive, l'indice ESG global créé par l'Université de Lausanne permet d'y voir un peu plus clair. Avec des résultats malheureusement en légère baisse par rapport à 2021. Il y a encore d’importants progrès à faire.

 

Nous vous avions déjà parlé de l'indice ESG global créé par l'Université de Lausanne qui voulait répondre à une des grandes problématiques de l'investissement immobilier : estimer la durabilité des parcs de manière identique pour tous les véhicules immobiliers, et ensuite du marché suisse dans son ensemble.
 

Cet indice ESG global avait été publié pour la première fois l'année dernière, avec la promesse que l'exercice se renouvellerait chaque année. C'est chose faite, avec la publication des derniers résultats par le Center For Risk Management de l’Université de Lausanne (CRML), dans son “2022 Indirect RealEstate Sustainability Report – Switzerland.” Pour rappel, sur la base des données issues d’une vaste enquête, des scores ESG ont été calculés pour chaque entité participant à l'enquête, puis agrégés pour fournir une vue globale du marché, ainsi que des différentes catégories de participants.

 

Un score ESG global du marché suisse qui se dégrade 
 

En 2022, le score ESG global du marché a été de 4.85 en moyenne simple et de 5,40 en moyenne pondérée, sur une échelle de 0 (pire) à 10 (meilleur). L'année précédente, la note simple était de 4,70 et la note pondérée, la plus illustrative de la situation réelle, de 5,52. Bref non seulement la note moyenne de durabilité du marché de l’immobilier indirect suisse reste médiocre mais elle s'est légèrement dégradée ces 12 derniers mois.
 

Ensuite, si l'on regarde dans les détails, les notes moyennes sont de 4,68, 5,48 et 6,04 pour les critères E (environnement), S (social) et G (gouvernance), respectivement. "Par rapport à l'année précédente, on constate une note S moyenne légèrement inférieure, qui se traduit par une diminution de 5,91 à 5,48", analyse le CRML. Ce qui explique d’ailleurs l'essentiel de la baisse globale de l'indice. 
 

Les chercheurs notent par ailleurs que les fondations immobilières obtiennent de meilleurs scores globaux (5,86) tandis que les sociétés d’investissement sont à la traîne (4,31). Les fonds d’investissement, la catégorie la plus importante, se situent entre les deux (5,73).

 

Une amélioration pour ce qui touche à la consommation d'énergie 
 

Ceci dit, pour la problématique énergétique, liée à la transition climatique, la situation s’améliore. C'est d'ailleurs dans ce domaine que les scores ESG sont les plus hauts, avec des notes approchant ou dépassant le 6 pour les politiques environnementales et les émissions polluantes des véhicules immobiliers suisses, et même de 7,37 pour les objectifs de réduction des émissions  polluantes. 
 

En effet, comme le constatent les experts du CRML, les émissions moyennes de gaz à effet de serre s’élèvent désormais à 18.51 kg de CO2e/m2 et les émissions de CO2 à 15.65 kg de CO2e/m2.  "Cela représente une baisse d’environ 10% par rapport à l’édition précédente et montre que le secteur prend la bonne direction à cet égard". Des chiffres d’ailleurs en phase avec le plafond de 20 kg de CO2e/m2 envisagé dans la dernière loi révisée sur le CO2. L’intensité énergétique, avec une moyenne de 105.8 kWh/m2, a, quant à elle, peu changé par rapport à l’année précédente. Elle reste néanmoins conforme aux objectifs de la transition climatique de 2050, ajoute l’Université. 
 

Par ailleurs, le rapport révèle que, malgré la prédominance des combustibles fossiles, le mix énergétique de l’ensemble du portefeuille - 42% des bâtiments utilisent des énergies fossiles pour le chauffage - semble évoluer favorablement par rapport aux chiffres moyens de l’ensemble du marché immobilier suisse, où 58.3% des bâtiments résidentiels utilisent des énergies fossiles pour le chauffage. "Nous constatons effectivement une augmentation substantielle de la part des énergies renouvelables", assurent les experts du CRML.

 

Des véhicules d'investissement pleins de bonne volonté 
 

Selon les chercheurs du CRML, une grande partie des entités déclarent désormais mettre en œuvre un éventail relativement large de politiques environnementales (69%), sociales (57%) et de gouvernance (82%). L’amélioration la plus notable concerne la catégorie sociale. "Lors de notre précédente enquête, nous avions constaté que la dimension sociale était relativement négligée par les entités. Il semble que les gestionnaires d’investissement reconnaissent désormais l’importance des politiques sociales et rattrapent leur retard dans ce domaine". Finalement, les politiques environnementales sont bien en place et représentent toujours le domaine sur lequel les véhicules d'investissement se concentrent le plus.
 

À noter enfin que, sous plusieurs aspects, ces scores ESG tendent à être meilleurs pour les portefeuilles gérés par de grandes entités. "Cela peut s’expliquer par le fait qu’elles disposent de plus de ressources pour traiter les questions ESG et qu’elles peuvent bénéficier des politiques déjà mises en œuvre au niveau de l’ensemble de l’organisation", analysent les experts du CRML.

 

Des informations encore difficiles à trouver
 

Quoi qu'il en soit, comme lors de l'évaluation précédente, il y a encore des progrès à faire sur de nombreux fronts. Comme le remarquent les auteurs de l’étude, s'il y a effectivement beaucoup de bonnes intentions et souvent des premières mesures intéressantes qui sont prises, ces intentions ne sont pas toujours suivies par des mesures concrètes et mesurables sur le long terme. Par ailleurs, comme auparavant, peu d’entités rendent compte de l’utilisation de l’eau, de la production de déchets ou de la biodiversité.  C'est d'ailleurs dans ces domaines que les scores ESG sont les plus bas. Avec même une note de 1,47 sur 10 pour la production des déchets.

 

Mais au fait, comment cet indice ESG a-t-il été créé ? Les chercheurs du CRML, expliquent qu'un questionnaire a été envoyé à 143 véhicules d’investissement immobiliers, qu’ils soient fonds, fondations ou sociétés immobilières, durant l'automne  2022. Au final, 72 véhicules de placement ont été pris en compte, qui représentent un peu plus de 80 % du marché suisse, et même 96% des fonds d’investissement cotés en bourse. Soit des actifs sous gestion de 145 milliards de francs. Ce qui est, précisent les chercheurs du CRML, une nette amélioration par rapport à la précédente édition, où seulement deux tiers du marché était couvert.
 

Autre bonne nouvelle, la transparence des véhicules d'investissement s'améliore. Un peu. Certes, l'obtention d’informations quantitatives sur les portefeuilles reste parfois difficile pour certains sujets, regrettent les chercheurs de l'EPFL. Cependant, ils constatent des progrès, avec des chiffres sur les thèmes énergétiques qui deviennent plus largement disponibles. Avec même une amélioration des données dans d’autres domaines tels que l’eau et les déchets. 
 

La mission de cet indice ESG peut donc se poursuivre, avec, en ligne de mire, la volonté que, « au fil du temps, ce rapport annuel fournisse une indication précieuse des tendances ESG dans l’immobilier suisse », comme l'assurait Eric Jondeau, Professeur à l’UNIL et co-directeur du CRML, dans la première édition de cette étude.
 

Olivier Toublan
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