Fonds non cotés : le faux problème de la liquidité

Fonds non cotés : le faux problème de la liquidité

Actu 8 min

Pour les investisseurs, les fonds immobiliers non cotés ont un gros inconvénient, leur maigre liquidité. Mais à y regarder de plus près, cette liquidité n’est pas beaucoup plus faible que celle de la plupart des fonds cotés, surtout si on est un investisseur institutionnel.

Pour les gros investisseurs, le principal handicap du marché des fonds immobiliers non cotés, est son manque de liquidité. Qui est indéniable. Mais est-ce vraiment mieux si l’on se restreint aux fonds cotés ? Si l’on exclut les deux ou trois plus gros véhicules qui dominent le marché, dont la capitalisation se calcule en milliards de francs, on se rend compte que, pour la plupart des fonds cotés, la liquidité est finalement, elle aussi assez maigre, surtout si l’on veut opérer des transactions importantes.

La faible liquidité des fonds non cotés est donc, peut-être, un faux problème. Pour le savoir, nous avons interrogé deux experts sur le sujet, Laure Carrard, spécialiste des fonds immobiliers indirects et directrice de IMvestir Partners SA, une société spécialisée dans le conseil en investissements en immobilier, et Bruno Mathis, responsable du marché secondaire des fonds immobiliers et des services à l’investisseur à la BCV Banque dépositaire.

La liquidité, assurent tous les investisseurs, c’est un des gros handicaps des fonds non cotés. Mais est-ce vraiment le cas ?

Bruno Mathis : Prenons d’abord les chiffres. En bourse, l’année dernière, les échanges se sont élevés à environ 750 million de francs par mois pour les fonds immobiliers. Pour le hors bourse, à ce stade, il n’existe aucune statistique permettant de connaître le montant des échanges. Le marché est trop décentralisé, et les échanges se font de gré à gré, ce qui les rend donc invisibles pour les marchés.

Laure Carrard : A priori, la liquidité est en effet un des gros inconvénients des fonds non cotés. Mais il faut quand même relativiser. Si on est un investisseur privé et que l’on veut vendre sur le marché côté pour quelques dizaines de milliers de francs de parts, pas de problème. Mais si on est un institutionnel et que l’on parle de montants qui se chiffrent en millions de francs, la bourse n’est pas vraiment adaptée à de tels volumes. On met parfois des semaines pour vendre ses parts en soignant ses ordres. Dès lors, au final, pour des gros montants, les fonds immobiliers cotés ne sont pas vraiment beaucoup plus liquides que les fonds immobiliers non cotés.

BM : Ce qui se confirme si on regarde les chiffres. La poignée de très gros fonds immobiliers cotés, qui pèsent plusieurs milliards de francs, génère presque deux tiers de la liquidité du marché. Pour la plupart des petits fonds, le volume mensuel de transactions ne dépasse pas les quelques millions de francs. Et souvent il faut faire appel à un market maker pour trouver des acheteurs, et donc faire peu ou prou le même travail que si l’on avait des parts de fonds non cotés.

Comment se passent les transactions si l’on n’est pas coté ?

BM : Chaque fonds doit organiser un marché secondaire. C’est une obligation légale. Mais comme l’équipe de gestion du fonds ne possède en général pas ces compétences ni d’autorisation, elle mandate une banque, qui fera office de market maker et centralisera les ordres des investisseurs. Une partie des transactions se passe aussi en direct, de gré à gré, entre les investisseurs.

Et ne serait-il pas possible d’améliorer ce processus, de rendre les transactions plus transparentes ?

BM : C’est ce que nous allons faire avec PropertyMatch, une plateforme numérique qui va réunir tous les acteurs de l’immobilier indirect, des émetteurs de fonds aux investisseurs. Ils pourront faire part de leur intérêt pour les fonds non cotés sur cette plateforme, qui leur permettra de savoir ce qui se passe sur ce marché, et de savoir à qui s’adresser si l’on veut vendre ou acheter des parts de fonds immobiliers non cotés. Dans les premières discussions que nous avons menées avec les investisseurs à ce sujet, les retours sont très positifs, ce qui confirme également ce grand besoin de liquidité et transparence.

LC : Cette plateforme offrira une meilleure transparence au marché, ce qui devrait augmenter la liquidité des fonds non cotés, réduisant ainsi une bonne partie du handicap qu’ils ont par rapport aux fonds cotés.

Le dernier point, celui qui soulève aujourd’hui le plus de questions, c’est le niveau de l’agio des fonds cotés. De ce point de vue, les fonds non cotés possèdent un clair avantage.

LC : Les chiffres sont clairs, pour les fonds cotés, en mars 2021, l’agio était en moyenne de 35 %. Ce qui est beaucoup plus élevé que les niveaux historiques qui tournent entre 15% et 20 %. Pour les fonds non cotés, l’agio moyen, à la même date, était à peine supérieure à 7 %. Cette différence s’explique par  la  plus  grande liquidité  des  parts  de

fonds cotés, par des taux d’intérêt bas, et par une demande bien supérieure à l’offre. Par ailleurs, les investisseurs de fonds non cotés ont une vision long terme et ne font pas de transactions régulières hormis en cas de réallocation ou de décision de sortie exceptionnelle. Ce qui induit une volatilité moindre.

BM : En général, c’est le marché qui détermine le prix. En bourse, les investisseurs peuvent être tentés de vendre des parts, en cherchant ensuite à les racheter quelques francs moins cher, et inversement. Alors que hors bourse, par manque de liquidité, les investisseurs ne cherchent en général pas à spéculer, à faire « du Spiel ». Ils préfèrent ne pas d’acheter ou de vendre s’ils ne trouvent pas un prix qui semble correct. Ce qui modère le niveau de l’agio, surtout dans des situations comme aujourd’hui, où la demande en fonds immobiliers est très importante. Car il ne faut pas oublier que si la hausse de l’agio peut offrir un supplément de rendement à l’investisseur déjà investi, c’est aussi une pression supplémentaire sur le gestionnaire du fonds. Et cette pression n’est pas anodine actuellement, alors que les immeubles présentant un bon rendement sont très rares sur le marché.

LC : Autrement dit, ne pas être coté en bourse diminue cette pression, et permet au gérant du fond de se concentrer sur son travail, c’est-à-dire mettre en valeur son portefeuille et assurer un rendement stable et pérenne, avec une vision stratégique à plus long terme.

Au final, qui gagne, le fonds coté ou le fond non coté ?

BM : Chacun a ses avantages et ses inconvénients. Plus de liquidité pour les fonds cotés, une offre plus diversifiée, ce qui permet une gestion active pour les investisseurs privés. Par contre la volatilité est plus importante, et les agios commencent à devenir très élevés.

LC : Et pour les fonds non cotés, c’est l’inverse, une liquidité moins importante, pas d’indice de référence représentatif qui permette de comparer la performance de son fonds avec celle de ses pairs, et un univers d’investissement plus restreint, avec moins de véhicules, mais avec la possibilité d’investir dans des segments spécifiques, des stratégies de niche. Par contre la volatilité est plus faible, même en cas de krach boursier comme on l’a vu en mars 2020. Et la performance à long terme est plus stable, car l’agio reste lui aussi stable.

Alors, comment décider ?

LC : Pour l’investisseur, la première question à se poser n’est pas d’investir dans des fonds cotés ou non cotés, mais quelle allocation stratégique en immobilier il recherche, séparant d’abord l’immobilier direct et l’immobilier indirect. Une fois cela décidé, il devra ensuite allouer la part consacrée à l'immobilier indirect entre les fonds cotés et les fonds non cotés. Comme on l’a dit, les premiers ont l’avantage de la liquidité et l’inconvénient de la volatilité. Les deuxièmes étant moins volatils mais aussi moins liquides. Ce qui est d’ailleurs souvent un atout pour des allocations à long terme. Par la suite l’investisseur pourra être amené à corriger son allocation, en fonction des événements, comme par exemple une cotation. Dans ce cas, il devra décider de prendre ses bénéfices en vendant sa position ou rester investi et donc supporter une volatilité désormais plus importante, parce qu’il croit en la stratégie du fonds nouvellement coté.

Oui, mais alors, que choisir, le coté ou le non coté ?

LC : Lors de la construction de son portefeuille, l’investisseur doit analyser la stratégie du fond, quelle est la qualité de son management et de son parc immobilier, quel est son potentiel à long terme. Et ensuite seulement, s’il y a plusieurs possibilités d’investissement, le fait que le fonds soit coté ou non entre en ligne de compte, selon sa stratégie d’investissement. En sachant que les fonds non cotés sont aussi un moyen de diversifier son portefeuille, car ils sont parfois plus pointus, plus spécialisés que les fonds cotés, qui doivent plaire au grand public.

BM : La question est aussi de savoir quel est son horizon d’investissement et donc quelle est la liquidité dont on a besoin. Au final, il ne serait pas déraisonnable pour un investisseur d’avoir une partie de ses investissements immobiliers en fonds cotés, plus liquides, et une autre, plus stratégique, en fonds non cotés.

Laure Carrard, CIIA, Directrice
Bruno Mathis, Responsable Investor Services


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