Mauro Santarella:  «Il devient de plus en plus difficile de retenir les talents dans l’immobilier»
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Mauro Santarella: «Il devient de plus en plus difficile de retenir les talents dans l’immobilier»

Interview 6 min Olivier Toublan

Pour les nouveaux collaborateurs du secteur immobilier, l’équation est simple : c’est désormais à l’entreprise de s’adapter à leurs aspirations, et non l’inverse, comme c’était le cas auparavant. Sinon, ils n’hésitent pas à aller voir ailleurs. Les entreprises du secteur n’ont donc plus le choix : elles doivent revoir leur style de management, leur organisation et leur culture d’entreprise pour rester attractives sur le marché du travail. Une véritable révolution, explique Mauro Santarella, directeur RH de la gérance deRham.

Ces dernières années, le secteur immobilier a connu des évolutions significatives, tant dans les profils recherchés que dans les stratégies de rétention des talents. Si les compétences fondamentales d’un bon régisseur d’immeubles restent inchangées, l’essor des nouvelles technologies a créé de nouveaux besoins en spécialisation.

Par ailleurs, la relation au travail a radicalement changé. La jeune génération accorde une importance primordiale à sa vie privée, parfois au détriment de sa carrière. Elle n’hésite pas à changer d’employeur si elle ne trouve plus de sens dans son travail ou si l’environnement ne lui convient pas. Mauro Santarella, directeur RH de la gérance deRham – entreprise qui vient de fêter ses 125 ans et compte une centaine de collaborateurs –, nous éclaire sur ces mutations.

Mauro Santarella, rentrons directement dans le vif du sujet : comment une gérance comme deRham parvient-elle à attirer de nouveaux talents ?

Ce n’est pas simple, car le marché du travail est très tendu ! Avant tout, il est essentiel de se faire connaître, d’avoir une bonne réputation et de mettre en avant les avantages de travailler chez nous. Ensuite, il faut bien comprendre que l’entreprise doit aujourd’hui s’adapter aux attentes de ses collaborateurs, et non l’inverse.

Quelles sont précisément ces nouvelles attentes ?

Elles concernent avant tout le style de management. Les collaborateurs recherchent un management basé sur la confiance, qui leur laisse plus d’autonomie et les considère comme des personnes responsables. Cela signifie, par exemple, leur donner la liberté d’utiliser les méthodes qu’ils jugent les plus adaptées pour atteindre leurs objectifs. Être responsable, c’est aussi pouvoir choisir son lieu de travail, ses horaires et avoir la possibilité d’exprimer des critiques sur les décisions des supérieurs.

On entend également que les jeunes talents recherchent du sens dans leur travail.

C’est exact. Ils privilégient les entreprises dont ils partagent la mission et les valeurs. Sur ce point, nous avons un atout, car notre métier est vertueux : nous logeons les gens et nous veillons à ce qu’ils se sentent bien dans leurs appartements ou locaux commerciaux. C’est une belle mission, et cela joue un rôle clé dans l’attractivité de notre entreprise.

Pour cette nouvelle génération, si la mission de l’entreprise est en décalage avec leurs convictions ou si leur travail perd son sens, ils partent sans hésitation. Contrairement à la génération précédente, ils ne redoutent plus le chômage. Pour eux, c’est devenu une période transitoire et rémunérée, qui leur permet de faire le point avant de rebondir.

Constatez-vous réellement une augmentation du turnover au sein de votre entreprise ?

Il y a une distinction à faire. Nos cadres et responsables nous restent très fidèles. En revanche, sur les postes de base – qu’il s’agisse des assistantes ou des techniciens –, le turnover est en augmentation constante. Il atteint aujourd’hui environ 25 %.

C’est énorme !

Et encore, en tant que bon employeur, nous sommes plutôt bien lotis.

Avec une centaine de collaborateurs, cela signifie que vous devez recruter environ 25 personnes par an. Cela représente une charge de travail conséquente.

Effectivement, d’autant plus qu’à chaque départ, nous perdons aussi du savoir-faire et un réseau. Heureusement, la digitalisation de certaines activités nous permet de conserver l’essentiel des données importantes et de les transférer facilement aux nouveaux collaborateurs, ce qui limite l’impact des départs. Nous avons également automatisé, et continuons d’automatiser, de nombreux processus pour simplifier les tâches des postes où le turnover est élevé. Cela nous permet d’avoir besoin de moins de collaborateurs sur ces fonctions, mais aussi de valoriser les tâches à plus forte valeur ajoutée, ce qui répond également à une attente des employés.

Pourquoi ne pas simplement fidéliser les meilleurs éléments avec des promotions et de meilleurs salaires ?

Cela fonctionnait autrefois, mais ce n’est plus suffisant aujourd’hui. Ce qui prime désormais, avant le titre ou le salaire, c’est l’environnement de travail. Les collaborateurs veulent un cadre dans lequel ils se sentent bien, un emploi qui a du sens et un véritable équilibre entre vie professionnelle et vie privée. Quelles que soient les initiatives mises en place, elles ne permettent pas d’inverser cette tendance de fond : la vie privée est devenue prioritaire par rapport à la carrière. On peut trouver cela positif ou le regretter, mais il faut s’adapter à cette nouvelle réalité.

Vous avez évoqué l’automatisation, mais qu’en est-il de l’IA ? Quel est son impact sur vos activités ?

Pour l’instant, il reste limité. Nous utilisons l’IA, par exemple, pour rédiger des annonces ou effectuer des vérifications automatisées des contrats. Mais son potentiel pour une gérance immobilière est immense. Nous disposons en effet d’énormes quantités de données sur les immeubles et les locataires qui sont encore sous-exploitées. L’IA pourrait nous aider à les valoriser, notamment pour optimiser la gestion des immeubles, anticiper les rénovations ou encore améliorer la performance énergétique. Cela dit, j’insiste sur un point : l’IA ne remettra pas en cause les compétences fondamentales d’un régisseur d’immeubles. C’est un outil qui lui permettra d’être plus efficace, mais il ne remplacera pas son expertise.

Ces nouvelles technologies sont-elles intégrées aux formations, comme le brevet fédéral de gérant d’immeubles ?

Pas encore, et c’est bien là un problème. La formation a un temps de retard. Les exigences du brevet fédéral ont été définies il y a une quinzaine d’années, alors que bon nombre des technologies actuelles n’existaient pas encore. Bien sûr, des efforts sont faits pour actualiser ces formations, mais les technologies évoluent si rapidement qu’il sera toujours difficile de suivre le rythme.

Comment palliez-vous ce retard ?

Nous mettons en place des formations internes et des cours de spécialisation pour nos collaborateurs. L’apprentissage sur le terrain joue également un rôle clé.

Avez-vous constaté des évolutions dans les profils recherchés pour les postes de direction ?

Absolument. Nous avons déjà évoqué l’évolution des méthodes de management, qui deviennent plus participatives et moins directives. Nous observons également une tendance à recruter, à la tête des entreprises, des profils plus visionnaires, et pas nécessairement issus du métier. Ces dirigeants doivent ensuite s’entourer de spécialistes qui maîtrisent les fondamentaux de l’immobilier.

Olivier toublan-Immoday.ch

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