
La mode semble être aux directions de fonds internes, qui permet une complète maîtrise des produits. Mais quand on creuse le sujet, on se rend rapidement compte que les avis divergent. La décision dépend du fonds et de sa stratégie d'allocation de ses ressources humaines et financières. Avec quand même deux constats: En dessous de 500 millions de fortune, mieux vaut opter pour une direction de fonds externe. Et en dessus de 2 milliards, la direction de fonds interne est souvent préférée. Notre enquête.
Depuis peu, Procimmo SA a internalisé sa direction de fonds. Signe d'une tendance ? Après avoir interrogé plusieurs gérants, quelques constats: En dessous de 500 millions de francs sous gestion il vaut mieux externaliser, au-dessus de 2 milliards l'internalisation est probablement la solution la moins chère et la plus efficiente. Entre les deux ? Tout dépend de la stratégie du fonds en matière d'allocation de ses ressources humaines et financières.
Assumons d'abord quelques abus de langage
D'abord une précision. Pour des questions de clarté, nous allons nous permettre quelques abus de langage. En effet, nous allons parler dans cet article de direction de fonds interne et externe, deux expressions communément admises chez les asset managers et les investisseurs même si, juridiquement, ça ne veut rien dire.
En effet, il n’y a pas de concept d’«externalisation» de direction de fonds dans la réglementation. Pour lancer un fonds, on peut décider de demander soit une autorisation en tant que direction de fonds, soit une autorisation, plus simple à obtenir auprès de la FINMA, en tant que fonds ou en tant que gestionnaire de placement collectif. Mais si cette solution est moins onéreuse - en termes d'organisation, structure, compétences requises, etc. -, elle oblige à passer ensuite par une direction de fonds.
Pour une maîtrise complète de ses produits
Revenons donc à Procimmo. Pour Terence Kast, COO, internaliser la direction de fonds permet une complète maîtrise des produits. Un argument répété par tous les gérants de fonds interrogés. «Depuis quelques années, Procimmo a beaucoup travaillé sur son organisation et sur la manière de gérer le plus efficacement possible ses produits. Dans ce contexte, nous sommes arrivés à la conclusion que nous étions désormais en mesure d’opérer seuls les tâches d’une direction de fonds.»
Andreea Stefanescu, CEO de Solutions & Funds (qui s'occupait auparavant de la direction de fonds des produits de Procimmo SA) comprend ce choix. «Aujourd'hui, ils ont atteint une taille d'environ 4 milliards de francs, donc suffisante pour justifier cette décision d’un point de vue économique.»
Une question d'efficacité et de rapidité
Si faire appel à une direction de fonds externe permet de bénéficier de l'expertise d'équipes qui ont prouvé leurs compétences, cette solution a aussi, pour la plupart des gérant interrogés, l'inconvénient de ralentir les prises de décision. «Certains projets peuvent désormais se réaliser dans un laps de temps plus court et sans les contraintes inhérentes à la collaboration avec un tiers» résume Terence Kast.
Tout faire à l'interne permet en effet d'avoir des processus de décision nettement raccourcis, confirme Julien Baer, CEO de Comunus SICAV. «Par exemple, quand nous voulons faire une acquisition, nous n'avons pas besoin de demander d'autorisation à la direction de fonds ce qui nous permet d'être plus réactif sur le marché puisqu'une décision peut être prise en quelques heures seulement.»
Julian Reymond, CEO de RealStone SA, ajoute qu'avoir toutes les compétences ainsi que l'administration des fonds à l'interne permet également de bénéficier d'un reporting avec des informations financières et immobilières de meilleure qualité, plus rapidement.
Évidemment, du côté des directions de fonds externes, ce n'est pas tout à fait la même chanson. Si les processus ont été discutés en amont, solidement établis, il n'y a pas vraiment d'inconvénients à tout déléguer, assure Andreea Stefanescu, CEO de Solutions & Funds, une des plus grosses directions de fonds indépendantes de Suisse. Elle ajoute surtout que, grâce à ses activités de contrôle, la direction de fonds externe est une garantie supplémentaire pour les investisseurs.
Pour une fois, la taille compte vraiment
Mais avant tout, la décision d'opter pour une direction de fonds interne ou externe dépend de la taille du véhicule. En effet, dessous d'une taille de 500 millions de francs, Andreea Stefanescu assure que les commissions touchées par un fonds ne sont pas suffisantes pour financer une équipe à l'interne même si tous les services autorisés par la loi sont sous-traités. C'est ce que confirme Julien Baer, CEO de Comunus SICAV: En dessous de cette taille, les fees facturés pour la gestion du fond et les commissions générées par l'achat et la vente d'immeuble ne suffisent pas à financer une équipe de gestion performante qui est un coût quasi fixe quelle que soit la taille du fonds. Certains véhicules, comme justement Comunus SICAV assument cependant ces coûts, dans une volonté de tout gérer à l'interne, en prévision de la croissance du fonds. «Désormais, avec une fortune globale d'environ 850 millions de francs après la prochaine augmentation de capital, les fees nous permettent sans problème de financer notre équipe de gestion», se félicite Julien Baer.
En dessous de 400 à 500 millions de francs mieux vaut privilégier la direction de fonds externe
«D’après mon expérience, effectivement, en dessous de 400 à 500 millions de fortune nette (VNI), l’activité de direction de fonds n’est pas rentable uniquement sur la base des revenus récurrents», confirme Claudio Müller, Directeur du Département direction de fonds chez Cronos Finance SA. «En revanche, au-delà de ce seuil, elle peut couvrir ses coûts et ceux des structures nécessaires, notamment grâce aux activités non récurrentes telles que la supervision et l’exécution des transactions (acquisitions et ventes d’immeubles) et les augmentations de capital, qui relèvent de sa responsabilité.»
À noter qu'il ne s'agit pas uniquement du niveau des commissions, précise Julian Reymond. «En effet, les fonds propres minimums requis par la FINMA pour créer une direction de fonds sont clairement plus importants que pour un gérant de fonds de placement. La notion de rentabilité des fonds propres mobilisés doit donc également être étudiée.»
Mais ne prendre en compte que la taille n'est pas suffisant
Mais ne prendre en compte que la taille n'est pas suffisant, tempère Andreea Stefanescu. Il faut aussi pouvoir recruter les talents, plutôt rares dans ce secteur et donc chers, mais aussi entretenir des liens étroits avec les autorités financières. En outre il faut également convaincre les investisseurs, pour qui une direction de fond externe est une garantie de contrôle additionnel.
Des obstacles qui ne sont pas insurmontables quand on est un grand fonds qui pèse plusieurs milliards, ou quand on est l'émanation d'une très grosse structure financière, comme une banque universelle ou une assurance, qui possède déjà à l'interne toutes les compétences techniques et la plupart des autorisations nécessaires. Ce qui explique pourquoi quasi tous les véhicules immobiliers de ces banques et de ces assurances ont une direction de fonds interne.
Si ce n'est pas le cas, plusieurs gros véhicules préfèrent s'épargner tous ces efforts et continuer d'utiliser une direction de fonds externe, ce qui leur permet de continuer de se concentrer sur les parties les plus intéressantes du métier, l'Asset Management, la croissance de leurs actifs et les relations avec les investisseurs. Laissant ainsi à la direction de fonds externe les activités administratives et régulatoires, qui sont certes essentielles, mais fastidieuses.
À l'exemple de StoneEdge Asset Management. «Créer une direction de fonds ex nihilo n’est pas une chose aisée ni en termes d’autorisations ni en termes financiers. Il a aussi fallu faire des choix stratégiques en termes de priorité et de domaines de compétences, qui nous a amené à conserver une direction de fonds distincte», explique son CEO, Vincent Milliet.
Rédaction • Immoday.ch
Suivez-nous sur LinkedIn.