CIFI: «Sur le long terme, les prix de l'immobilier devraient augmenter au même rythme que le PIB et les salaires»
Donato Scognamiglio & Raphaël Gabella

CIFI: «Sur le long terme, les prix de l'immobilier devraient augmenter au même rythme que le PIB et les salaires»

Immobilier 9 min Rédaction • Immoday.ch
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Les tensions sur le marché immobilier s'accumulent avec des loyers de l'offre qui s'envolent, des prix qui rendent la propriété inaccessible pour la majorité de la population et des rendements qui s'effondrent dans les grandes agglomérations pour les investisseurs institutionnels. Sans oublier un carcan de réglementations et de lois qui corsette le marché. Dans ce contexte, quelles seraient les solutions pour apaiser ces tensions? Les propositions de Donato Scognamiglio, président du CIFI, et de Raphaël Gabella, responsable adjoint Suisse romande.

Fin novembre, comme nous l'avons relaté, le CIFI a tenu son congrès annuel en Suisse romande. L'occasion de rencontrer des acteurs majeurs du domaine de l'immobilier, de faire du networking mais aussi de s'interroger sur la direction que prennent les marchés immobiliers dans un environnement où les tensions s'accumulent.

Nous avons voulu en savoir plus avec les responsables du CIFI, Donato Scognamiglio, ancien CEO et désormais président de l'organisation, et Raphaël Gabella, responsable adjoint Suisse romande.

Messieurs, dans la présentation que vous avez faite lors du congrès du CIFI, vous montrez que, depuis 2015, les salaires nominaux sont en hausse de +5%, que l'indice des prix à la consommation progresse de +6% mais que le prix des logements est, lui, en hausse de +26%. Est-ce une tendance soutenable à terme?

Probablement pas, parce qu'elle crée des problèmes et des tensions dans la population. Comme certains le résument, en caricaturant à peine, aujourd'hui, pour devenir propriétaire, il faut soit hériter soit gagner au loto. Et l'on peut effectivement constater que de moins en moins de gens peuvent acheter dans les grandes villes, qu'ils doivent s'exiler dans les zones périphériques pour trouver des biens immobiliers abordables. Selon les dernières statistiques, 20 % de la population dépense plus d'un tiers de son revenu pour se loger, ce qui n'est pas tenable.

Vraiment? Avec des taux hypothécaires fixes à 10 ans de 1,8%, financer l'acquisition d'un bien d'un million de francs coûte 1'500 francs par mois. C'est supportable.

Oui, mais ce n'est qu'une partie de l'histoire. Car, par mesure de sécurité, pour financer ce bien d'un million de francs, les banques exigent des fonds propres de 200'000 francs et un revenu annuel d'au moins 150'000 francs. À cette aune, une grande partie de la population est exclue de la propriété. Sans oublier que, quand vous êtes propriétaire, les charges sont importantes.

Dans un environnement économique sain, quelle devrait être la hausse de l'immobilier?

Grosso modo la même que celle des salaires, et du PIB. Ce qui n'est plus le cas en Suisse depuis une bonne trentaine d'années.

À quoi est dû ce décrochage?

D'une part au succès économique et politique de la Suisse, qui entraîne une forte croissance démographique essentiellement due à l'immigration. De l’autre, à l'accumulation des réglementations et des restrictions rendant très difficile de répondre à cette demande dans un environnement urbain déjà très dense où, pour augmenter le nombre de logements, il faut souvent détruire et reconstruire, ce qui prend énormément de temps, suscite de nombreuses oppositions et n'apporte finalement qu'une augmentation marginale du nombre de logements à disposition sur le marché.

C'est-à-dire?

Si vous construisez un immeuble de 50 appartements sur un terrain vierge, vous avez un gain net de 50 appartements. Par contre, si vous devez détruire un immeuble de 40 appartements, votre gain net n'est plus que de 10 appartements. Cette situation est le cas de figure classique dans les grandes villes de Suisse, conséquence de décisions politiques qui ont réduit le nombre de surfaces constructibles et qui cherchent à défendre coûte que coûte les espaces verts urbains et périurbains.

Le problème du logement ne se pose pas qu’aux propriétaires mais aussi aux locataires. Comme vous le montrez dans vos statistiques, ces 20 dernières années, les loyers existants ne bougent quasiment pas alors que les loyers proposés sont en hausse de +36%. Là encore, la situation est-elle tenable à long terme?

Dans l'ensemble, si l'on en croit les sondages, les locataires suisses ne semblent pas si malheureux. Et effectivement, tant que l’on ne change pas d’appartement, son loyer ne bouge pas, donc tout va bien.

Mais si l'on doit changer?

On va se retrouver à devoir chercher un appartement au loyer du marché, qui sera jusqu'à deux fois plus cher que le loyer ancien. Avec comme conséquence, souvent, un exil vers les zones périphériques des grandes villes, où les loyers sont plus abordables. Par exemple en Argovie pour la ville de Zurich, ou dans le Chablais pour la ville de Lausanne.

Ce déplacement des habitants vers les zones périphériques, n'est-ce pas la solution simple pour résoudre les problèmes de l'immobilier en Suisse?

Pas quand c'est une obligation, et que l'on doit, contraint et forcé, quitter son quartier, ses amis, habiter loin de son lieu de travail.

Alors quelle serait la solution? Diminuer la demande en limitant la population suisse comme le propose l'initiative de l'UDC?

C'est complètement irréaliste si l'on veut que l'économie suisse continue de croître. Et inapplicable. 

Alléger les contraintes des banques quand il s'agit d'accorder un prêt hypothécaire?

C'est dangereux. Certes, il est peu probable à court terme que les taux hypothécaires remontent à 5%, mais on a vu dans le passé que ça pouvait être le cas. On a aussi vu qu'une tempête immobilière, comme la crise des subprimes aux États-Unis en 2008, pouvait terrasser une économie. Donc mieux vaut être prudent. En outre, alléger les règles des banques ne va pas résoudre le problème de l'offre.

Revoir les lois et les réglementations qui protègent les locataires?

Politiquement, c'est tout à fait inenvisageable.

Alors quelle serait votre solution?

Redéfinir à la hausse les zones à bâtir, en modifiant la LAT, la loi sur l’aménagement du territoire, alléger les réglementations qui permettent des droits de recours totalement opportunistes, souvent uniquement motivés par l'espoir d'une compensation financière, mais aussi donner plus de latitude aux promoteurs. En contrepartie, on pourrait par exemple les obliger à mettre sur le marché une partie des nouveaux appartements à prix coûtant. Ça se fait déjà dans certaines villes.

Ça ne va pas intéresser beaucoup d'investisseurs, ni privés ni institutionnels.

Au final, si le business plan est bien ficelé, l'opération est toujours rentable pour le promoteur et ça permettrait de faire plus facilement accepter de nouveaux projets immobiliers par la population locale.

Vous montrez que le rendement des biens immobiliers dans le centre des grandes villes a fortement chuté, souvent en dessous de 3%. Pourtant les investisseurs continuent d'acheter. Quelle est leur logique?

Ces immeubles dans les centres-villes ont encore du potentiel, par exemple une réserve de loyer. Certes, cette réserve ne pourra pas être réalisée sur le court terme, mais les institutionnels investissent sur le très long terme. Et sur le très long terme, petit à petit, les locataires vont s’en aller, et les loyers pourront être ajustés à la hausse. En outre, ces investisseurs ne comptent pas que sur le loyer, mais sur le rendement total, y compris la hausse du prix de l'immeuble, donc, en moyenne historique, environ 3 % supplémentaires par année.

Ça reste quand même très hypothétique.

Pas sur le long terme, dans les grands centres, tant que l'économie suisse continue de bien se porter et que la population croît. De toute manière, aujourd'hui, les caisses de pension et les institutionnels ont beaucoup d'argent. Si elles le déposent en banque, elles doivent payer un intérêt négatif. Alors mieux vaut un rendement immobilier même faible. D’ailleurs, elles peuvent rechercher des rendements plus élevés en achetant dans la périphérie. Mais, alors, le potentiel de hausse du prix est plus faible.

Finalement, pour reprendre la question que vous posiez lors de votre congrès : quelle direction prennent les marchés immobiliers?

En fin de compte, nous sommes assez positifs. En effet, s'il y a autant de tensions dans l'immobilier, si le taux de vacance est bas, si les prix grimpent, c'est que la Suisse va bien, qu'il y a une demande soutenue pour les maisons et les appartements.

Y a-t-il quand même des risques, par exemple si l'inflation revenait, ce qui entraînerait une hausse des taux de la BNS et donc des taux hypothécaires?

Oui, en effet, sur le long terme, ce risque existe, mais il est faible. Heureusement, en Suisse, les propriétaires sont sérieux, et ils ont amorti leur bien, ce qui limitera l'impact d'une hausse des taux. En outre, avec environ 1'300 milliards de francs de prêts hypothécaires en Suisse, le secteur est devenu «too big to fail», et si une crise survenait, l'État serait obligé d'intervenir, ce qui est une sorte de protection supplémentaire pour le secteur. Mais espérons que l’on ne devra jamais en arriver là. Ceci dit, et on l'a vu récemment avec la débâcle de Credit Suisse, le pire peut toujours arriver, et donc il vaut mieux se préparer.

Rédaction Immoday 

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