«On ignore souvent l'impact réel du CIFI sur le marché immobilier suisse»
Donato Scognamiglio
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«On ignore souvent l'impact réel du CIFI sur le marché immobilier suisse»

Interview 9 min Rédaction • Immoday.ch

Le plus ancien expert suisse d'évaluation immobilière vient de fêter ses 30 ans. Avec toujours une position dominante pour les évaluations qui précèdent un prêt hypothécaire, grâce à ses modèles sans cesse perfectionnés et à une base de données incomparable qui porte sur des dizaines de milliers de transactions chaque année. Mais, aujourd'hui, avec l'arrivée de jeunes pousses qui utilisent l'IA, les modèles d'évaluation du CIFI apportent-ils encore une plus-value? Nous avons posé la question à son président, Donato Scognamiglio.

Le CIFI? Si cette entreprise est bien connue des professionnels de l’immobilier, son histoire l’est beaucoup moins. Ce pionnier de l’évaluation immobilière en Suisse s’est fait un nom grâce à son modèle hédoniste, qui reste aujourd’hui encore une référence incontournable du secteur. Le CIFI vient par ailleurs de fêter son 30e anniversaire, l'occasion de faire le point avec Donato Scognamiglio, son président (mais aussi, en 1994, son premier employé, et, de 2002 à 2023, son CEO).

Donato Scognamiglio, pour nos lecteurs qui ne le connaîtraient pas encore, le CIFI, c'est quoi? 

Nous sommes des experts en données du marché immobilier et en évaluation immobilière, mais nos prestations passent également par le benchmarking, l’élaboration d’indices immobiliers et vont jusqu’aux logiciels pour la gestion de portefeuilles immobiliers ou hypothécaires. En bref, chez nous, on peut trouver tous les chiffres du marché, ce qui s'y passe et quelle est son évolution. À partir de nos importantes bases de données, nous proposons donc un large éventail de services à nos clients, essentiellement des banques, des prêteurs hypothécaires, des investisseurs institutionnels, des pouvoirs publics mais également à des promoteurs et à des propriétaires.

Aujourd'hui, le secteur de l'évaluation immobilière est bien développé. C'était déjà le cas quand le CIFI a été fondé en 1994?

Pas du tout, nous étions, en Suisse, les premiers dans ce domaine. L'histoire est intéressante: en 1994 le pays traversait une crise immobilière qui avait mis à genoux tout le secteur bancaire. Les banques avaient constaté que leurs évaluations internes ne correspondaient pas aux prix du marché. Il y avait donc un gros problème. C'est pour cela que j'ai été engagé par le CIFI, qui venait d'être créé, comme premier, et, à l'époque, seul collaborateur de l'entreprise. Avec comme tâche de développer un nouveau modèle d'évaluation des biens immobiliers, au plus près des prix payés dans le marché.

Et comment se crée un modèle d'évaluation des prix de l'immobilier? 

Nous avons convaincu six banques de participer à ce projet, et nous leur avons demandé quels étaient, pour elles, les facteurs principaux déterminants les prix, que ce soit la situation, la qualité de la construction, son âge, etc. Ensuite nous avons dû définir scientifiquement toutes ces caractéristiques, réunir un maximum de données, à une époque où il n'y avait aucune transparence, élaborer notre modèle puis le confronter à la réalité des prix du marché. Mais l'élaboration du modèle n'était qu'une première étape. Ensuite, il a fallu convaincre les banques de l'adopter, ce qui n'a pas toujours été facile, car cela entraînait pour elles beaucoup de travail supplémentaire et changeait leurs habitudes. Mais, au vu de l'ampleur de la crise immobilière, au final, nous avons réussi à les convaincre. 

Aujourd'hui, vos modèles d'évaluation sont-ils toujours les mêmes qu'en 1994? 

Ils ont énormément évolué et ils continuent d'évoluer. Ils sont devenus plus complexes, intégrant beaucoup plus de paramètres. En outre, aujourd'hui, nous analysons plus de 40'000 transactions annuelles de biens en propriété, une base de données incomparable, pour tester la solidité des modèles et la validité de nos estimations, et ainsi les améliorer sans cesse. Tous les trois mois ces modèles sont par ailleurs recalibrés, et on regarde si les résultats correspondent aux prix effectivement payés sur le marché, dans chaque région. A côté, pour les immeubles de rendement, nous calculons chaque année notre CIFI Swiss Property Benchmark, qui permet d’avoir un grand nombre de chiffres-clés et d’analyser l’évolution des investissements immobiliers directs en Suisse.

À sa création, le CIFI était déjà une entreprise commerciale?

Nous n'avons jamais fait de la recherche pour la recherche, nous avons toujours eu des ambitions commerciales, avec la volonté de fournir un service et de trouver des clients. Mais sans cette recherche de base, notre modèle n'aurait jamais fonctionné. Donc, dès le départ, les banques ont payé pour avoir accès à notre modèle d'évaluation. Par la suite, nous avons étendu nos services en offrant un benchmark immobilier, puis en développant des solutions logicielles toujours plus adaptées aux besoins de gestion immobilière et hypothécaire. Nous faisons également des analyses des décisions politiques qui ont un impact sur le marché immobilier, et nous proposons du consulting, selon les besoins spécifiques des clients. Parallèlement l'entreprise s'est agrandie. En 1994 j'étais seul, aujourd'hui nous sommes environ 140. 

Mais la base des activités reste toujours l'évaluation des biens immobiliers?

Assurément. Ce service d'évaluation est toujours très utilisé. En fait, on ignore souvent l'impact réel du CIFI sur le marché immobilier suisse. Aujourd'hui, si vous demandez un emprunt hypothécaire, la banque, pour faire une estimation du bien, va utiliser notre modèle. Ensuite, après quelques années, si vous voulez renouveler l'hypothèque, à nouveau, la banque va utiliser notre modèle. Et finalement, si la banque doit se refinancer, c'est une fois encore notre modèle qui sera utilisé. En parallèle, notre activité d’estimation, en tant qu’experts indépendants et agrées par la FINMA pour les fonds immobiliers, se porte aussi bien mais a encore de la réserve

On trouve aujourd'hui de nombreuses entreprises sur le marché des analyses et des évaluations immobilières. Dans cet environnement concurrentiel, quels sont les atouts du CIFI? Quelle est sa valeur ajoutée?

C'est amusant, puisque dans un premier temps nous avons été ignorés, ensuite on a critiqué la validité de notre modèle d'évaluation, et désormais on nous copie. Aujourd'hui, il est vrai que beaucoup d'entreprises ont réalisé que c'est un marché intéressant. Mais sans critiquer leurs modèles d'évaluation, je crains qu’elles n’aient pas toutes ni le pool de talents que nous possédons, ni la quantité et surtout la qualité des données que nous avons réunies au fil du temps, sur des milliers et des milliers de transactions immobilières. 

Vous ne craignez donc pas la concurrence?

La concurrence, c'est positif, car elle nous oblige à améliorer sans cesse nos propres modèles. Ceci dit, si avoir un bon modèle est nécessaire, ce n'est pas suffisant. Il faut aussi satisfaire aux exigences de la FINMA, et surtout avoir la confiance des banques, qui sont, dans ce domaine, très, très prudentes et souvent peu enclines à changer de méthode. 

Vous ne craignez pas non plus l'arrivée de l'IA, qui pourrait faire plus ou moins automatiquement ces évaluations immobilières? 

Vous savez, l'IA n'est rien d'autre que de la statistique. C'est donc ce que nos modèles appliquent depuis longtemps. On pourrait même dire que, non seulement le CIFI est une entreprise IA, mais que c'est aussi une des seules entreprises rentables de ce secteur! Plaisanterie mise à part, nous suivons ces évolutions avec grande attention, mais pour qu'un modèle généré par l'IA fonctionne, il lui faut des données, et surtout des données de qualité. Sans elles le modèle ne vaut rien.  

D'accord, mais aujourd'hui la plupart des données concernant l'immobilier et les prix sont publiques.

Contrairement à ce qu'assurent certaines entreprises qui se lancent dans le domaine de l'évaluation immobilière, les données disponibles publiquement ne sont pas toujours de très bonne qualité, ni complètes. Donc non, je ne crains pas l'arrivée de l'IA. D'autant moins que les modèles d’évaluation utilisés par le secteur financier, en Suisse, doivent être autorisés par la FINMA, qui veut de la transparence et des résultats réplicables. Ce qui n'est pas toujours le cas avec les modèles développés par l'IA, qui sont souvent une black box.

Donc, les estimations plus ou moins automatiques proposées par certains courtiers ne valent rien? 

Ce sont des modèles simples qui font leur travail: donner une estimation grossière qui va convaincre le propriétaire immobilier de signer un contrat de courtage avec vous, ce qui vous permettra d'empocher vos quelques pourcents de commission. Mais ce ne sont pas des modèles assez précis pour une banque quand il s'agit d'accorder un crédit hypothécaire.

Vous avez toujours une position dominante dans l'évaluation des villas, des PPE et des appartements. Vous êtes moins présent sur les immeubles de rapport. 

Effectivement, car c'est un marché très différent, qui touche des investisseurs professionnels, voire des entreprises cotées, où il y a moins de transactions. Ce qui rend les modèles d'évaluation discutés auparavant moins pertinents. On doit donc utiliser les méthodes traditionnelles d'évaluation des entreprises, comme le Discounted Cash-Flow (DCF). C'est un marché sur lequel nous sommes présents mais où nous devons faire face à des concurrents de très grande taille, bien implantés à l'international. Avec des clients, les véhicules d'immobilier titrisé, qui rechignent à changer de méthode d'évaluation. C'est d'ailleurs dommage, car en changer de temps en temps leur permettrait de vérifier si leur NAV intègre réellement les risques actuels du marché. Bref, c'est un des secteurs où nous avons encore un gros potentiel de développement.

Rédaction-Immoday

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