Michael Loose, CEO d’Investissements Fonciers SA (IFSA) – La Foncière: «Le marché récompense les fonds qui apportent de la stabilité et qui créent de la valeur ajoutée pour leurs investisseurs»

24/01/2024

Immoday

Olivier Toublan

5 min

En 2023, certains fonds immobiliers ont clairement mieux résisté que d'autres. C’est le cas de La Foncière dont l'agio est resté constamment élevé, signe de l'intérêt que lui portent les investisseurs. Après la publication de ses résultats et l'annonce d'un dividende à nouveau en hausse, que nous réserve La Foncière pour ces prochains mois ? Les réponses de son CEO, Michael Loose.

 

Mois après mois, durant toute l'année 2023, y compris durant la période où plus de la moitié des fonds immobiliers cotés affichaient un disagio, La Foncière a conservé une des primes les plus élevées du secteur. Signe clair que les investisseurs continuaient à lui faire confiance, comment l'expliquer ? Nous avons posé la question à Michael Loose, à la tête d'Investissements Fonciers SA depuis près de 2 ans, la direction de fonds du fonds de placements immobiliers La Foncière lequel vient par ailleurs de publier ses résultats, avec l'annonce d'une nouvelle augmentation de dividende. 
 

Michael Loose, l'année 2023 fut à nouveau particulièrement mouvementée pour le secteur immobilier. Comment gérer un fonds dans ces conditions ?


Cette année 2023 fut certes un plus grand défi mais elle a finalement été positive pour nous. Dans un environnement devenu beaucoup plus exigeant, notre stratégie défensive, que l'on poursuit avec constance depuis des années, a démontré sa pertinence et sa robustesse. 
 

Ce qui explique pourquoi, alors que plus de la moitié des fonds cotés ont connu un agio négatif l'année dernière, La Foncière a bien résisté ?


Effectivement, même s'il a été corrigé à la baisse, notre agio demeure parmi les plus élevés du secteur. Les investisseurs nous ont fait confiance et nous ont fait comprendre qu'ils appréciaient notre gestion rigoureuse et la grande qualité de notre parc immobilier. 
 

Avec néanmoins des performances boursières en baisse, avant la forte reprise des derniers mois de l'année 2023 ?


Comme tout le secteur ! Il faut se rappeler que, depuis 2009, une grande partie de la performance des fonds était générée automatiquement par la seule augmentation de la valeur des immeubles. Ce qui est une anomalie, puisque, historiquement, le rendement total d’un fonds dépendait principalement de ses capacités à générer du cash-flow. Cela est redevenu le cas aujourd'hui. 
 

Quelles sont les conséquences pour les fonds immobiliers ?


Désormais, ce qui va faire de plus en plus la différence est le professionnalisme de l’équipe de gestion du fonds qui doit assurer une gestion active du portefeuille et de ses actifs.  Les deux éléments centraux sont donc l'optimisation des coûts et la maximisation des revenus tout au long du cycle de vie des immeubles.
 

Reste que les investisseurs ont quand même dû grogner quand les cours ont baissé.


Pas forcément. Pour les investisseurs, et en particulier les institutionnels, le cours de bourse n'est pas forcément le critère principal. La pérennité du rendement et la création de valeur sur le long terme, les intéresse plus. Ce qui est le cas avec notre fonds, puisque, à nouveau, cette année, nous avons pu augmenter le dividende. 
 

Ces turbulences vous ont-elles permis de saisir de nouvelles opportunités ?


Pas encore. Les prix pratiqués sur nos marchés principaux ont tout juste commencé à se corriger et nous avons constaté certes des premières baisses mais très faibles. Les prix se corrigent beaucoup plus lentement en Suisse que dans le reste de l'Europe. Sans oublier que certains acheteurs suisses sont encore disposés à payer le prix fort, malgré des rendements très bas.
 

Ce qui veut dire, en clair, que vous n'êtes pas en phase d'acquisition ?


La philosophie du fonds a toujours été de ne pas chercher la croissance à n'importe quel prix. Cela nous évite aujourd'hui de devoir ajuster les valorisations et nous continuerons à suivre cette stratégie à l'avenir. Comme mentionné dans notre rapport annuel, si de bonnes opportunités correspondant à notre politique d’investissements se présentent, nous les saisirons. 
 

Si des opportunités se présentent, comment allez-vous financer de nouvelles acquisitions ? Par une augmentation de capital ?


Tous les scénarios sont envisageables. S’agissant des augmentations de capital, il n’y a cependant pas eu que des réussites l’année dernière. Quant au taux d'endettement actuel, il est de 18,66%, ce qui nous laisse une certaine marge de manœuvre. 
 

Est-ce plus intéressant de s'endetter ou de lever des capitaux propres ?

 

Pour tous les financements d’investissements futurs, il faut trouver le bon équilibre entre les fonds propres et un financement externe. C’est important de pouvoir activer diverses options et de garder de la flexibilité. Avant 2022, les augmentations de capital étaient assez faciles, car l’émission des nouvelles parts étaient placées presque automatiquement dans leur intégralité. L’année passée cette situation a changé et ceci est un indicateur additionnel qui confirme que le « super-cycle » du marché immobilier suisse est en train de changer.
 

Quel a été l'impact de cette hausse de l'endettement sur vos charges financières ? 


Limitée, notre taux d’endettement étant modéré et la plupart de nos emprunts hypothécaires étant bloqués sur le long terme.
 

Parlons un peu de durabilité. Où en êtes-vous avec votre parc ?

 

Nous continuons à augmenter nos allocations et affinons notre stratégie afin d’améliorer l’efficience de notre Fonds en termes de durabilité. Nous avons à cet effet engagé dans notre équipe Mme Julia Cousse, responsable ESG. En collaboration avec nos différents services, elle accélère et renforce nos démarches dans la gestion et les investissements pour atteindre les objectifs de réduction des émissions de CO2 défini par la Confédération. 
 

Vous avez aussi mis en place un comité de durabilité. A quoi va-t-il servir ?


Sur la base de la stratégie validée par notre Conseil d’administration, il suit la mise en œuvre et veille au respect des objectifs à remplir par les différents services de la direction de fonds. Sa mission est également de lancer de nouvelles initiatives pour accélérer la transition écologique de notre fonds. 
 

Cela va-t-il suffire pour atteindre la neutralité carbone en 2050 ?

 

Nous avons commencé très tôt, dès 2009, en mesurant les consommations énergétiques et d’eau des immeubles du parc de la Foncière et à mettre en place des mesures et faire des investissements en conséquence pour les réduire. 

Cela dit, il est clair qu'avec la nature de notre parc immobilier, construit majoritairement entre les années 1930 et 1970, il n’est pas réaliste d’éliminer totalement le niveau des émissions de CO2. 

Pour atteindre la neutralité carbone en 2050, nous recherchons en continu des solutions innovateurs pour abaisser l’empreinte carbone de notre parc. À la fin de cette échéance, il faudra probablement trouver des réponses pour compenser pour les émissions dites « incompressibles ». Nous attachons d'ailleurs beaucoup d'importance à une communication transparente à ce sujet.
 

Ces derniers mois, vous avez aussi fait beaucoup de modifications dans l'organisation de la direction du fonds. Pourquoi ?

 

Nous avons effectivement engagé plusieurs spécialistes dans les différents métiers, des jeunes talents prometteurs, dynamiques qui ont un esprit entrepreneurial. Ceci permet de renforcer nos compétences internes pour améliorer continuellement la gestion du par cet afin d’être prêts pour d’éventuels projets de développement. Plus fondamentalement, nous avons changé nos méthodes de travail, pour que les différentes disciplines augmentent les capacités de synergies, tout en responsabilisant les collaborateurs, en leur permettant de prendre plus d'initiatives, d'apporter leurs propres idées et leurs projets. Nous sommes en train de réviser nos processus internes et nous avons aussi accéléré la digitalisation de nos activités. Ceci va nous permettre d'automatiser certaines tâches afin de libérer du temps, qui sera utilisé pour des activités qui apportent plus de valeur ajoutée à l'entreprise. Le travail est bien avancé !
 

Pourquoi tous ces changements ? La culture d'entreprise avant votre arrivée n'était pas bonne ?

 

Les bases étaient solides mais elles se devaient de poursuivre une évolution et une transformation de la culture d’entreprise pour suivre les changements du marché. Ceci notamment en termes d’attente des nouveaux collaborateurs qui apprécient gérer un dossier dans son ensemble plutôt que d’exécuter une seule et même tâche sur tout le portefeuille. Comme indiqué au début de notre interview la gestion active devient une des clés de succès les plus importantes si l'on veut continuer à optimiser le rendement du cash-flow et créer de la valeur sur le long terme.
 

D'un point de vue plus personnel, vous êtes arrivés à la tête de La Foncière alors que les turbulences commençaient. Pas de regret ?

 

Si vous examinez mon parcours professionnel, vous pourrez constater que j'aime les défis. Je n’ai jamais craint de sortir de ma zone de confort. Je ne suis pas revenu au bord du lac Léman sans ambition. Donc, je trouve ces eaux un peu plus agitées et un environnement plus exigeant, qui offrira très certainement aussi plus de possibilités. La situation est ainsi plutôt très motivante.
 

Quelles sont les prochaines étapes importantes pour La Foncière ?

 

Pour l'instant, nous sommes en train de terminer deux grands projets, à Genève, des immeubles très bien situés. Nous sommes très satisfaits du rythme de location des surfaces et appartements, ce qui va nous permettre d'augmenter encore nos revenus dès l'exercice 2023/24.

Ensuite, la nouvelle organisation interne est prête pour saisir les opportunités qui pourraient se présenter, soit via des acquisitions, des nouveaux projets ou des développements, tout en continuant à maîtriser les coûts de la gestion de notre parc, de maximiser ses revenus et de maintenir un taux de vacance très bas. Bref de continuer à faire ce que La Foncière fait depuis des décennies, avec encore plus de rigueur, dans un environnement qui est devenu beaucoup plus complexe et plus compétitif.
 

Vraiment ? Maintenant que la hausse des taux est derrière nous, ne va-t-on pas revenir rapidement à la situation d’avant ?

 

Ces prochaines années, avec des taux qui sont à nouveau positifs et des rendements obligataires qui redeviennent intéressants, il y aura une concurrence plus intense pour les fonds immobiliers. La qualité du parc, de sa gestion, la stabilité et la pérennité des dividendes feront la différence pour attirer de nouveaux investisseurs. Mais, finalement, c'est une bonne chose, car cela va permettre au marché de distinguer les fonds fondamentalement solides qui ont prouvé leur savoir-faire, leurs compétences, qui sont bien gérés et qui apportent une valeur ajoutée sur le long terme aux investisseurs.
 

 
Olivier Toublan - Immoday.ch