
Quiconque crée un fonds est confronté à une décision fondamentale : est-ce que je me concentre entièrement sur la gestion et les investisseurs - ou est-ce que j'assume également moi-même les activités administratives et réglementaires coûteuses ? Une direction de fonds externe peut sensiblement alléger la charge de travail. Nous avons demandé à Andreea Stefanescu, CEO de Solutions & Funds, quand et pourquoi cela vaut la peine de s'intéresser à cette solution.
Ces dernières semaines, nous avons publié plusieurs articles sur les véhicules immobiliers qui ont décidé d'intégrer leur direction de fonds. Dans cette série, il nous paraissait indispensable d’avoir également l’avis de Solutions & Funds, qui est actuellement la plus grande direction de fonds indépendante en Suisse. Nous avons interrogé sa CEO, Andreea Stefanescu.
Andreea Stefanescu, pour nos lecteurs qui ne le sauraient pas, rappelez-nous ce qu'est Solutions & Funds ?
Une direction de fonds suisse, indépendante et sans propre gestion de fonds, active depuis 2008, basée sur deux sites, à Morges à Zurich et capable de mettre en place des structures de fonds de tout type. Nous accompagnons des gestionnaires de fortune, des banques tierces ou des Family Offices.
Comment est composée l’équipe ?
Nous sommes un pool de compétences de 35 personnes, avec d'excellents réseaux et de bonnes relations avec les autorités financières. Dont une équipe de direction et de cadres de 10 personnes, avec plus de 150 ans d'expérience cumulée dans les fonds de placement.
De combien de fonds s'occupe cette équipe ?
Aujourd'hui, six fonds de placement immobiliers, sur un total d'une vingtaine de véhicules de valeurs mobilières, immobilières et de fonds alternatifs (Private Debt).
Pour en revenir au sujet principal de notre récente série d'articles, quels sont les critères pour préférer une direction de fonds interne ou externe ?
Cela dépend essentiellement de la stratégie du promoteur du fonds et de sa vision à long terme, quelles sont les compétences qu'il veut maîtriser à l'interne, sur quelles activités il préfère déployer ses forces : uniquement l'Asset Management, le développement du fonds et les relations avec les investisseurs ou, aussi, les activités administratives et régulatoires, qui sont certes essentielles, mais beaucoup plus fastidieuses, et qui demandent des compétences souvent difficiles à trouver sur le marché. Sans compter que cela nécessite d'importants investissements financiers, entre autres pour les besoins de couverture en fonds propres.
Ça n'est pas sexy, la direction de fonds ?
C'est passionnant, c'est un métier que je fais depuis 20 ans sans me lasser. Pour des tiers, cela pourrait peut-être paraître moins sexy que la gestion d'actifs, mais pas pour moi. Les domaines que nous couvrons et sur lesquels nous soutenons nos partenaires sont très larges, exigeants. Ils vont des problématiques administratives et opérationnelles aux aspects fiscaux et juridiques, en passant par le marketing, la distribution et les composants de gestion de portefeuille.
Ce choix de préférer une direction de fonds interne ou externe, est-ce avant tout une question de taille ? Beaucoup de gérants nous ont assuré qu'en dessous d'une certaine taille, avoir toutes les compétences à l'interne n’est pas rentable.
Effectivement, j'estime qu'en dessous de 500 millions de francs – et souvent jusqu’à plusieurs milliards - un fonds immobilier n’est de toute manière pas vraiment rentable. Les commissions touchées par le fonds ne sont pas suffisantes pour financer une équipe à l'interne ni les fonds propres nécessaires, même si le fonds sous-traite tous les services autorisés par la loi.
C'est l'inverse quand on est un très grand fonds qui gère plusieurs milliards ?
Tout dépend encore une fois de la stratégie du fonds. Ceci dit, effectivement, on constate que beaucoup de très grands fonds ont tout internalisé. D'autant plus quand ils sont des émanations d'énormes structures comme des grandes banques ou des assurances, qui avaient déjà toutes les compétences techniques à l'interne et qui entretiennent des liens étroits avec les autorités financières.
Quels sont les avantages d'avoir une direction de fonds externe ?
Il y en a plusieurs. D'abord, pour les investisseurs, c'est une garantie de contrôle additionnel y compris la surveillance de toutes les parties tierces impliquées. Ensuite, pour le promoteur, c'est la possibilité, quand il a des interrogations, de s'adresser à des spécialistes dans tous les domaines administratifs et régulatoires. Et surtout de ne plus avoir besoin de s'occuper de ces tâches au jour le jour. Enfin, aucun capital-risque n'est nécessaire pour couvrir les actifs administrés.
Y a-t-il aussi des inconvénients de tout déléguer ?
Il y a bien entendu des coûts à prendre en compte, mais si la collaboration fonctionne bien, si les processus ont été discutés en amont, solidement établis, il n'y a pas vraiment d'inconvénients. Ceci dit, effectivement, ça peut ralentir quelques décisions, ce qui gêne certains promoteurs. Notre rôle est d’analyser toutes les transactions effectuées, de challenger le gestionnaire, pour vérifier si ses décisions d'investissement vont dans l’intérêt du fonds mais aussi, principalement, dans celui des investisseurs, pour qui ce contrôle est une garantie supplémentaire.
Et comment savoir si les processus sont solides et efficaces ?
En discutant sans cesse avec les clients, qui tous ont une personne de contact chez Solutions & Funds. Ce qui nous permet de savoir exactement ce que chacun veut, s'il est satisfait de nos services, s'il faut changer quelque chose, dans quels domaines améliorer notre relation. Et quand ces clients atteignent une certaine taille, ces discussions deviennent encore plus intensives.
Entre direction de fonds interne ou externe, est-ce que l'on constate une tendance ces dernières années ?
Pas vraiment, cela dépend vraiment de la stratégie du promoteur.
Prenons deux exemples concrets récents. Vous avez repris la direction de fonds de Procimmo en 2023, qui, une année plus tard, a décidé de ne plus faire appel à vos services et de tout intégrer. Que s'est-il passé ?
Précisons que nous avions déjà la direction de fonds de la plupart des produits Procimmo, depuis leur lancement. En 2023 nous n'avons repris que les produits que nous ne gérions pas encore, pour entamer une phase de consolidation des différents véhicules, voulue par Procimmo. Une opération vraiment intéressante qui n'avait jamais été faite en Suisse. Ensuite, une fois la restructuration terminée, ils ont pris la décision stratégique de tout internaliser ce qui, même si c'est dommage pour nous, faisait absolument sens. En effet, aujourd'hui, ils ont atteint une taille d'environ 4 milliards de francs, donc suffisante pour justifier cette décision d’un point de vue économique.
Parallèlement, vous venez de gagner la direction de la SICAV Edmond de Rothschild.
Cette SICAV, qui pèse également plusieurs milliards, a eu une performance assez exceptionnelle ces dernières années. Après réflexion stratégique, ses dirigeants ont décidé qu'ils n'étaient pas intéressés par la gestion administrative et régulatoire. Ils préfèrent se concentrer sur l'Asset Management et sur leur croissance, avec, d'ailleurs, une augmentation de capital très importante qui vient d'être annoncée (elle pourrait attendre 390 millions de francs).
Au fait, quel est votre travail lors d'une augmentation de capital ?
Nous établissons tous les documents juridiques en coopération avec la banque dépositaire. Parallèlement, nous calculons le prix d’émission, finalisons les prospectus d'émissions et nous nous occupons de toute la partie régulatoire. Mais le gros travail vient ensuite puisque, en général, ces augmentations de capital sont rapidement suivies par des transactions immobilières, que nous contrôlons bien entendu une à une.
Rédaction-Immoday.ch