Les défis à relever par le marché des fonds immobiliers suisses selon Taner Alicehic, fondateur de REIS Partners

Les défis à relever par le marché des fonds immobiliers suisses selon Taner Alicehic, fondateur de REIS Partners

Immobilier 8 min Olivier Toublan

La hausse des taux et le rééquilibrage des portefeuilles institutionnels vers l'obligataire ont entrainé une forte baisse de l'ensemble des fonds immobiliers. Dans le contexte actuel, avec une forte prime à la liquidité, seuls les fonds les mieux gérés arriveront à tirer leur épingle du jeu.

Début novembre, l'agio moyen des fonds immobiliers s’est approché de zéro, un niveau qui n'avait plus été observé depuis 1996, au cœur de la crise immobilière. Pour certains observateurs, le pire est passé, et le marché devrait maintenant se stabiliser, voire remonter. D'autres ne sont pas aussi optimistes, comme Taner Alicehic, fondateur de REIS Partners, une société de conseil en structuration et accompagnement des titres immobilier.

Taner Alicehic, pourquoi cette prudence concernant les fonds immobiliers ?

On est en face d'une double problématique, qui touche à la fois la valeur de l'immobilier et les contraintes financières des fonds. Et comme les deux arrivent en même temps, l'impact sur les fonds est majeur. 

C'est-à-dire ?

D'une part, tous les acteurs du secteur qui ne s'étaient pas protégés contre le risque de taux, ceux qui sont restés endettés avec des durations très courtes, vont devoir bientôt renouveler leurs emprunts à des taux plus élevés, ce qui va entraîner des charges financières supplémentaires, et diminuer leur capacité de distribution à leurs investisseurs. D'autre part, la hausse des taux a aussi, on le sait, un impact sur la valorisation de l'immobilier, et en particulier l'immobilier résidentiel, où, contrairement à l'immobilier commercial ou industriel, il est difficile d'augmenter les loyers rapidement pour compenser. En outre, la plupart des fonds ont perdu une des sources des revenus qui les faisaient vivre, les frais de transaction, leur nombre ayant drastiquement chuté ces derniers mois. Bref, tout cela accentue la pression sur les revenus des fonds, qui sont pris en étau.

Vous dites que la valeur des parcs baisse, mais ce n'est pas vraiment ce que l'on voit dans les statistiques des prix de l’immobilier.

On ne le voit pas encore, car on est dans une situation d'attente entre les vendeurs et les acheteurs. Il faut maintenant savoir qui va bouger en premier. Ceci dit, l'histoire nous montre que c'est souvent le vendeur qui craque. Les premiers touchés sont ceux qui doivent mettre aujourd'hui en vente des projets qui ont été initiés il y a 3 ou 4 ans, avant la hausse des taux, avec des prix cibles qui sont devenus trop élevés pour le marché actuel. 

Les promoteurs n'ont qu'à attendre que le marché se reprenne pour vendre.

Ce n'est souvent pas possible, car le vendeur subit la double pression des banques et de ses investisseurs, qui vont faire pression pour que les dividendes soient maintenus.

Pour s'en sortir, les fonds n'ont qu’à ignorer cette pression des investisseurs et baisser temporairement les dividendes. De toute manière, les institutionnels n'ont pas le choix, ils doivent rester investis dans les titres immobiliers.

Ce n'est pas ce que l'on constate quand on observe le marché. Depuis quelques mois, les institutionnels délaissent l'immobilier et privilégient l'obligataire, qui avait été fortement sous-pondéré pendant toute la période des taux négatifs. Et, si les rendements de l'immobilier ne sont pas au rendez-vous, cette tendance va se poursuivre. 

Vous pensez que le marché immobilier direct va s’effondrer comme au milieu des années 1990 ?

Absolument pas, la situation étant complètement différente. Les fondamentaux économiques et démographiques sont favorables à l’immobilier et, pour les investisseurs institutionnel, l'immobilier direct reste une classe d'actif à conserver sur le long terme, ce qui permet de stabiliser les prix. Pour les propriétaires privés, les taux hypothécaires sont beaucoup plus bas qu’à l’époque, et les banques ont mis en place des mesures de sécurité efficaces. Par contre, pour l’immobilier indirect, la situation est différente, comme on l’a constaté avec la correction encaissée ces derniers mois.

Cette correction est-elle maintenant derrière nous, les institutionnels étant quand même obligés de garder des parts de fonds immobiliers ?

Je vous rappelle qu'au plus fort de la crise immobilière, au milieu des années 1990, les caisses de pension n'avaient pratiquement pas d'immobilier titrisé dans leur portefeuille !

Quel est le rendement que demandent les institutionnels pour rester ?

Historiquement, il est de 160 à 180 points de base supérieur à celui des obligations de la Confédération à 10 ans. Pour les meilleurs fonds. Et il peut se monter jusqu'à 300 points de base pour des stratégies immobilières potentiellement intéressantes mais qui paraissent plus risquées, par exemple dans des secteurs comme l'immobilier commercial.

Le spread entre le rendement sur distribution des fonds (2,9 % à la fin octobre) et les emprunts de la Confédération, s’approche des 180 points de base dont vous parlez. Donc, il n’y a pas de problème, les institutionnels vont garder leur immobilier titrisé ?

Attention, c’est une moyenne. Si l'on examine la situation en détail, il y a, entre les fonds, une énorme disparité des performances et des agios. Mais il faut aussi dire que, dans certains cas, le marché a probablement surréagi. Des fonds de qualité ont été emportés par la vague de pessimisme qui s'est emparé des investisseurs. Je vous rappelle aussi que, à l'époque des taux négatifs, quand les institutionnels « parquaient » leur argent dans les fonds immobiliers, le spread dépassait les 300 points de base. Je le répète, aujourd'hui, la situation a changé de manière fondamentale.

Quels sont les fonds qui vont le mieux résister ?

Ceux qui ont acheté leur parc récemment, quand les prix l'immobilier étaient très élevés, vont avoir de la peine. Ce sera plus facile pour les fonds historiques, qui possèdent des immeubles acquis avant l'envolée des prix, souvent sous-valorisé dans leurs comptes, bien situés, des parcs qui possèdent encore du potentiel de développement. D’autre part, la période à venir va cristalliser l’importance des compétences et donc de la qualité des personnes qui gèrent les portefeuilles immobiliers. Ceci fera la différence en termes des résultats à venir.

En outre, les fonds les plus grands et les plus liquides seront privilégiés, ce qui est visible dans le contexte actuel où l’on constate une importante prime à la liquidité. Les caisses de pension ne veulent pas se retrouver coincées avec leurs parts de fonds immobiliers comme cela avait été le cas fin des années 1990.

Depuis le début de la hausse des taux, ces deux dernières années, les agios sont passés de plus de 40 % à presque zéro aujourd’hui. La correction est terminée ?

Clairement les investisseurs ont fait leur travail, en se concentrant sur quelques fonds qui ont leur confiance, et en délaissant les autres. Si vous examinez le marché, vous constatez que plus de la moitié des fonds ont actuellement un disagio, et que tous les parcs d'immobilier commercial sont fortement sanctionnés. Quant à savoir si, au niveau actuel, on a retrouvé un équilibre, c'est difficile à dire car les volumes de transaction sont vraiment faibles. Ce qui est sûr, c’est que la vie des fonds sera moins facile, et il n'y aura plus de la place pour tout le monde. 

Au final, vous pensez que de nombreux fonds immobiliers vont disparaître ?

Il est évident qu'il y aura une phase de consolidation ces prochaines années. Mais la grande force de ce marché, c’est qu’aujourd’hui les titres immobiliers sont devenus une classe d’actif à part entière dans la grande majorité des banques et des caisses de pension en Suisse. Et ceci change radicalement la situation par rapport à mes débuts dans ce métier, il y a 25 ans. Donc, le secteur ne va pas disparaître, il est solide, les caisses de pension investissent sur le très long terme. Il n'empêche, pour les fonds, la situation est difficile. Mais, je suis optimiste, il y a des solutions, il faut simplement être créatif. 

Olivier Toublan - Immoday.ch

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