
La gestion immobilière d'entreprise (Corporate Real Estate Management, CREM) est passée de la simple gestion des biens immobiliers d'exploitation à un outil stratégique décisif. Les entreprises reconnaissent de plus en plus que l’immobilier ne représente pas uniquement un centre de coûts, mais peut activement contribuer à la création de valeur et à la réalisation des objectifs de groupe. Les véhicules immobiliers – soit des structures spécialisées telles que des sociétés de détention, des fonds ou des joint-ventures – jouent un rôle central. Ces modèles offrent aux entreprises une flexibilité financière accrue, améliorent la structure du capital et facilitent le respect des exigences réglementaires.
Le développement du CREM reflète l'évolution du contexte économique :
Années 2000 : la priorité était donnée au principe de shareholder value. Les départements CREM agissaient principalement comme des facility managers avec une forte orientation opérationnelle.
Après la crise financière : le focus s’est déplacé d’objectifs purement financiers vers une vision plus large intégrant l’ensemble des parties prenantes. Outre les actionnaires, des thématiques telles que la gestion des risques, l’optimisation fiscale et la durabilité sont devenues essentielles.
Aujourd’hui : le CREM est désormais un pilier central de la stratégie d’entreprise. L’immobilier est perçu non seulement comme un facteur de coûts, mais aussi comme une ressource créatrice de valeur, utilisée de manière ciblée pour accroître l’efficacité et favoriser la monétisation.
La stratégie financière en matière de CREM va bien au-delà d’un simple contrôle des dépenses et englobe plusieurs dimensions clés :
Optimisations fiscales : des réallocations stratégiques du portefeuille peuvent générer d’importants avantages fiscaux, par exemple via l’utilisation de pertes fiscales reportées ou l’évitement des droits de mutation lors de restructurations immobilières.
Effets comptables (balance-light) : sortir certains actifs immobiliers du bilan peut améliorer le ratio de fonds propres et renforcer la capacité de financement. De nombreuses entreprises recourent ainsi aux modèles de sale-and-leaseback pour libérer des liquidités tout en conservant l’usage des immeubles.
Gestion des coûts et gains d’efficacité : l’optimisation de l’utilisation des surfaces, des modèles opérationnels stratégiques ainsi que des solutions digitales peut réduire les charges d’exploitation et accroître la compétitivité.
Pour exécuter une stratégie immobilière performante, les entreprises s’appuient sur différents instruments :
Sociétés de détention : les actifs immobiliers sont transférés dans des entités juridiques distinctes, ce qui permet de mobiliser du capital externe et de professionnaliser la gestion.
Joint ventures : partenariats avec des investisseurs ou d’autres entreprises, afin de mutualiser les synergies et de réduire les risques d’investissement.
Structures de fonds : particulièrement pertinentes pour les immeubles non essentiels à l’exploitation, afin de monétiser durablement les actifs.
Ces modèles offrent aux entreprises une plus grande flexibilité, élargissent leurs marges de manœuvre financières et facilitent le respect des obligations réglementaires.
Malgré ses nombreux avantages, un système CREM moderne exige une vision stratégique à long terme et une grande capacité d'adaptation :
Scalabilité internationale : alors qu’en Allemagne la transparence et le contrôle sont souvent élevés, d’autres pays présentent des exigences réglementaires différentes.
Adaptations systémiques : l’intégration de nouveaux modèles CREM nécessite des ajustements en matière de finance d’entreprise, de logique comptable et de structures de reporting.
ESG & durabilité : les immeubles qui ne répondent pas aux standards et réglementations en constante évolution posent des défis à la fois financiers et stratégiques.
Exemples pratiques de stratégies CREM réussies
Cas 1 : Entreprise de construction mécanique | Société de détention
Création d’une société de groupe distincte, gérée par une société de management.
Objectif atteint : flexibilité d’action et optimisation de la mise à disposition des surfaces grâce à des responsabilités clairement définies.
Mobilisation des réserves latentes → réduction du levier financier.
Évitement de l’imposition des bénéfices grâce à la séparation opérationnelle.
Délégation claire des obligations d’exploitation.
Cas 2 : Équipementier automobile | Joint venture
Regroupement de la propriété et de la gestion immobilière dans une structure commune.
Objectif atteint : centralisation permettant un management immobilier optimisé.
Optimisation des investissements.
Évitement de la réévaluation des réserves latentes.
Imputation des coûts selon le principe de causalité grâce à un modèle bailleur-locataire efficace.
Cas 3 : Compagnie d’assurance | Structure mixte société & fonds
Pooling des actifs immobiliers au sein d’une société de détention, gérée par une société de management.
Objectif atteint : monétisation des actifs et des services.
Location à des conditions de marché et distribution des bénéfices au groupe et aux investisseurs.
Maintien du contrôle de la stratégie d’investissement au sein du groupe.
Flexibilité dans la monétisation des valeurs immobilières.
Le Corporate Real Estate Management demeure un domaine dynamique qui dépasse largement la simple administration immobilière. Les entreprises qui adaptent leurs stratégies CREM de manière ciblée peuvent non seulement optimiser leurs coûts, mais également générer une valeur supplémentaire. L’utilisation stratégique des véhicules immobiliers constitue ainsi un levier essentiel pour atteindre avec succès les objectifs financiers, opérationnels et ESG.
Prof. Dr. Wolfgang Speckhahn – CEO | Managing Partner, TME Associates