
De nouveaux outils développés par le CRML, qui se basent sur l'analyse de 45'000 permis de construire, vont permettre aux véhicules d'investissement immobilier de mieux déterminer leur stratégie durable. Sachant que, en moyenne ils devront mobiliser environ 13% de leur valeur nette pour atteindre les objectifs climatiques 2050. Sachant aussi que, au rythme actuel, ces objectifs ne pourront pas être atteints, selon le CRML.
Dans le très vaste sujet de la durabilité de l'immobilier suisse, le Center for Risk Management Lausanne CRML (HEC Lausanne, en collaboration avec E4S, avec le soutien de Quanthome et de la BCV) vient de mettre en place de nouveaux outils d'analyse, pour aider en particulier les véhicules d'investissement immobilier à adopter une stratégie durable efficace, qui leur permette d'atteindre les objectifs 2050 fixés par la Confédération.
C'est que, comme le rappelle le CRML, ces fonds sont aujourd'hui à un tournant: pour atteindre ces objectifs de zéro émission, ils vont devoir accélérer le rythme des rénovations et prendre rapidement des décisions d'investissement stratégiques. Mais pour cela, il leur faut d’abord précisément savoir quelle stratégie adopter et quels en seront les coûts mais aussi les contraintes de planification.
L'analyse de 45'000 permis de construire a permis de déterminer les tendances
On sait que pour diminuer les émissions carbone, améliorer la durabilité des immeubles en Suisse est indispensable. Mais actuellement, selon le CRML, il reste difficile de suivre les progrès du secteur vers la décarbonation. Entre autres parce que la plupart des données disponibles sont rétrospectives ou trop générales pour refléter l'évolution actuelle.
Il faut donc adopter une autre approche. Celle du CRML s'appuie sur les données des permis de construire pour mesurer le rythme, le coût et le type de rénovation effectués en Suisse.
Nous avons nous analysé plus de 45'000 permis délivrés en 2024, afin de comprendre comment les rénovations se déroulent. Même si peu de ces permis ciblent directement l'efficacité énergétique, leur analyse nous permet néanmoins de dégager des tendances notables qui émergent dans l'amélioration du bâti.
Investir 28 milliards pour devenir vraiment durable
Le CRML a classé les stratégies adoptées par les véhicules d'investissement immobilier pour améliorer leur durabilité en quatre grandes catégories.
Rééquilibrage: Rendre les portefeuilles plus durables en vendant les passoires énergétiques et en achetant des immeubles verts. Une stratégie qui serait intéressante dans le cas où la durabilité ne serait pas correctement intégrée dans les prix.
Rénovation: Moderniser les bâtiments existants, en particulier leur système de chauffage. Une stratégie qui permet une vraie réduction des émissions de CO2 mais qui implique des coûts de rénovation importants.
Développement: Certains véhicules immobiliers préfèrent n'acquérir que des immeubles neufs et durables, via le développement de nouveaux projets. Avec comme risque la hausse des coûts de la construction, et des délais parfois importants suite aux oppositions.
Impact: D'autres véhicules ont comme stratégie de valoriser des actifs sous-performants. C'est, selon le CRML l'approche la plus complexe mais aussi celle qui a le plus grand potentiel en termes de réduction des émissions. C'est aussi la stratégie la moins courante en Suisse, ce qui, selon le CRML, pourrait être une opportunité pour les investisseurs, malgré les risques et les incertitudes de cette approche.
La faisabilité économique de la décarbonation
Quelle que soit la stratégie adoptée, les coûts, pour le secteur, pour atteindre les objectifs climatiques 2050 vont être importants. Selon le CRML, en moyenne, les véhicules d’investissement immobilier devront mobiliser environ 13% de leur valeur nette, soit un investissement annuel de 0,5% de la NAV. Pour un total de 28,3 milliards de francs d'ici 2050 ! Une estimation que le CMRL juge par ailleurs conservatrice, puisqu'elle est basée sur les prix actuels.
Bien entendu, pour certains véhicules, une grande partie du chemin a déjà été faite, alors que d'autres devront fournir des efforts bien plus importants, selon le type d'immeubles qu'ils possèdent dans leur portefeuille, leur localisation et les besoins de rénovation. Selon le CRML, les fonds les moins bien lotis vont devoir allouer jusqu'à 2,16% de leur NAV, chaque année, pour arriver aux objectifs de décarbonation 2050. Soit, au final, plus de 50% de leur valeur nette! On comprend que, pour ces fonds, le défi est énorme.
Un rythme actuellement insuffisant pour atteindre les objectifs de 2050
En outre, selon l'analyse du CRML, malgré l’amélioration de la situation ces dernières années (une baisse de 44% des gaz à effet de serre émis par le secteur immobilier depuis 1990), le rythme actuel n'est pas suffisant pour atteindre les objectifs 2050. Sans une accélération significative du rythme des rénovations et de l’amélioration de la durabilité des immeubles, le secteur risque une perte substantielle de valeur des actifs, compromettant la stabilité financière des véhicules d’investissement immobilier, assurent les chercheurs du CRML.
Mais, selon l'institut de recherche, la balle est également dans le camp des politiques qui devraient non seulement jouer du bâton mais aussi de la carotte en proposant des facilités régulatoires voire un soutien financier, qui permettrait de mettre en place des mécanismes favorisant la rénovation des immeubles à un rythme suffisant pour arriver aux objectifs 2050.
Rédaction • Immoday.ch
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