
Dans un monde idéal, l'intérêt public primerait sur l'intérêt privé, y compris en matière d'urbanisation et de densification immobilière, les procédures de recours seraient mieux organisées, avec moins d'instances administratives. Finalement, les actions en dommage-intérêt contre les démarches abusives visant à retarder la réalisation de projets de construction seraient facilitées. C'est ce monde idéal que dessine un récent rapport publié par l'Office fédéral du développement territorial et l'Office fédéral du logement. Dont les propositions, si tout se passe comme prévu, devraient remonter jusqu'au Conseil fédéral.
Mandaté par l'Office fédéral du développement territorial (ARE) et l'Office fédéral du logement (OFL), des chercheurs ont fait une grande découverte : une bonne partie des difficultés rencontrées par les promoteurs est due à la multiplication des oppositions et des recours, qui sont devenus «un obstacle majeur aux projets immobiliers en Suisse». À cela s'ajoute la lourdeur des procédures de clarification préalable au dépôt de la demande de permis de construire, des exigences élevées à respecter en matière de planification et les aléas du facteur humain dans les procédures.
À vrai dire, pas besoin d'être grand clerc pour arriver à de telles conclusions. Mais l'étude, publiée début juillet, est néanmoins intéressante. En effet, après avoir interrogé plus de 400 acteurs du secteur, de la maîtrise d'ouvrage, du développement, de l'architecture mais aussi des juristes, l'administration et des tribunaux, les auteurs proposent un plan d'action pour atténuer la pénurie de logement. Qui va être examiné désormais par l'administration puis présenté au Conseil fédéral, qui, si tout se passe bien, sélectionnera les recommandations qui pourront être mises en œuvre. Ce qui va demander encore plusieurs années.
1. Empêcher un particulier de motiver son opposition par la défense d'intérêts publics
Tous les promoteurs le savent, les opposants à n'importe quel projet immobilier on la tâche facile en Suisse. Comme le relèvent les conclusions de l'étude, "ils ont à disposition un répertoire éprouvé de thèmes prétextes qui permette de légitimer des oppositions et des recours opportunistes." Avec souvent l'utilisation d'arguments passe-partout, comme, par exemple, la protection contre le bruit, ou l'augmentation du trafic. Et qu'importe si auparavant le projet a été longuement discuté et validé dans le cadre des procédures administratives.
Pour les auteurs de l'étude qui ont demandé un avis de droit sur le sujet, "il n'appartient pas aux particuliers de défendre des intérêts publics." Ils proposent donc de restreindre le droit de recours pour empêcher que des particuliers ne motivent une opposition par la défense des intérêts publics. Avec comme conséquence, selon les chercheurs, qu'une grande partie des motifs d'opposition « passe-partout » qui fonctionnent aujourd'hui presque toujours pour ne pourraient plus être avancés que par des associations ou les autorités, ce qui réduirait fortement leur nombre.
2. Durcir les conditions des oppositions qui s'attaque aux travaux des experts
Aujourd'hui, les projets de densification du bâti ne sont pas une partie de plaisir. Les procédures sont nombreuses, tout comme les études et les contraintes administratives, qui permettent au final au promoteur de faire accepter son projet et d'obtenir les permis de construire, après analyse de différentes variantes qui tiennent compte des diverses exigences formulées par toutes les parties. Il n'empêche, les opposants peuvent toujours après coup remettre en question les compromis élaborés par les experts.
Selon les auteurs de l'étude, il faudrait durcir les conditions de dépôt des oppositions qui attaquent les travaux des experts, d'autant plus quand l'évaluation de la qualité du projet a été argumentée de manière solide et convaincante.
Ceci d'autant plus que la plupart de ces oppositions, contrairement à ce qu'affirment les opposants, ne contribuent pas à améliorer le projet. Au contraire, elles retardent la construction, impliquent souvent une diminution de la surface habitable et du nombre de logements prévus, et renchérissent le coût du bâtiment.
3. Augmenter les coûts et les risques financiers assumés par les opposants
Aujourd'hui, la plupart des promoteurs comptent d’emblée avec des oppositions et des recours, quel que soit leur projet. Ils sont d'autant plus nombreux, que, pour les opposants, le risque financier est minime, ce qui les encourage à lancer des procédures.
De ce point de vue, estiment les auteurs de l'étude, il faudrait augmenter les coûts et les risques financiers assumés par les opposants et les recourants.
Ceci dit, si la plupart des constructeurs et bon nombre de juristes s'accordent sur le fait que les oppositions et les recours devraient coûter plus cher, tous ne sont pas d'accord quant au seuil à partir duquel le coût d'une opposition abusive ou opportuniste deviendrait dissuasive. Pour les constructeurs, il tourne autour de 20000 francs, tandis que les juristes estiment qu'un coût de 5000 francs suffirait déjà.
Ceci dit, la Suisse étant la Suisse, il sera difficile d'augmenter le prix des oppositions et des recours. Par contre, il serait tout à fait possible que les législations cantonales en matière de construction et d'aménagement du territoire définissent de manière claire et contraignante les abus de droit afin de faciliter les actions en dommage-intérêt contre les démarches abusives visant à retarder la réalisation de projets de construction.
4. Il faudrait aussi que l'administration se stresse un peu
Pour les auteurs de l'étude, si la construction de logement est ralentie par les oppositions abusives et opportunistes, elle l'est aussi par la durée des procédures. Il serait possible de les accélérer en durcissant les conditions pour les oppositions contre des sujets déjà examinés lors de procédure antérieure. En outre, il faudrait rendre recevable ces oppositions uniquement s'il existe des motifs matériels pertinent. Enfin, il faudrait réduire le nombre d'instance de recours. Bref, tout le monde s'accorde à dire qu'il existe un potentiel d'accélération des procédures et des possibilités de les organiser de manière plus efficiente. Par exemple, en introduisant des mesures d'octroi automatique de l'autorisation une fois écoulé le délai prévu pour la procédure. Mais là, il n'est pas entièrement sûr que l'administration soit franchement enthousiaste.
Pourtant, les autorités habilitées à délivrer les permis et les instances de recours sont surchargées. Elles aussi pourraient profiter d'une accélération et d'une simplification des procédures de recours.
Au final, cette vaste enquête présente aux responsables politiques, tant au niveau fédéral que cantonal ou communal, des pistes concrètes pour améliorer la situation. Espérons qu'elles ne finissent pas dans un tiroir, comme bien des rapports précédents sur le sujet.
Rédaction Immoday
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