
Le cinquième Congrès immobilier et financier CIFI en Suisse romande a réuni, à Lausanne, plus de 200 participants issus de l’immobilier et de la finance. Cette édition anniversaire a abordé les enjeux actuels du secteur par le prisme de l’incertitude, avec des analyses sur la conjoncture économique, le financement immobilier, la mobilité et l’évolution du marché.
Fidèle à son habitude, le Congrès CIFI s’est déroulé le 21 novembre dernier au Musée cantonal des Beaux-Arts de Lausanne devant un public attentif de professionnels. L’évolution des taux d’intérêt, l’importance grandissante des critères ESG, l’arrivée de l’IA, la disparition du Credit Suisse, les droits de douane américains… «L’incertitude fait partie du décor et elle nous oblige à être meilleurs», a rappelé dans son discours de bienvenue Fabien Nussbaum, consultant chez CIFI et responsable du congrès. C’est donc naturellement qu’elle a servi de fil rouge à cet événement.

Défis macroéconomiques pour la Suisse et le monde
Professeur d’économie à l’Université de Genève, Marcelo Olarreaga a évoqué les défis macroéconomiques pour la Suisse et le monde dans le contexte d’incertitude actuel, créé par les politiques commerciales américaines. Il a rappelé que l’incertitude économique complique la planification, décourage l’investissement et pousse les entreprises à prendre des décisions minimales plutôt qu’à se projeter à long terme. Or, l’incertitude globale a enregistré une hausse spectaculaire début 2025, au-delà des niveaux observés lors des grandes crises précédentes. Marcelo Olarreaga a aussi remarqué que les hausses de tarifs américains ne réduisent pas le déficit commercial et pénalisent surtout les acteurs américains. L’ouverture commerciale soutient la croissance à long terme, tandis que le protectionnisme l’affaiblit. Mais il a aussi relevé que le système multilatéral de l’OMC reste paralysé depuis plus de 30 ans.
Table ronde: Le financement immobilier
Modérée par Frédéric Lelièvre, CEO et rédacteur en chef de l'AGEFI, la table ronde a réuni Robert Bichsel, chef de l’unité Risques systémiques et politique macroprudentielle à la BNS, Sylvie Hoecht, de la Banque CIC, et Stephan Mischler, de Feyn, spécialiste du financement immobilier. L’occasion pour eux d’échanger sur le thème du financement. Ils sont tombés d’accord sur l’effet positif des taux qui encouragent l’accession à la propriété tout en constatant des freins importants, notamment l’apport de fonds propres et la hausse continue des prix. Celle-ci représente une source d’inquiétude pour les banques. La FINMA a ainsi récemment confirmé que le marché immobilier reste risqué. Un resserrement des conditions de financement est attendu.
Avec des prix actuels supérieurs de 20 à 40% - une fourchette estimative - par rapport aux modèles basés sur les fondamentaux historiques, la BNS n’a pas exclu un risque accru de correction. Sans toutefois prévoir une correction imminente.
Les intervenants ont également relevé que certains établissements financiers, fortement exposés au crédit hypothécaire, prévoient de réduire leurs volumes dans les années à venir. Leur manque d’appétit pour de nouveaux dossiers complique désormais le financement des immeubles de rendement.

Mobilité et urbanisme à Genève
Pierre Maudet, conseiller d’Etat chargé de la Santé et des Transports, s’est ensuite exprimé sur les enjeux de la mobilité et le projet de liaison ferroviaire Jura-Léman-Salève. À Genève, les 425'000 emplois du canton et les quelque 200'000 personnes qui pénètrent sur le territoire quotidiennement créent une pression considérable sur un marché du logement sous pression, malgré une production annuelle de 3'000 à 4'000 logements. Le canton mise sur de nouvelles infrastructures de transport pour soutenir la densification urbaine et maintenir son attractivité économique. Le projet de métro vise à connecter les principaux pôles économiques ainsi que les grands développements immobiliers en cours, dont Praille-Acacias-Vernets (PAV) et les Cherpines, afin de sécuriser l’évolution des valeurs et d’accompagner l’urbanisation future. L’exemple du Léman Express, dont la mise en service a entraîné une nette revalorisation des quartiers desservis, confirme le rôle déterminant de la mobilité dans les dynamiques immobilières.
L’immobilier suisse, valeur refuge en contexte incertain
C’est avec beaucoup d’humour, et une analyse fine, que Donato Scognamiglio, président du CIFI, a décrit la situation actuelle. Dans un contexte mondial incertain, l’immobilier suisse s’impose comme une valeur refuge. Mais l’offre étant dramatiquement insuffisante, l’envolée des prix se poursuit, portée par une rareté devenue structurelle. Avec un taux de 1% de logements vacants, la Suisse a l’un des marchés résidentiels les plus tendus d’Europe. À Genève et à Zurich, les loyers pour un appartement d’une centaine de mètres carrés enregistrent désormais des loyers autour de 4'000 à 4'500 francs. Les rénovations constituent par ailleurs un vecteur majeur d’augmentation avec la possibilité de répercuter jusqu’à 60% des travaux sur les loyers, générant des hausses souvent proches de 30%, parfois davantage dans les zones les plus demandées.
Face à ces tensions, la population tend à se déplacer vers des cantons plus abordables ou fiscalement attractifs, comme Schaffhouse qui «se positionne comme un 'Zoug 2.0».

Immeubles de rendement: disparités cantonales
Enfin, Raphaël Gabella, responsable adjoint Suisse romande du CIFI, a souligné que les prix du marché des immeubles de rendement ont augmenté plus vite que les loyers perçus, reflétant une volonté des investisseurs de payer plus cher pour un rendement plus faible et prenant de plus en plus en compte le potentiel locatif sur le long terme. Le rendement et le risque, analysés canton par canton, montrent de fortes disparités. Le rendement brut moyen pour un immeuble typique construit en 1970 avec des besoins de rénovations varie selon les communes, de 3,5% sur le canton de Genève à 4,8-5,5% à Neuchâtel, et atteint 4% à Lausanne et plus de 5% à Saint-Croix. A Genève, le rendement brut de certaines transactions s’approche souvent des 3% voire moins pour des très bonnes situations ou des immeubles plus récents. Bulle est un exemple intéressant de l’évolution du marché. Aujourd’hui, le taux de vacance est de moins de 0,5%, comme à Genève, en prévision de l’installation future de Rolex.
Malgré des rendements bas, les investisseurs continuent d’effectuer des acquisitions dans les centres villes et périphéries afin de rechercher des évolutions de valeur sur le long terme plutôt que du rendement sur le court terme.
Cette cinquième édition du CIFI s’est terminée par la visite de l'exposition «Vallotton Forever. La rétrospective», suivie d’un apéritif dînatoire, propice au networking.
La Rédaction Immoday