
Les swaps immobiliers gagnent en popularité. Pour le vendeur ces apports en nature lui simplifie la vie, et fiscalement c'est souvent plus intéressant que de l'immobilier direct. Pour l'acquéreur, c'est la possibilité de trouver des biens immobiliers intéressants souvent «off-market» dans un marché sec. Reste que malgré ses atouts, cet instrument demeure méconnu de nombreux acteurs de l'immobilier titrisé. Car si le principe est simple, sa réalisation est souvent complexe. Ceci dit la niche est en train de s'étendre avec des transactions qui touchent désormais aussi de l'immobilier industriel. Une table ronde organisée lors de la 4e Journée romande des fonds immobiliers a fait le point sur le sujet.
Ces derniers mois, les apports en nature se sont multipliés pour les fonds immobiliers. Certes, ils restent une niche, mais une niche de taille désormais suffisante pour que plusieurs véhicules d'investissement les intègrent à leur stratégie de croissance.
Reste que, pour beaucoup d'acteurs de l'immobilier titrisé, vendeurs comme acheteurs, les spécificités de l'instrument restent encore méconnues. D'autant plus que leur démocratisation est récente. C'est en effet seulement au mitan des années 2000 que les autorités financières ont autorisé les fonds cotés à y recourir (auparavant, les swaps n’étaient possibles que pour des fonds non cotés et les investisseurs qualifiés).
D'où l'intérêt de la table ronde qui s'est tenue au début de l'automne lors de la 4e Journée romande des fonds immobiliers organisée par IMvestir Partners SA. Animée par Giliana Niffeler, de la Banque dépositaire de la BCV, elle a réuni des personnalités comme Jean-Yves Rebord, avocat spécialisé dans l'immobilier, Julian Reymond, CEO de Realstone SA, Hervé Mützenberg, directeur chez Cronos Finance SA, et Bruno Mathis, responsable du Fund & Immo Desk de la Banque dépositaire de la BCV. Leurs intervention ont permis de présenter de manière synthétique les atouts et les inconvénients des swaps, et la typologie de ses utilisateurs.
Un principe simple, une mise en œuvre plus complexe
Le principe du swap immobilier est connu: apporter un immeuble à un fonds en échange de parts, émise pour l'opération. Pour l'acquéreur, c'est la possibilité d'acquérir un bien sans utiliser de capital ni recourir à l'endettement. Quand au vendeur, il se décharge de la gestion du bien immobilier, dans un contexte où les réglementations sont de plus en plus exigeantes, en particulier en matière de durabilité. L'échange d'un immeuble contre départ d'un véhicule immobilier facilite aussi les problèmes de partage en cas de succession, souvent un problème pour les propriétaires privés.
Évidemment, si le principe est simple, sa mise en œuvre se révèle plus complexe. Comme la valorisation du bien et les termes de l’échange, qui doivent être établis par des experts indépendants afin de garantir l’équité entre les parties. Les banques dépositaires jouent d’ailleurs un rôle central dans ces opérations, validant la documentation, les valorisations et la conformité aux exigences réglementaires.
44 apports en nature pour Cronos
En Suisse, quelques fonds, comme Cronos Immo Fund, se sont spécialisés dans les swaps. Ce dernier en a d'ailleurs fait une véritable stratégie de développement et qui en compte aujourd'hui 44 à son actif, pour une valeur d'environ 470 millions de francs, soit un gros tiers des acquisitions du fonds.
Pour les gérants de Cronos, les swaps ont plusieurs avantages. D'abord ils permettent d'assurer une croissance sans passer par une augmentation de capital traditionnelle. Mais surtout, ils donnent accès à des biens immobiliers souvent en dehors du marché classique, qui passent souvent par des transactions off market. Dans un marché sec, ou tous les fonds immobiliers cherchent à croître, c'est un atout non négligeable. Revers de la médaille, conclure en swap est souvent un processus plus complexe qu’une simple vente. Non seulement il faut convaincre le propriétaire privé, pour qui le bien a souvent des Attachés émotionnelles, mais il faut également mettre en place avec lui un véritable partenariat. Car si la transaction se concrétise, ce partenaire va, d'un coup, devenir un investisseur important dans le fonds.
Fiscalité, facilité et transmission, les trois atouts du swap pour le vendeur
Les dirigeants de Cronos Finance SA confirment que les clients intéressés par les swap qui sont souvent des propriétaires privés, proches de la retraite, qui se posent des questions sur la transmission de leur patrimoine immobilier, quand aucun des enfants n’est intéressé par la gestion immobilière. Ces propriétaires préfèrent alors apporter leur bien à un fonds, qui leur remet des parts en échange: c’est plus simple et fiscalement plus avantageux.
La fiscalité joue d’ailleurs un rôle important: détenir un bien en direct entraîne souvent des impôts élevés sur la fortune et le revenu. L’apport en nature permet d’optimiser cette charge.
Enfin, une troisième motivation fréquente est la fatigue liée à la gestion directe d’un immeuble. Avec les nouvelles exigences de durabilité et les coûts croissants de rénovation, beaucoup de propriétaires préfèrent transférer cette responsabilité à des institutionnels, qui ont les moyens techniques et financiers de gérer ces défis.
Les caisses de pension, gros réservoir potentiel
Mais les propriétaires privés ne sont pas les seuls intéressés par des apports en nature. Les caisses de pension sont également un gros réservoir potentiel. Les plus petites d’entre elles disposent en effet rarement d’une équipe spécialisée capable de gérer de manière efficiente leur portefeuille immobilier, surtout quand il n'est constitué que de deux ou trois immeubles ce qui n'est pas une taille critique suffisante. Le recours à un fonds professionnel leur permet donc de déléguer cette gestion, voire même d'augmenter la rentabilité de leur parc. Sans oublier la diversification permise par le swap, qui diminue le risque de l'investissement immobilier.
La performance constitue une autre motivation majeure. En transférant leurs biens dans un fonds immobilier, les caisses de pension accèdent indirectement à un levier financier, ce qui améliore le rendement de leur immobilier.
Malgré ces atouts, certains freins subsistent. Certaines caisses de pension, surtout si elles sont liées à des entreprises de la construction, conservent un attachement émotionnel à leurs biens ou souhaitent garder le contrôle de leur patrimoine, notamment lorsqu’elles entretiennent des liens avec le secteur de la construction. Des questions comptables, comme la gestion des réserves latentes, peuvent également compliquer le processus. Enfin, un manque de connaissance des mécanismes de swap immobilier subsiste, même s’il tend à diminuer grâce aux efforts d’information menés par les professionnels du secteur.
Il existe aussi des swaps industriels
Signe du développement de l'instrument, il ne se limite plus aux apports en nature les plus évidents - l'immobilier résidentiel - comme le montre le récent exemple de Realstone Industrial Fund. Début septembre, le fonds annonçait en effet l'acquisition de trois halles industrielles dans le canton de Fribourg, d'une valeur d'un peu moins de 12 millions de francs, en partie en liquidité, en partie par le biais d'un apport en nature.
Même si ça n'a pas été le cas ici, ce genre d'opération peut également se doubler d'un «sell and lease back»: l'ancien propriétaire du bien, le loue immédiatement au nouveau propriétaire. Une solution qui permet à l'entreprise de dégager des fonds propres à tout en se déchargeant de la gestion du bien immobilier (plus besoin de se préoccuper, par exemple, des travaux d'entretien ou de rénovation qui peuvent être conséquent pour de l'Immobilière industriel et qui auront un impact sur le cash flow). Cerise sur le gâteau, l'ancien propriétaire, en signant un bail avec le nouveau propriétaire peut continuer à utiliser le bien immobilier sans interruption, avec un loyer fixé sur le long terme. Pour le nouveau propriétaire, cela évite les problèmes de vacance et assure un revenu locatif stable dès l'acquisition du bien.
Techniquement, une opération proche d'une augmentation de capital
Sur le plan technique, le processus d’un apport en nature est proche d’une augmentation de capital, mais avec quelques différences notables. Dans une opération traditionnelle, les fonds sont d’abord levés auprès des investisseurs avant l’achat des biens. Dans un swap, le bien immobilier est acquis directement, payé non pas en liquidité mais par l’émission de parts du fonds (voire un mélange des deux selon les besoins du vendeur).
L’une des distinctions les plus importantes réside dans le droit de souscription: les apports en nature ne créent pas de nouvelles tranches de parts accessibles à tous les investisseurs. Les porteurs existants ne peuvent pas participer à la transaction et n’en sont souvent informés qu’après coup.
En matière de communication, ces opérations se distinguent également. Elles font rarement l’objet d’une annonce publique: la négociation se déroule directement entre le vendeur et le fonds. Pour les fonds cotés, une communication est faite à la bourse, mais les investisseurs ne prennent généralement connaissance de l'opération que lors de la publication du rapport annuel, lorsque le nombre de parts en circulation a évolué. En effet, il n’y a pas d’obligation de publication marketing, sauf si le fonds choisit de le faire pour mettre en avant une transaction significative.
Rédaction Immoday
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