
Dès son lancement Comunus SICAV a décidé de tout gérer à l'interne. D'habitude, les petits véhicules préfèrent s’adresser à un direction de fonds, pour des questions de coûts et de compétences. Mais si cette externalisation a des avantages, elle a aussi des inconvénients en termes de rapidité, de flexibilité et d'efficacité. Trois critères importants quand on se lance et qu'on doit faire ses preuves auprès des investisseurs, estime Julien Baer.
Si les très gros fonds de placement immobiliers, ceux qui pèsent plusieurs milliards de francs, émis souvent par des banques ou des assurances, s'occupent de la totalité de leur gestion à l'interne, beaucoup de "petits" véhicules indépendants préfèrent faire appel à une direction de fonds. Pour des questions de compétences techniques et de coûts. Beaucoup mais de loin pas tous. Nous avons voulu savoir pourquoi, avec quels avantages et quels inconvénients.
Nous avons posé la question à Julien Baer, CEO de Comunus SICAV, qui, après une nouvelle augmentation de capital, au mois de mai, aura une fortune totale d'environ 750 millions de francs. Bref, l'exemple type de ces véhicules de taille moyenne qui d'habitude optent pour une direction de fonds.
Julien Baer, Comunus SICAV n'a pas de direction de fonds externe. Pourquoi ce choix?
Concernant la direction de fonds, nous sommes dans une situation atypique puisque nous sommes une Sicav autogérée, un statut particulier prévu dans la loi sur les placements collectifs (LPCC). Il nous permet de tout gérer à l'interne, sans avoir formellement une direction de fonds. À noter que ce statut va bientôt évoluer.
Pourquoi ?
La nature de la structure d’une SICAV autogérée est limitative puisqu’elle ne permet pas de lancer de nouveaux produits, notamment des L-QIFs. Quoi qu’il en soit, en termes d’organisation, pour les équipes cela ne va rien changer puisque la SICAV autogérée Comunus réunit déjà toutes les compétences requises pour une direction de Fonds.
D'accord, mais pourquoi vouloir tout gérer à l’interne ?
D'abord, cela nous permet d'avoir des processus de décision nettement raccourcis. Par exemple, quand nous voulons faire une acquisition, nous n'avons pas besoin de demander d'autorisation à la direction de fonds. Ce qui nous permet d'être plus réactif sur le marché puisqu'une décision peut être prise en quelques heures seulement, tous les collaborateurs concernés étant dans les mêmes bureaux. Tout faire à l'interne nous permet aussi d'avoir la main sur la comptabilité et tous les chiffres dont nous avons besoin que ce soit pour la gestion du fonds ou pour répondre aux questions des actionnaires. À nouveau, c'est plus rapide et plus efficace que de demander ces données à une direction de fonds.
Cette décision de tout gérer à l'interne présente-t-elle aussi des inconvénients?
Il y a parfois certaines compétences qui nous manquent, comme des juristes, des avocats ou des fiscalistes pointus. Ceci dit, on peut toujours faire appel à des experts externes, même si ça représente des coûts supplémentaires.
Comment est composée l'équipe de Comunus SICAV?
Nous sommes une dizaine de personnes pour gérer la SICAV, dont quatre qui s'occupent de l’administration du fonds (y.c. la comptabilité) : le CFO, une responsable compliance et deux comptables. Des personnes polyvalentes qui peuvent, si nécessaire, aider le reste de l'équipe quand il y a des besoins spécifiques ponctuels.
Si l'on parle de coût, c'est plus cher l'interne ou l'externe?
À notre niveau, avec notre taille, faire appel à une direction de fonds pourrait être potentiellement moins cher. Mais ce n'est pas dans notre stratégie, puisque, comme je l'ai dit, nous perdrions en rapidité, en flexibilité et donc en qualité de gestion.
Certains experts assurent qu'en dessous d'une taille minimum, se constituer en direction de fonds n’est pas une solution.
En effet, le problème se pose avec acuité pour les petits véhicules, grosso modo en dessous de 300 millions de fortune totale. À ce niveau, les fees facturés pour la gestion du fonds et les commissions générées par l'achat et la vente d'immeubles, dans une stratégie de valorisation du portefeuille, ne suffisent pas à financer une équipe de gestion performante, qui est un coût quasi fixe, quelle que soit la taille du fonds. Nous avons, d'ailleurs connu ce problème lors de notre lancement, avec comme conséquence plusieurs années déficitaires. Mais c'était une stratégie assumée, en prévision de la croissance du fonds. Désormais, avec une fortune globale d'environ 750 millions de francs (après la prochaine augmentation de capital), les fees nous permettent sans problème de financer notre équipe de gestion. Pour preuve, notre TER a fortement baissé ces dernières années.
À quel niveau se situe t-il aujourd'hui ?
Il s'établit actuellement à 0,74%, c'est-à-dire dans la moyenne du secteur. Pour les investisseurs, c'est un indicateur parmi d'autres dans leur décision d'investissement, l'essentiel restant la stratégie et la performance du fonds sur le long terme. Nous en sommes la preuve, puisque, malgré un TER élevé quand nous nous sommes lancés, les investisseurs nous ont quand même suivis, séduits par notre rendement plus élevé que la moyenne.
Olivier Toublan • Immoday.ch
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