Le rendement des immeubles remonte mais reste trop bas par rapport aux taux d'intérêt
06/11/2023
5 min
Au vu du niveau actuel des taux à long terme, le rendement des immeubles devrait être nettement plus élevé. Bonne nouvelle pour les investisseurs, ces derniers mois, le marché s'ajuste et la tendance des rendements est à la hausse. Une hausse qui va continuer, résultant essentiellement de l'augmentation des loyers, pas de la baisse des prix.
On se plonge toujours avec délice dans l'Immo-Monitoring de Wüest Partner. Dans la dernière édition, les experts immobiliers reviennent sur le décalage important que l'on observe actuellement entre les rendements des immeubles et le niveau des taux d'intérêt.
En effet, si l'on examine les données historiques, avec un rendement des obligations de la Confédération à 20 ans tout juste au-dessus de 1%, le rendement des immeubles "prime" devrait être nettement plus élevé si l'on se base sur une analyse historique. Alors qu'il reste toujours bas, juste au-dessus de la barre des 2%.
Les investisseurs n'ont pas encore complètement intégré la nouvelle donne
Pour les experts de Wüest Partner, ce décalage s'explique surtout par la rapidité de la hausse des taux, moins de 18 mois. Sachant que, par le passé, on a observé que les rendements de l'immobilier réagissaient avec un décalage de 2 à 4 trimestres aux variations des taux d'intérêt. Et ceci pour trois raisons principales.
Premièrement, les processus décisionnels sur le marché de l’immobilier sont par nature longs en raison de leur complexité. Les achats effectués aujourd'hui ont souvent été décidés il y a des mois, parfois même avant le revirement des taux.
Deuxièmement, les bases de données utilisées par les investisseurs pour leurs décisions d'investissement ne permettent pas de suivre les évolutions en temps réel. Les données datent souvent de trois à six mois, ce qui influence à la fois les évaluations et les décisions d'investissement.
Troisièmement, les investisseurs institutionnels ayant souvent un taux de financement externe relativement faible, l'impact de la hausse des taux sur les coûts de financement n'est ressenti que modérément, ce qui ne les incite pas à rechercher rapidement des rendements plus élevés.
Forte illiquidité du marché des transactions
Autre raison expliquant l'ajustement retardé des rendements des immeubles, l'illiquidité du marché des transactions, qui s’accentue après les changements de taux à cause de l’incertitude accrue. Avec un volume qui est, actuellement, plus de 30% inférieur à la moyenne des 10 dernières années. Autrement dit, dans le contexte actuel, les propriétaires rechignent à vendre. Certes, plusieurs fonds ont ajusté leur portefeuille ces derniers mois, en vendant des biens non conformes à leur stratégie (ce qui explique, en 2022, l'augmentation du volume de transaction juste après le début de la hausse des taux), mais aujourd'hui cette phase semble terminée. En outre, selon les experts immobiliers, la qualité des biens vendus était médiocre, avec des objets généralement plus petits, dans des emplacements moins intéressants, des standards d'aménagement et une durabilité en dessous de la moyenne.
Aujourd'hui, au contraire, les biens que l'on trouve sur le marché sont certes moins nombreux, mais ils sont d'une qualité comparable à ceux que l'on trouvait avant la hausse des taux, assurent les spécialistes de Wüest Partner.
La baisse des prix n'a pas vraiment eu lieu
Si les rendements restent bas, c'est aussi que la baisse des prix n'a pas vraiment eu lieu, contrairement aux prévisions de nombreux experts. Certes, depuis le pic du 4e trimestre 2022, le prix des immeubles d'habitation a baissé de 4,4%, à qualité constante. On se retrouve grosso modo au même niveau qu'au début 2022. Ceci dit, cette baisse reste très modérée par rapport à la hausse de plus de 40% constatée sur dix ans.
Pour l'immobilier commercial, c'est un peu plus compliqué. Depuis les sommets de 2022, la baisse est en moyenne de 8%, dans un secteur qui avait plutôt stagné ces dernières années, fragilisé par le covid, et le télétravail. Bref, on se retrouve aujourd'hui au niveau de 2016, et, sur 10 ans, la hausse n'est que de 10%.
Les rendements devraient continuer à augmenter ces prochains mois
Si le rendement des immeubles, on l'a vu, reste trop bas, en comparaison historique, par rapport au niveau actuel des taux d'intérêt, la situation devrait changer ces prochains mois. En effet, comme l'expliquent les experts de Wüest Partner, la hausse des loyers, attendue en raison de la pénurie de logement et de la hausse du taux d'intérêt de référence, n'a pas encore vraiment eu lieu.
Ceci dit, le mouvement de rattrapage des rendements a néanmoins déjà commencé. En effet, on a constaté, au cours des derniers trimestres, que les rendements nets initiaux ont augmenté progressivement. Avec, ces 12 derniers mois, une hausse moyenne d'environ 50 points de base des rendements des immeubles "prime".
Cette tendance devrait se poursuivre, selon les analystes. Si les taux d'intérêt restent stables, les rendements immobiliers devraient continuer à augmenter ces prochains mois. Une hausse de l’ordre de 30 points de base permettrait de retrouver, peu ou prou, les moyennes historiques, par rapport au niveau actuel des taux d'intérêt à long terme. Mais, comme le répètent les experts de Wüest Partner, cette évolution devrait dépendre de plus en plus de la hausse des loyers réels et, dans une moindre mesure, d’une baisse de la valeur des immeubles.