
Realstone Fondation de Placement vient de boucler avec succès une nouvelle augmentation de capital, tout en ayant convaincu de nouvelles caisses de pension de participer à l'aventure. Avec comme objectif d'atteindre le milliard de francs dans les cinq ans. Son président, Edouard Dubuis, revient sur les avantages et les inconvénients de ce type de véhicule d'immobilier titrisé : droit de regard sur la gestion, pas d'agio, pas de volatilité mais guère de liquidité non plus.
On parle peu des fondations de placement. C'est que ces véhicules d'immobilier titrisé, réservés aux caisses de pension sont moins souvent mis sur le devant de la scène par les médias, même si, ces deux dernières années, ils ont été particulièrement actifs sur le marché avec une trentaine d'augmentations de capital. Realstone Fondation de Placement vient justement d'en boucler une, l'occasion de revenir sur cette opération - et plus largement sur les fondations de placement - avec son président Édouard Dubuis.
Edouard Dubuis, Realstone Fondation de Placement vient de boucler une augmentation de capital. Comment ça s'est passé?
Ça s'est très bien passé, nous avons réussi à lever 48 millions de francs, ce qui, pour une fondation de notre taille, qui n'a que 5 ans d'existence, est un très bon résultat.
Vous aviez pourtant annoncé vouloir lever 60 millions de francs.
C'était un maximum et nous savions qu'il allait être difficile à atteindre. De toute manière aujourd'hui, pour toutes les augmentations de capital, les investisseurs sont devenus extrêmement exigeants: ils examinent avec attention le pipeline, les biens déjà sécurisés. Ils ne veulent surtout pas que l'on garde trop longtemps du cash, ce qui aurait pour effet de diluer les rendements. Dans ce contexte, les 48 millions levés correspondent à ce qu'il y avait dans notre pipeline.
Avez-vous réussi à attirer de nouveaux investisseurs ?
Oui. D'une part, nos investisseurs historiques ont répondu présent, faisant ainsi preuve de leur confiance. De l'autre, nous avons en effet réussi à convaincre quatre nouvelles caisses de pension, dans un marché difficile.
Difficile, vraiment?
Les caisses de pension sont très sollicitées, on le voit au nombre d'augmentations de capital lancées par les différents véhicules d'immobilier titrisés ces derniers mois (près de 50 en 2024 et déjà plus d'une trentaine en 2025).
Rappelez-nous en quelques mots ce qu'est Realstone Fondation de Placement ?
Nous sommes une fondation de placement tout ce qui a de plus classique, avec un portefeuille immobilier de 419 millions de francs à ce jour. Celui-ci se compose de 35 immeubles, principalement résidentiels (86%) et en Suisse romande (85%), conformément à notre stratégie d’investissement qui est de répondre à ces deux critères pour un minimum de 80%. Nous appliquons une stratégie active en termes d’asset management avec des résultats très intéressants, notamment au niveau de la croissance des états locatifs ou de la gestion des vacants. Nous veillons aussi à rajeunir l’âge économique du portefeuille en réalisant des rénovations ciblées et tout en combinant des projets créateurs de valeur, tels que des surélévations. Cette stratégie permet d’améliorer les performances énergétiques des immeubles tout en maintenant le rendement cible visé de 3% sur nos fonds propres.
Qui gère ce portefeuille immobilier ?
Ce sont les équipes de Realstone SA, réparties en trois piliers. Le premier s'occupe de la recherche, l’analyse et l’acquisition des immeubles. Le deuxième œuvre à la gestion financière du portefeuille. Le troisième gère les aspects techniques des immeubles avec des équipes à l'interne. C’est cette organisation qui nous permet d'être très efficaces avec, dans chacune de ces équipes, des experts dédiés spécifiquement à la fondation de placement.
Comment se décide l'attribution des immeubles dans le groupe Realstone ?
C'est une question extrêmement importante, qui nous est souvent posée. Il existe trois critères pour déterminer l’allocation des immeubles entre les différentes solutions d’investissement. Le premier est la stratégie d’investissement de chaque produit qui détermine par exemple l’emplacement, l’utilisation et la performance financière requise de l’immeuble. Le deuxième critère est la capacité d’achat disponible de chaque véhicule de placement. Le troisième est la répartition des risques. En cas d’égalité, les solutions d‘investissement peuvent utiliser un droit prioritaire d’achat à tour de rôle. Ainsi, dès le début du processus d’analyse, le véhicule dans lequel l’immeuble sera intégré est très clair.
Et quel est plus précisément ce processus d’analyse ?
Les caractéristiques de l’immeuble doivent d’abord parfaitement coïncider avec la stratégie d’investissement du véhicule de placement. Par exemple, le groupe de placement RIRS de la fondation investit principalement dans des immeubles résidentiels en Suisse romande et générant un rendement net de 3% sur fonds propres. Cela implique qu’il faut parfois s’éloigner des centres-villes en direction de leur couronne afin d’obtenir de tels rendements. Au contraire, le fonds Solvalor61 vise des emplacements centraux. Ensuite, il faut que le véhicule de placement possède les liquidités suffisantes pour acquérir l’immeuble. Enfin, la question de la répartition des risques est abordée, notamment concernant la taille de l’objet. Par exemple, pour le groupe de placement RIRS de la fondation, nous pouvons nous porter acquéreurs d’immeubles dont la valeur se situe entre 10 et 30 millions de francs, pour ne pas dépasser la limite de 15% de la fortune totale selon les restrictions légales.
Concrètement, y a-t-il souvent des rivalités entre les différents véhicules?
À vrai dire, depuis 5 ans que je suis à la présidence de Realstone Fondation de Placement, la question ne s'est jamais posée.
Si je ne me trompe, cette fondation de placement possède un seul groupe de placement, RIRS.
C'est une structure assez classique pour les fondations de placement vouées à ne gérer qu’une seule classe d’actifs.
Est-ce à dire que vous envisagez le lancement de nouveaux groupes de placement ?
Ce serait techniquement possible, mais pour l'instant nous nous concentrons sur le développement du groupe de placement RIRS. Avec comme objectif d'atteindre une taille d'un milliard de francs dans les 5 prochaines années.
C'est réaliste?
Au vu de notre progression récente, oui, tout à fait. L’an dernier, nous avons bouclé deux augmentations de capital pour 55 millions de francs et, après celle que nous venons de clôturer en mars 2025, nous pensons en lancer une nouvelle en septembre.
De quel montant?
C'est un peu tôt pour le dire. D'un côté, le pipeline se remplit bien, de l'autre nous avons repris notre bâton de pèlerin pour aller rendre visite à nos investisseurs actuels et à de nouvelles caisses de pension, pour estimer leur intérêt.
Un milliard de francs, c'est la taille critique pour une fondation de placement ?
Avec une fortune totale projetée de cinq cents millions de francs d’ici la fin de l’année 2025, nous estimons que nous aurons déjà atteint un premier seuil critique pour de nombreux investisseurs et ainsi augmenté encore notre attractivité. Toutefois, il est vrai que le milliard est une taille qui nous permettrait de maximiser encore plus notre efficacité par rapport à nos coûts de gestion. Mais attention, nous ne cherchons pas la croissance à tout prix, et en tout cas pas au détriment de la qualité de notre portefeuille ni de son rendement.
Pour les caisses de pension, cette taille critique est-elle vraiment un facteur important ?
Pour certaines oui. Elles sont tellement grandes qu'elles investissent souvent par dizaines de millions. Mais pour des questions de répartition des risques, elles définissent un taux d’emprise maximum afin de ne pas avoir des positions trop importantes dans un seul véhicule de placement.
Avant cette augmentation de capital, vos dix principaux investisseurs représentaient 60 % des parts, ça n'est pas un peu dangereux ?
Non, dans le sens où l’investisseur détenant le plus grand nombre de parts ne représente que 11% du groupe de placement RIRS. Cette position importante provient d’un apport en nature réalisée en 2021. Depuis cette transaction, nous entretenons une très bonne relation avec cette caisse de pension et avons sa pleine confiance, tout comme les autres d’ailleurs.
Combien avez-vous de porteurs de parts aujourd'hui?
Nous comptons aujourd’hui 57 institutions de prévoyance affiliées, toutes très fidèles. Depuis notre naissance, il n'y a jamais eu de demande de rachat.
Pourquoi est-ce qu'une caisse de pension préférerait votre fondation de placement plutôt qu'un fonds immobilier classique?
D'une part parce que la fondation de placement est valorisée à la VNI et qu'il n'y a donc pas d'agio ni de volatilité dans le prix des parts. D’autre part parce que notre stratégie d’investissement intéresse également beaucoup les investisseurs puisque nous sommes une des rares fondations à se concentrer essentiellement sur la Suisse romande. De plus, nos investisseurs soulignent également notre stratégie active d’asset management qui nous permet d’obtenir des très bons résultats dans la croissance de nos états locatifs d’environ 1% par année ainsi que la gestion de nos vacants, inférieurs à 1%. Finalement, avec un véhicule de placement de ce type, les porteurs de parts ont des droits sociaux sur la gestion de la fondation de placement. D'ailleurs, nous sommes en train d'organiser notre prochaine assemblée générale, qui aura lieu en juin.
Et pour Realstone, quel est l'avantage de lancer une fondation de placement plutôt que de faire grossir ses fonds immobiliers?
Nous voulions aussi offrir une alternative aux caisses de pension, avec un véhicule valorisé à la VNI, sans agio ni volatilité liée aux marchés boursiers. De surcroît, cette structure est exonérée d’impôts puisqu’elle est réservée exclusivement aux institutions de prévoyance professionnelle, ce qui permet d’être plus agile qu’un fonds fiscalisé dans les cantons les moins avantageux fiscalement. Cette structure nous a également permis de rejoindre la Conférence des Administrateurs de Fondations de Placement (CAFP/KGAST) en février 2024. Depuis juin 2024, la fondation a été intégrée dans l’indice KGAST et cela permet désormais de pouvoir être comparés avec nos pairs, ce qui nous donne de bons arguments quand il faut convaincre les investisseurs.
Rédaction Immoday
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