
À l'origine de ce qui est devenu une industrie florissante, on trouve un banquier bâlois aux idées révolutionnaires: Theophil Speiser-Riggenbach. Qui fut également un investisseur avisé, puisque non seulement il a créé, en 1938, le premier fonds immobilier de Suisse et d'Europe, «Swissimmobil Série D», mais que, dès le départ, il a misé, sur le résidentiel dans les grandes villes helvétiques. À une époque où, pour 9 millions de francs, on pouvait acquérir près de 300 biens locatifs! Après moult transformations et fusions, le fonds a été intégré dans ce qui est aujourd'hui UBS CH Swiss Residential Siat.
C'est à Bâle, en 1938, que fut créé le premier fonds immobilier de Suisse: «Swissimmobil Série D».
En effet, cette année-là, la «Société Internationale de Placements» (SIP), s'inspirant de véhicules qui existaient déjà aux États-Unis depuis une dizaine d'années, lance un produit d’investissement révolutionnaire, le premier, non seulement en Suisse mais aussi en Europe, qui permettait une propriété collective d'un parc immobilier, via des certificats.
Selon la lecture juridique actuelle, un fonds immobilier pur et dur
«Selon la lecture juridique, économique et organisationnelle actuelle, il s’agissait d’un fonds immobilier pur et dur», avec un fiduciaire, un organe de contrôle, une administration immobilière et un comité d’experts, assure Urs Hausmann grand spécialiste de l'immobilier titrisé, qui a travaillé entre autres pour Akara et Wüest Partner.
Auteur d'une passionnante étude sur la SIP, Urs Hausmann explique que «les détenteurs de certificats détenaient leurs parts du fonds immobilier en copropriété. Les biens immobiliers du fonds étaient toujours achetés par des sociétés anonymes créées pour chaque objet. Les actions correspondantes étaient déposées auprès du fiduciaire, qui veillait à ce que ni les actions ni les biens immobiliers de ces sociétés ne soient indûment grevés ou vendus. Le fiduciaire était également responsable de ce que les flux financiers liés profitent aux détenteurs de certificats.»
Le résidentiel zurichois était déjà favorisé par les investisseurs
Après avoir épluché les premiers rapports annuels du fonds, Urs Hausmann constate que, dès le deuxième exercice, la valeur comptable des biens immobiliers s’élevait à près de neuf millions de francs (environ 60 millions aujourd'hui), ce qui avait permis de constituer un parc de plus de 300 biens locatifs, essentiellement du résidentiel (seuls 6 biens sont désignés comme bureaux et 14 comme commerces), uniquement dans les centres urbains et pour moitié dans la seule ville de Zurich. Comme quoi, en presque un siècle, les stratégies d'investissement des fonds de placement immobiliers suisses n'ont guère changé!
Fonds fermé, le «Swissimmobil Série D» ne va pas connaître un destin phénoménal. Il sera géré par la SIP jusqu'en 1999. À noter que, à cette date, il possédait encore dans son portefeuille une poignée de bâtiments acquis en 1938!
Le fonds existe toujours aujourd'hui, intégré dans UBS CH Swiss Residential Siat
En 1999, «Swissimmobil Série D» sera repris par Credit Suisse Asset Management Funds. Qui va, deux ans plus tard, le fusionner avec deux véhicules maison, «Siat» et «Siat 63», pour former le CS REF Siat, avec une valeur de marché estimée alors à environ 1,4 milliard de francs, dont un peu plus de 200 millions provenaient du portefeuille de «Swissimmobil Série D»,
Un portefeuille dont on retrouve encore des traces aujourd'hui, puisque CS REF Siat existe toujours, désormais sous le nom d’UBS CH Swiss Residential Siat, un des plus gros fonds cotés de Suisse, qui pesait, fin août 2025, un peu plus de 4 milliards de francs en bourse, avec un agio de plus de 50%, preuve que, depuis 1938, l'immobilier résidentiel dans les grands centres urbains helvétiques est un investissement gagnant.
Theophil Speiser-Riggenbach, un banquier novateur
Ce premier fonds immobilier de Suisse, on le doit à un banquier novateur, Theophil Speiser-Riggenbach (1886-1940), qui, après un apprentissage de banquier, va se former à Londres et à Paris, travailler quelques années en Égypte, avant de revenir à Bâle et finalement participer à la fondation de la banque «Speiser, Gutzwiller & Cie.» (qui existe toujours aujourd'hui, rebaptisée «E. Gutzwiller & Cie.» après la mort de Theophil Speiser, en 1940).
En 1930, la banque, avec une poignée de partenaires étrangers, va fonder la «Société Internationale de Placements» (SIP). Après la deuxième guerre mondiale, le Crédit Suisse et la SBS (la Société de banque suisse, dont le siège était à Bâle et qui a fusionné en 1998 avec UBS) entrent dans le capital, puis, en 1971, rachètent la totalité des actions de la SIP. En 2008, elle est rattachée à UBS Fund Management (Suisse), et, en 2016, la société est dissoute.
Les premiers fonds de placement immobiliers suisses n'ont pas tous été des succès
Dans les années qui suivent sa fondation, la SIP va lancer plusieurs fonds de placement, (on disait des trusts, à l'époque, rappelle Urs Hausmann, mais ils fonctionnaient grosso modo comme des fonds de placement actuels), d'abord centrés sur les actions, puis, en 1938, le «Swissimmobil Série D».
Devant le succès de ce fonds immobilier, en 1949, la SIP va lancer un second véhicule immobilier, «Swissimmobil Nouvelle Série», avec un portefeuille qui atteindra rapidement plusieurs centaines de millions de francs.
Puis, en 1954, c'est le lancement de «Interswiss», à l’initiative de Karl Schweri, le fameux fondateur de Denner, qui était aussi actif dans l'immobilier. Un fonds qui, explique Urs Hausmann, connaîtra quelques difficultés et sera sauvé par la SBS et le Crédit Suisse à la fin des années 1960.
La SIP va également tenter sa chance à l'étranger, avec un fonds centré sur l'immobilier canadien, «Canada Immobil», lancé en 1954, qui lui aussi connaîtra de nombreuses difficultés, essentiellement à cause de la dépréciation du dollar canadien par rapport au franc suisse. Le fonds sera liquidé en 1982.
Rédaction Immoday.ch
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