Giliana Niffeler, responsable de la banque dépositaire de la BCV à Zürich: «L’activité des fonds immobiliers devrait se reprendre en 2024, avec plusieurs projets de nouveaux fonds dans les pipelines»

22/02/2024

Olivier Toublan

Immoday

5 min

Si les planètes sont bien alignées, ces projets devraient se concrétiser au deuxième semestre 2024. Le temps que les investisseurs institutionnels reprennent confiance dans l'immobilier titrisé. Au final, l'année 2023 aura peut-être été bénéfique au secteur, qui aura pu prendre le temps de se poser les bonnes questions, innover, trouver de nouvelles sources de revenus pour préparer l'avenir.

 

Il n'y a guère de meilleur observateur du marché de l'immobilier titrisé que les banques dépositaires, qui savent tout ce qui se passe. Il était donc intéressant d'interroger le leader sur le marché des fonds immobiliers labellisés, la BCV, pour avoir son opinion sur l'évolution de l'immobilier titrisé en 2024, après une année 2023 assez morose, avec, historiquement, très peu de nouveaux lancements et d'augmentations de capital. Les réponses de Giliana Niffeler, responsable du développement de l’activité de banque dépositaire de la BCV, qui se montre finalement assez optimiste, même si elle s'attend à un premier semestre encore très calme, le temps que les marchés se stabilisent et que les institutionnels regagnent de l’appétit pour l'immobilier titrisé.
 

Giliana Niffeler, l'année 2023 a été chahutée pour tout l'immobilier titrisé. Y a-t-il quand même des points positifs à en tirer ? 
 

Disons que 2023 a été une année de consolidation. En fin de compte, ces périodes plus calmes sont plutôt saines pour le marché. Une sorte de retour à la normalité, après plusieurs années d'effervescence. D'autant plus que, malgré ce que l'on avait craint en début d'année, le marché immobilier a étonnamment bien résisté en Suisse.
 

Malgré la situation économique difficile, l'immobilier reste une classe d’actifs incontournable et les récentes évolutions des marchés (disagios, corrections des prix des biens immobiliers, nouvelles normes ESG, etc.) ouvrent la voie à de nouvelles opportunités.

 

Reste néanmoins une activité en berne de la part des fonds de placements, ce qui n'est pas une bonne nouvelle pour une banque dépositaire.
 

Effectivement, nous avons également des objectifs de croissance, que nous avons, somme toute, bien gérés en 2023. Mais ce fut, pour nous aussi, l'occasion de nous poser les bonnes questions. On aurait pu rester passif et attendre que la crise se termine, mais ce n'est pas notre mentalité. Nous avons essayé d'anticiper, de comprendre les besoins de notre clientèle, les opportunités du marché, et de trouver des solutions. Nous avons aussi cherché de nouvelles sources de développement. Par exemple, en 2023, nous avons mis l'accent sur les apports en nature, et à juste titre, puisqu’ils furent plus nombreux étant donné que les augmentations de capital étaient devenues difficiles. À la BCV, nous avons accompagné cette croissance organique, nous avons sensibilisé les clients, et nous avons su nous positionner comme le partenaire qui maîtrise ce genre de transaction.
 

Si j'ai bien compris, vous êtes plus optimiste pour 2024?
 

En effet, non seulement nous pensons que le marché va se reprendre, mais surtout nous n’avons jamais eu autant de nouveaux projets de lancement de fondations ou de fonds immobiliers dans le pipeline. De plus, c’est excitant, puisqu’il s’agit de nouveaux et solides acteurs qui arrivent sur le marché, avec des projets et des partenariats innovants, dans l’air du temps. Finalement, ce genre de situation ouvre toujours de nouvelles perspectives, que nous comptons explorer sous un angle plus stratégique, dans le but de consolider notre position de leader sur le marché des fonds immobiliers labellisés. 
 

Quand verra-t-on arriver ces nouveaux projets ?
 

Nous pensons que les six premiers mois de l'année vont continuer à être calmes, les investisseurs institutionnels restent en effet très prudents. Pour la suite, si la situation sur le front de l’inflation et de la croissance se stabilise, que les taux d'intérêt se tassent et que les marchés boursiers se redressent, nous sommes confiants que le marché de l'immobilier titrisé regagnera en importance. Et si l'alignement des planètes est bon, les nouveaux projets évoqués plus haut pourront se concrétiser.
 

Vous êtes une banque active en Suisse romande et en Suisse alémanique. L'impact de l'année 2023 sur l'immobilier titrisé a-t-il été différent des deux côtés de la Sarine ?
 

Pas vraiment, les problèmes fondamentaux étant les mêmes pour tout le monde. Dans les deux cas, on constate que certains fonds historiques, bien établis, avec une base d’investisseurs solide, ont mieux résisté et pu continuer à croître en 2023. Cela dit, on constate que la croissance, vue sous l’angle de l’innovation et du lancement de nouveaux projets de titrisation, provient plutôt de Suisse alémanique. 
 

On peut encore innover dans l'immobilier titrisé ?
 

Bien entendu, et je dirais même, il le faut plus que jamais. Par exemple, les nouvelles contraintes ESG offrent des opportunités de se positionner différemment. Les promoteurs sont parfois amenés à réorienter leur offre pour répondre aux exigences de plus en plus strictes des investisseurs. On voit également l’alliance de compétences, avec de nouveaux types de partenariats comme entre des entreprises de construction et des fondations ou des institutions financières. Bref, à mon avis, une manière innovante de répondre aux nouvelles exigences et aux nouvelles attentes du marché.
 

On a vu cette année plusieurs véhicules qui ont changé de direction de fonds. Y a-t-il eu également des changements au niveau des banques dépositaires ?
 

Dans un marché plus difficile, plus concurrentiel, où il est plus compliqué de convaincre les investisseurs, il est normal que les fonds cherchent à optimiser leur gestion. Il est aussi normal qu'ils cherchent l'appui d'une banque dépositaire qui puisse les accompagner au mieux. Deux gros «players» dans le domaine ayant fusionné, cela ouvre une fenêtre d’opportunité… En tous les cas, nous sommes prêts et bien équipés pour accueillir tout changement! 
 

Vous êtes une banque romande, est-il facile de se faire une place en Suisse alémanique ?
 

Nous sommes désormais reconnus bien au-delà du canton de Vaud pour nos activités de niche et surtout notre savoir-faire. La BCV est présente à Zurich depuis 2010, tout d’abord avec ses activités d’Asset Management, puis avec les produits structurés et les services aux grandes entreprises et enfin avec la banque dépositaire en 2020. Pour qu'une banque cantonale romande puisse s'imposer outre-Sarine, elle doit être en mesure de se démarquer, d'apporter de la valeur ajoutée dans les services qu’elle propose, ce qui est le cas de la banque dépositaire de la BCV. Pionnière dans le domaine, cela fait près de 20 ans que l’activité de banque dépositaire de la BCV s’est  spécialisée dans l'immobilier et qu’elle a pu, au fil des années, se positionner comme leader du marché des fonds immobiliers labellisés, avec aujourd’hui près de 50% de part de marché. Grâce à une équipe bien rodée et dotée de multiples compétences, nous sommes probablement la banque dépositaire qui a accompagné le plus grand nombre d'augmentations de capital et de nouveaux lancements ces dernières années. La BCV est – et reste – une banque dépositaire qui suit de près l'évolution des marchés de l'immobilier, les nouvelles tendances, et qui demeure toujours très proche de  sa clientèle. Bref, tout cela nous donne une vraie légitimité dans le secteur, qui convainc les clients tant en Suisse romande qu'en Suisse allemande.
 

Donc, votre décision stratégique de vous installer à Zurich en 2020 a porté ses fruits ?

 

Aujourd'hui, nous avons 42% de notre portefeuille en Suisse allemande et la plupart des nouveaux projets de fonds viennent de divers cantons alémaniques, donc, effectivement, pari gagné !  
 

  Olivier Toublan - Immoday.ch