
Dénicher un bien résidentiel à fort potentiel dans une grande ville suisse, c’est encore possible. Pour preuve, cet immeuble lausannois vieillissant acquis par le Dominicé Swiss Property Fund (DSPF), qui a fait l'objet d'une reconstruction totale, permettant d’augmenter de moitié la surface locative. Un défi relevé avec succès puisque tous les appartements ont été loués, à des prix supérieurs à ceux pratiqués dans le quartier. Récit d'un projet de transformation urbaine.
Acquérir à un prix attractif, un immeuble à fort potentiel de densification est une opportunité rare pour un fonds immobilier, en particulier s’il est localisé au cœur d’une grande ville suisse. C’est précisément ce qu’a réalisé le DSPF avec l’achat d’un immeuble situé rue de La Borde 17 à Lausanne, entièrement démoli et reconstruit à neuf. Pour, au final, un résultat intéressant en termes de rentabilité et de création de valeur.
1. Une opportunité apportée par une régie
Fin 2016, le fonds immobilier DSPF a eu l’opportunité d’acquérir un immeuble à Lausanne grâce à son partenaire de longue date, la régie deRham. « L’entreprise de nettoyage qui le possédait voulait déménager et comme nous nous occupions de la gérance de l’immeuble, elle nous a confié un contrat de courtage exclusif pour sa vente», explique Jean-Jacques Morard, CEO de deRham. «Ensuite, en faisant l'analyse du bien, nous avons constaté que son potentiel résidait essentiellement dans les importants droits à bâtir inexploités de la parcelle.»
«Nous avons immédiatement perçu le potentiel de création de valeur sur ce site», confirme Maureen du Sordet, responsable Développement Immobilier chez Dominicé & Co - Asset Management, qui a piloté l’ensemble du projet.
2. Miser sur un quartier en transformation
Pour qui connaît la capitale vaudoise, le quartier de La Borde n'est pas le plus prisé de la ville. Toutefois, son emplacement proche du centre et l'annonce de travaux de réhabilitation urbaine par la municipalité en font un secteur prometteur. Autant d’indicateurs laissant présager une montée en attractivité. «Nous avons fait le pari que cette zone allait se gentrifier, et qu’il fallait y investir avant que les prix ne flambent», explique Maureen du Sordet.
3. Démolir pour mieux reconstruire
Dès l’acquisition, la stratégie de DSPF était claire : la vétusté du bâtiment construit en 1945 et les droits à bâtir inexploités rendaient une rénovation accompagnée d’une surélévation inadaptée. L’immeuble a donc été acheté avec l’objectif d’être démoli et reconstruit afin d’optimiser pleinement le potentiel de la parcelle.
Le bâtiment initial de 927 m², qui comprenait sept appartements et deux bureaux, a laissé place, après reconstruction, à un immeuble moderne offrant 1’456 m² de surface louable, soit 29 appartements, allant du studio au 2,5 pièces, et deux arcades commerciales. «Ce projet représentait un véritable défi, mais nous avons su transformer un bien obsolète en un actif performant, avec la création de 22 logements supplémentaires, dont certains bénéficient de grandes terrasses», souligne Maureen du Sordet.
4. Anticiper et gérer les oppositions
Sans surprise, un projet d’une telle ampleur en milieu urbain suscite des oppositions. «Nous avons privilégié une approche transparente. En établissant dès le départ un dialogue constructif avec les riverains dès les premières étapes, nous avons pu lever certaines inquiétudes avant qu’elles ne se transforment en oppositions formelles », explique Maureen du Sordet, qui accompagne systématiquement les architectes pour rencontrer les voisins, leur présenter le projet, écouter leurs préoccupations et, si nécessaire, proposer des ajustements ou des dédommagements. En outre, aucune opposition d'association n’a été déposée, ce qui est rare pour un projet de cette nature. Il faut dire que l'immeuble n'avait ni valeur architecturale ni historique.
5. Un défi logistique aux nombreuses contraintes techniques
La réalisation du chantier a été confiée à l'entreprise générale Bernard Nicod. «Nous avons entretenu d'excellentes relations avec l'entreprise et son directeur, Patric Bron, même si, comme dans tout projet de cette ampleur, nous avons dû gérer une multitude de petits ajustements en cours de route», souligne Maureen du Sordet.
En effet, une démolition-reconstruction en centre-ville représente toujours un défi logistique, avec de nombreuses contraintes techniques et réglementaires, nécessitant l’intervention de spécialistes dans chaque corps de métier. «C’est bien plus complexe que de construire sur un terrain vierge, où l’on bénéficie de plus de flexibilité et d’une meilleure maîtrise des coûts et des délais», explique Maureen du Sordet.
6. Un chantier qui a mobilisé une quarantaine d’entreprises
Malgré ces défis, les délais ont été respectés: le chantier a démarré en mai 2023 et s’est achevé dans les temps avec une livraison en janvier 2025. Une durée totale de 20 mois, dont quatre dédiés à la démolition. «Ce n’était pas un chantier aisé, puisqu’il a fallu démolir le bâtiment sans toucher aux immeubles mitoyens», confirme Patric Bron, qui avait ici un contrat d’entreprise totale. «Mais nous avons l’habitude de telles difficultés», Il détaille: 31 PME du secteur ont travaillé sur le projet, huit sous-traitants, soit un peu plus de 150 personnes actives sur «un chantier de taille moyenne mais de qualité puisque grâce à la volonté de Dominicé de bien faire les choses, nous avons pu engager d’excellentes entreprises sous-traitantes.»
7. Un engagement Minergie rentable
Soucieuse de concevoir un bâtiment durable et performant, Dominicé a fait le choix d’un standard Minergie pour cette reconstruction. Un investissement qui représente environ 5% de coûts supplémentaires par rapport à un projet classique, estime Maureen du Sordet. Il n'empêche, une telle approche est rentable pour du neuf: grâce à des charges énergétiques réduites, les loyers peuvent être légèrement plus élevés, ce qui optimise les revenus locatifs et compense rapidement l’investissement initial. Livré, l'immeuble génère désormais de très faibles émissions de CO2 (1.38 kg CO2/m2). Il est équipé de panneaux solaires, installés en toiture, et sa nouvelle enveloppe thermique limite les déperditions de chaleur.
8. Détruire pour reconstruire: un choix réellement écologique?
La question mérite d’être posée: est-il vraiment plus écologique de détruire un immeuble pour le reconstruire plutôt que de le rénover? Maureen du Sordet reconnaît s'être interrogée sur cet enjeu. Toutefois, dans ce cas précis, la vétusté du bâtiment était telle que sa rénovation aurait nécessité des investissements lourds, sans pour autant offrir, au final, les mêmes performances énergétiques qu’un immeuble neuf. En termes de bilan carbone, la différence de consommation d’énergie grise entre une rénovation lourde et une reconstruction complète restait donc marginale.
Cette reconstruction a surtout permis d’optimiser l’utilisation du foncier, répondant ainsi à un besoin croissant de logements en milieu urbain. «Ce projet ne se limite pas à une approche énergétique. Il apporte aussi une véritable valeur sociale, un critère essentiel dans notre démarche ESG», souligne Maureen du Sordet.
9. Un rendement brut de 4,5%
L’immeuble a été acquis pour 4,3 millions de francs fin 2016, plus une enveloppe de 8,3 millions pour la reconstruction. « Malgré quelques surcoûts liés à des imprévus de chantier, nous avons maintenu un budget proche des prévisions », assure Maureen du Sordet. Aujourd'hui, le bien génère 575'880 francs de revenus locatifs annuels et un rendement brut de 4,5%.
10. Pas de problème à louer les appartements
Dès leur mise sur le marché à l'été 2024, les appartements, proposés aux tarifs du marché lausannois pour un bâtiment neuf, ont trouvé preneurs sans problème Quant à la commercialisation des surfaces commerciales du rez-de-chaussée, d’un peu plus de 200 m², elle est en bonne voie.
Pourquoi ne pas avoir transformé ces espaces en logements supplémentaires? «Au rez-de-chaussée, ces appartements auraient été plus difficiles à louer», concède Maureen du Sordet. «Par ailleurs, ces surfaces commerciales contribueront à l’animation du quartier, un aspect important dans la dynamique de revalorisation urbaine et une responsabilité que nous, en tant que propriétaires, devons également assumer.»
11. Une opération à répéter?
Fort de son succès et de sa rentabilité, ce projet pourrait-il être reproduit sur d'autres immeubles du quartier, dont plusieurs nécessitent une rénovation? «Nous avons reçu plusieurs propositions, mais, à ce jour, les prix demandés restent trop élevés pour garantir une rentabilité suffisante», explique Maureen du Sordet.
Toutefois, la donne pourrait bientôt changer. Comme le souligne Jean-Jacques Morard, CEO de deRham, l’adoption de la nouvelle loi vaudoise sur l’énergie obligerait les propriétaires à réaliser d’importants investissements pour améliorer la durabilité de leurs bâtiments. Dans un quartier comme La Borde, où de nombreux immeubles sont vétustes, ces coûts pourraient être dissuasifs, poussant certains propriétaires à vendre à des conditions plus attractives.
«Si le marché évolue en ce sens, nous serons attentifs aux opportunités qui pourraient émerger», conclut Maureen du Sordet.
Rédaction-Immoday.ch