
Les fusions annoncées par UBS vont avoir plusieurs conséquences sur le marché. Avec, avant tout, une pression à la baisse sur les frais de gestion, et à la hausse sur la taille critique des fonds. Ce qui pourrait entraîner une consolidation du marché avec le rapprochement de certains fonds. Par contre, il est peu probable que, pour ne pas mettre tous leurs œufs dans le panier UBS, les investisseurs se précipitent vers les fonds indépendants.
Nous l'avons expliqué dans un précédent article, plusieurs fonds Credit Suisse et UBS vont fusionner ces trois prochaines années pour créer des colosses qui vont dominer les principaux secteurs de l'immobilier titrisé, que ce soit le résidentiel, l'immobilier mixte ou le commercial. Si, au terme de ces fusions, le portefeuille de fond UBS passera de 14 à 9 véhicules, il ne perdra cependant pas une once de son importance puisqu'il va continuer à peser presque 50% de l'indice. Avec quelles conséquences sur le marché ? Nous avons posé la question à plusieurs spécialistes de l'immobilier titrisé.
1. UBS a agi habillement en ne créant pas de trop gros fonds
Taner Alicehic, fondateur de REIS Partners, un cabinet de conseil spécialisé dans l'immobilier titrisé, commence par une observation intéressante. Selon lui, UBS a agi avec habilité en créant certes de très gros fonds avec ces fusions mais rien qui domine trop le marché. "C'est pour ça que, par exemple, le fonds UBS Sima et le fonds CS REF Siat, avec une capitalisation boursière, respectivement, de 11,5 milliards de francs et de 4 milliards de francs, n'ont pas été inclus dans ces fusions. Le faire aurait créé de véritables géants qui, certes, n'auraient pas déséquilibré le marché mais qui auraient pu poser des problèmes à certains investisseurs institutionnels qui, pour des raisons de diversification des investissements, ne peuvent pas avoir des positions trop importantes dans un seul produit."
2. La pression sur les frais de gestion va augmenter
Le coup de tonnerre, c'est qu’UBS à annoncé une réduction de ses frais de gestion à 0,54%, uniformes pour tous ses fonds. Ce qui sera rendu possible par les économies d'échelle entraînées par la taille importante des nouveaux fonds, expliquent les gérants interrogés. Néanmoins, cette baisse des frais de gestion va mettre la pression sur l'ensemble du marché, puisque de nombreux fonds dépassent actuellement ce niveau. En effet, le TER moyen des fonds cotés (qui comprend les frais de gestion mais aussi d'autres charges comme l'audit, l'estimation des immeubles, etc.) était, fin janvier 2024, de 0,8%, selon les données publiées par SFP. Sachant que, pour les investisseurs, ce TER est un critère scruté avec attention même si, au final, ce qui compte pour eux, c'est la performance nette. Il n'empêche, comme le résume Julien Baer, CEO de Comunus SICAV, "cela va mettre une pression à la baisse sur les TER des autres fonds. Cependant, nous aurions pu imaginer une baisse plus importante. Les TER des fonds UBS devraient se situer entre 0.65 et 0.70, car les frais de gestion ne sont pas les seules charges à prendre en compte dans le calcul du ratio. L’écart avec la moyenne du marché ne sera donc pas si important."
3. La taille critique des fonds va augmenter
Les fusions annoncées par UBS vont créer des colosses qui pèseront plusieurs milliards de francs dans tous les principaux secteurs de l'investissement immobilier, que ce soit le résidentiel, le mixte ou le commercial. En clair, après les fusions, UBS possèdera les 6 plus grands fonds immobiliers cotés à la Bourse suisse. L'accroissement de leur taille va augmenter leur liquidité mais aussi leur visibilité auprès des investisseurs. Avec, comme conséquence, pour les fonds indépendants, la nécessité d'augmenter eux aussi leur taille pour conserver leur visibilité auprès des investisseurs. À quel niveau ? Au moins 1% de la capitalisation totale du marché estiment certains gestionnaires, ce qui, aujourd'hui, signifie une capitalisation boursière d'environ 700 millions de francs. Fin janvier 2024, une douzaine de fonds cotés était en dessous de cette taille critique.
4. L'importance d'UBS dans le marché pose-t-elle problème?
Aujourd'hui les fonds UBS, cotés et non cotés, pèsent environ 50% du marché. Ce qui, pour certains, est beaucoup. Comme pour Julian Reymond, CEO de Realstone, pour qui "cette situation pourrait avoir un impact important pour le marché. Par exemple, l’indice de référence SWIIT aura plus de peine à rendre compte de la diversité de notre environnement, puisque près de la moitié de sa performance sera déterminé par les fonds UBS. Il est donc impératif de rester vigilant face à une telle concentration de pouvoir financier par un seul acteur.
À ceci, UBS répond que, à la fin du siècle passé, son poids dans l'indice était encore plus important, ce qui n'a pas empêché par la suite le marché de connaître un fort développement ni le lancement de nouveaux produits.
5. De possibles rapprochements à l'avenir
Conséquences de cette nécessité d'augmenter la taille critique, plusieurs observateurs estiment que l'on pourrait voir, à l'avenir, des rapprochements entre des fonds similaires. Mais attention, avertit Daniel Moser, CEO de Fundim, "une telle consolidation pourrait introduire une plus grande homogénéité dans le marché, ce qui peut limiter l’innovation ou la diversité des offres."
Il estime néanmoins que cela ouvre la voie à des acteurs de niche ou spécialisés, qui pourraient se différencier par des stratégies innovantes, notamment autour des thématiques ou des projets à forte valeur ajoutée. "Dans un marché où une partie des acteurs se consolide autour d’une stratégie uniforme, il y a de la place pour des gestionnaires indépendants, qui peuvent offrir des solutions sur mesure."
6. Ces fusions ouvrirons aussi une fenêtre d'opportunités pour les indépendants
Ceci dit, les préparatifs de ces fusions vont peut-être également offrir une fenêtre d'opportunité pour les fonds indépendants. En effet, si UBS Sima vient d'annoncer une augmentation de capital de 350 millions de francs pour avril/mai 2025, il est peu probable, comme l'explique un gestionnaire de fonds, que la banque procède ces prochains temps à des augmentations de capital pour les fonds qui vont fusionner. Les investisseurs étant toujours très demandeurs d'immobilier titrisé, les fonds indépendants pourraient donc en profiter en multipliant, eux, les augmentations de capital. Mais attention, selon notre gérant, cette fenêtre d'opportunité ne va durer que deux ou trois ans, sachant qu'une fois les fusions achevées, les fonds UBS voudront probablement rattraper le temps perdu, avec des augmentations de capital, pour reprendre leur croissance.
7. Les investisseurs vont-ils se rabattre sur des acteurs de niche?
On l'a dit, les fonds UBS pèsent près de 50% du marché. Ils prennent donc une part importante dans certaines allocations d'actifs, en particulier passives. Trop importante pour certains investisseurs ? C'est possible estiment les gestionnaires interrogés. Pour Vincent Milliet, CEO de StoneEdge Asset Management, "cette concentration sur un gestionnaire pourrait influencer certains investisseurs à chercher une certaine diversification."
Ceci dit, ajoute Philippe Salvi, gestionnaire du fonds Bonhôte-Immobilier, "je ne pense pas que cela aura une incidence automatique sur des fonds indépendants comme le nôtre. Si les investisseurs nous font confiance, comme on a pu le constater lors de notre dernière augmentation de capital qui a été largement sursouscrite, c'est parce que Bonhôte-Immobilier SICAV est présent sur le marché depuis 20 ans et que la qualité de son travail et la solidité de sa réputation sont avérées. Pas parce qu'ils doivent absolument trouver une échappatoire à UBS."
8. Finalement, il est très probable que rien ne bouge
Il y a quelques années, remarquent certains gérants, il y a pu avoir une prime à la nouveauté et au dynamisme, mais ces derniers temps, analyse Taner Alicehic, les institutionnels ont clairement montré qu'ils préféraient les valeurs sûres, les fonds les plus importants et les plus liquides. Ce qui joue en faveur des fonds UBS. Les investisseurs ne devraient donc pas, dans leur grande majorité, sortir de leurs positions. D’autant plus, comme le rappelle Sandro de Pari, CEO de GEP, qui gère le fonds FIR, qu'une grande partie du marché, entre 20% et 30%, est désormais le fait d'investisseurs passifs, pour qui ces fusions ne changent rien. "Quant aux autres, ils n'ont pas vraiment de raison de quitter les fonds dans lesquels ils sont déjà investis. Bref je ne crois pas à une migration importante d'investisseurs qui quitteraient les fonds UBS au profit de véhicules indépendants."
Olivier Toublan - Immoday.ch