Andreea Stefanescu, CEO de Solutions & Funds: «Regrouper deux fonds, ça n'a pas l'air, mais c'est un énorme travail au niveau fiscal et réglementaire»
25/10/2023
5 min
Solutions & Funds vient de finaliser, en tant que direction de fonds, la transformation d'un fonds Procimmo. Un travail énorme, qui mêle contraintes régulatoires, administratives et fiscales. Une opération unique, jamais réalisée de cette manière auparavant, qui pourrait donner des idées à d’autres fonds.
Semaines chargées pour Solutions & Funds, l’une des plus grosses directions de fonds indépendante de Suisse, qui est en train de finaliser une opération complexe, la transformation de Procimmo Swiss Commercial Fund II en un compartiment de Procimmo Real Estate SICAV et le regroupement avec le compartiment Procimmo Swiss Commercial Fund, créant ainsi l’un des fonds d’immobilier commercial les plus importants du marché, avec presque 2 milliards de francs sous gestion. On fait le point avec Andreea Stefanescu, CEO de Solutions & Funds.
Andreea Stefanescu, avant d'entrer dans le vif du sujet, pour nos lecteurs qui ne le sauraient pas, rappelez-nous ce qu'est Solutions & Funds ?
C'est une direction de fond "Private Labelling", c'est-à-dire que nous ne travaillons que pour des clients tiers, nous n'avons pas, en parallèle, comme beaucoup de directions de fonds, des véhicules à notre nom que nous gérons nous-même. Nous sommes totalement indépendants des banques et des sociétés financières, qui ne font pas partie de nos actionnaires.
C'est vraiment un avantage dans le marché ?
Bien sûr, car nous pouvons nous concentrer entièrement sur les exigences et les souhaits de nos clients sans avoir à peser les intérêts de nos propres produits. Cette indépendance nous a clairement fait gagner des mandats dans le passé.
Vous n'administrez que des fonds immobiliers ?
Nous travaillons aussi pour des fonds de valeurs mobilières, même si l'immobilier représente la plus grande partie de nos activités. Aujourd'hui, nous nous occupons, pour la partie immobilière, de dix fonds et d’une fondation, pour sept clients différents. Au total nous employons une trentaine de personnes, et nous avons 5,8 milliards sous administration. En étant bien clair que nous ne faisons pas d'Asset Management ou de distribution mais seulement de l'Asset Administration, en tant que direction de fonds.
Pourquoi les fonds immobiliers font-ils appel à vous, au lieu d'engager des compétences à l'interne ?
C'est que, d'une part, tout ce travail administratif, juridique et régulatoire que nous faisons n'est pas ce qui passionne le plus les Asset Managers. Ils préfèrent se concentrer sur leurs compétences clés, la gestion du parc immobilier et la distribution de leurs fonds. D'autre part, notre travail demande des compétences pointues, de l'expérience, et donc une équipe de spécialistes qui sont difficiles à trouver. En plus, sauf si l'on est un très gros fonds, il est souvent plus rentable d'externaliser ces activités. C'est, en effet, une activité où les économies d'échelle sont importantes.
C'est si compliqué que ça d'administrer un fonds ?
Prenez simplement les contraintes imposées par les organes de régulation. Elles sont de plus en plus complexes, et elles changent fréquemment, ce qui exige d'être constamment en éveil, pour ne pas se faire surprendre, et pouvoir s'adapter rapidement. C'est d'ailleurs une grande partie de mon travail de CEO. Outre être proche de tous nos clients et s'assurer que nous avons les compétences à l'interne pour fournir des services de haute qualité, je passe beaucoup de temps avec les organismes de régulation, pour entretenir nos réseaux, et anticiper ce qui va se passer.
Revenons à Procimmo. Fin 2022, vous avez décroché la direction de la SICAV Procimmo Real Estate. Qu'est-ce qui les a convaincus de vous choisir ?
Selon la pratique du marché et les exigences régulatoires, ils ont procédé à un appel d’offres auprès de plusieurs directions de fonds. À la fin, ce qui a fait la différence, c'est l'expérience, l'organisation mise en place, les compétences à chaque poste, et le fait que nous soyons actifs des deux côtés de la Sarine, ce qui est unique pour une direction de fonds indépendante en Suisse. Pour Procimmo, c'était un point important. Il faut aussi dire qu’ils connaissaient notre track record et notre expertise puisque nous sommes déjà la direction de fonds de certains de leurs produits.
On m'a aussi laissé entendre que les coûts avaient joué un rôle dans la décision.
Bien entendu, les coûts sont un facteur important, et nous voulons livrer la meilleure qualité de service au meilleur prix. Mais, clairement, nous ne proposons pas les coûts les plus bas du marché. Nous ne voulons pas faire de dumping de prix au détriment de la qualité apportée à nos clients.
Combien facture une direction de fonds ?
Tout dépend de la complexité du fonds, de son portefeuille et de sa taille. Les coûts du marché sont fixés par rapport à la VNI, et peuvent monter jusqu'à 40 points de base. Mais ils peuvent aussi descendre jusqu'à 1 point de base voire même moins. Les marges ont baissé de manière considérable ces dernières années. Mais je dois avouer que, à un niveau si bas, je ne sais pas comment les directions de fonds s'en sortent.
Et vous, vous êtes à combien ?
Comme mentionné, les coûts dépendent de manière générale de la complexité, la taille et la gamme de service souhaitée par le client. Disons qu'on est entre les deux.
Finalement, comment s'est passé le début de ce nouveau mandat pour Procimmo ? Le regroupement de Procimmo Swiss Commercial Fund II, qui devient un compartiment de la Procimmo Real Estate SICAV, s'est bien déroulé ?
Nous sommes à bout touchant, tout sera terminé le 31 octobre. C'est une opération qui a beaucoup intéressé le marché. Pour de nombreux fonds, la situation est devenue difficile, et la solution adoptée pour la Procimmo Real Estate SICAV, pourra probablement servir de modèle pour d'autres opérations de ce type.
C'est vraiment aussi difficile que ça de fusionner deux fonds pourtant relativement identiques, appartenant à la même SICAV, avec un certain nombre d'investisseurs communs ?
De l'extérieur, ça n'a pas l'air très complexe, mais je vous assure, que de l'intérieur ça l'est. Par exemple, entre les deux fonds, il y avait une centaine d'immeubles, et il nous a fallu, tout en respectant des délais très serrés, contacter chaque département fiscal, de chaque commune, de chaque canton, pour négocier une solution fiscale efficace. Sachant que chaque canton, parfois chaque commune a ses règles spécifiques. Bref ça a été beaucoup de travail.
Qui va vous attirer de nouveaux clients ?
Je l'espère, car nous avons désormais accumulé une énorme expérience sur une transaction très complexe. Là encore, il y aura probablement des effets d'échelle pour les opérations similaires suivantes.
Après la fin de cette grosse opération, quelle sera l'actualité pour Solutions & Funds, ces prochains mois ?
Nous venons de gagner un nouveau mandat en valeurs mobilières, que l'on va intégrer à nos activités en 2024. Parallèlement, nous sommes en train de mettre en place de nouveaux fonds pour des clients existants. Ce sera pour 2024 également. Bref, on ne va pas chômer ces prochains mois et nous en sommes très contents.