
On attendait, le 30 juin, la première fusion des fonds immobiliers CS et UBS. C'était sans compter l'opposition d'une poignée d'investisseurs. Selon toute vraisemblance, ils estiment que les trois fonds ont des stratégies et des portefeuilles trop divergents pour être fusionnés. Ce sera maintenant à la Finma d'examiner leurs objections. Ce qui ne devrait pas faire dérailler le processus mais va le retarder de quelques mois, selon les experts interrogés.
Tout semblait pourtant bien parti: après des mois d'attente, fin avril, UBS avait annoncé que la première fusion de ses fonds immobiliers serait effective le 30 juin. Mais patatras! Quelques jours plus tard, la banque annonçait qu'une poignée d'investisseurs avait fait part de ses objections à la Finma et que tout le processus était suspendu.
On revient sur cette affaire qui fait beaucoup jaser dans le petit monde de l'immobilier titrisé suisse.
1. Qu'aurait-il dû se passer?
En novembre 2024, UBS a annoncé une série de rapprochements de ses fonds immobiliers, dont une partie avait été héritée de Credit Suisse.
La première fusion devait réunir quatre fonds: CS REF Living Plus, CS REF Hospitality, UBS Direct Residential et Residentia (tous les fonds ont été depuis rebaptisés «UBS», mais nous conservons ici les anciens noms pour indiquer clairement lesquels provenaient d'UBS et lesquels de Credit Suisse).
La deuxième fusion, prévue pour la fin 2025, début 2026, sera celle de CS REF Green Property et d'UBS Direct Urban.
Dernière opération prévue, fin 2026, début 2027, la fusion de CS REF Interswiss et d'UBS Swissreal.
2. Quel était le timing prévu?
Après des mois d'attente pour les investisseurs, UBS publiait le 22 avril un communiqué de presse indiquant que la première fusion serait bouclée le 30 juin. Selon le communiqué de la banque, tout se déroulait comme prévu et la nouvelle entité, qui continuerait d'utiliser le nom d'UBS Living Plus, deviendrait le plus grand fonds immobilier résidentiel suisse en propriété directe, avec plus de 150 biens et un actif total de 4,38 milliards de francs suisses (au 31 décembre 2024).
3. En aparté, l'étrange destin d'UBS Direct Residential
En douce, ce communiqué du 22 avril annonçait également un changement majeur dans l'opération. En effet, UBS Direct Residential n'est plus concerné par cette fusion. Ce fonds, qui se concentre essentiellement sur des immeubles résidentiels dans les grandes villes de Suisse allemande, va conserver son indépendance. Sans autre explication de la part d'UBS. Pour la NZZ, c'est la pression de gros investisseurs qui a contraint la banque de changer son fusil d'épaule.
Pourtant Direct Residential était le deuxième plus gros fonds du quatuor, avec une capitalisation boursière de 1,5 milliard de francs fin juillet, et surtout le plus apprécié des investisseurs, avec un agio de +43% (alors que les agios des trois autres fonds oscillent entre +25% et +30%).
4. Malheureusement pour UBS tout ne s'est pas passé comme prévu
Le 25 juin, UBS publie un nouveau communiqué de presse, nettement moins optimiste. La banque annonce en effet qu'un groupe d'investisseurs, détenant moins de 0,1% du capital de l'un des fonds concernés, s'opposait à la fusion, provoquant un «retard technique» dans l'opération. Qui, en clair, est suspendue. En effet, les porteurs de parts avaient 30 jours après la publication des détails de la fusion pour déposer des objections auprès de l'autorité de régulation.
5. Quels sont les griefs des investisseurs
Officiellement, rien n'a filtré, ni du côté de la Finma ni d'UBS. Mais il n'est pas besoin d'être grand clerc pour deviner les griefs des investisseurs: les porteurs de parts du fonds au portefeuille a priori plus intéressant (Living Plus) n'ont pas envie qu'il fusionne avec deux fonds aux portefeuilles plus compliqués.
Pour rappel, Living Plus, qui est de loin le plus gros des trois fonds avec une capitalisation boursière de 3 milliards fin juillet, se concentre sur l'immobilier résidentiel mais dans des secteurs alternatifs comme les résidences pour personnes âgées ou les logements étudiants. Hospitality (750 millions) est focalisé sur les hôtels, quant à Residentia (200 millions), il investit presque exclusivement dans de l'immobilier résidentiel au Tessin.
6. Sur quels points techniques les objections ont-elles été faites?
Devant le silence d'UBS et de la Finma, on en est limité aux conjectures. Comme l'explique la NZZ dans un récent article, l'argument juridique pour contrer la fusion porte probablement sur les différences dans les stratégies des trois véhicules, qui ne sont pas vraiment identiques, ce qui serait contraire à l'ordonnance relative à la loi sur le placement collective (OPCC).
7. Que va faire la Finma?
Selon Olivier Klunge, avocat, associé chez Bourgeois Avocats, spécialiste de l'immobilier titrisé, la Finma, dans le cas d'une fusion de fonds, a pour mission de protéger les investisseurs. Elle va donc devoir examiner leurs objections. Mais, au final, il estime peu probable qu'elle se déjuge (en effet, si UBS a pu officiellement annoncer la fusion de ses trois fonds pour le 30 juin, elle ne l'a probablement pas fait sans l'accord de la Finma).
8. Combien de temps ça va prendre?
S'il est probable, pour tous les experts interrogés, que la Finma autorise la fusion des trois fonds UBS, le traitement des objections pourrait néanmoins prendre plusieurs mois. Combien ? Impossible de le savoir, la Finma restant la maîtresse des horloges, et n'étant pas réputée pour la transparence de sa communication dans ce genre de cas.
9. Une annulation de la fusion est-elle possible?
Théoriquement oui, assure Olivier Klunge, même s'il estime cette possibilité extrêmement peu probable. Néanmoins, l'avocat précise que si les investisseurs n'acceptent pas la décision finale de la Finma, ils pourraient encore faire valoir un dommage au civil, devant le Tribunal de commerce de Zurich. Là encore, peu probable que ce dernier leur donne raison, les investisseurs devant en effet prouver les préjudices qu'ils subiraient des suites de la fusion. Ceci dit, de jugement en recours, le passage devant les tribunaux pourrait faire traîner les choses pendant plusieurs années. Cependant sans bloquer la fusion elle-même.
10. Un vrai problème pour UBS?
Pour UBS, le discours n'a pas changé. Sans se prononcer sur les objections des porteurs de parts, elle répète que la fusion des fonds est une bonne stratégie. Quant à la Finma, fidèle à son habitude, c'est silence radio. Quoi qu'il en soit, un observateur comme Taner Alicehic, fondateur de Reis Partner, un cabinet de conseil spécialisé dans l'immobilier titrisé, estime d'une part, que ces oppositions étaient à prévoir, au vu de la taille de l'opération et du nombre de porteurs de part, et, d'autre part, qu'elles n'auront pas grande incidence sur la volonté d'UBS de rassembler ses fonds. Selon lui, le marché de l'immobilier titrisé suisse, en bonne partie contrôlé par des asset managers et par des fonds passifs a déjà ajusté les prix des fonds en prévision de leur fusion. En outre, selon lui, les investisseurs professionnels sont plutôt favorables à de telles fusions, qui permettent d’agrandir le portefeuille immobilier et surtout d'augmenter la liquidité des parts. Dans ce contexte, il ne voit pas comment la Finma pourrait justifier qu'une poignée de petits investisseurs fasse dérailler l'opération.
11. UBS paie son manque de transparence
Un des problèmes relevés par les observateurs c'est le manque de transparence d'UBS. Si les fusions ont été annoncés en novembre dernier, depuis c'est quasiment silence radio. Pas d'information régulière sur l'avancement des projets, ni sur les changements intervenus en cours de route, comme, par exemple, l'exclusion du fonds Direct Residential de la première opération. Les investisseurs doivent donc se contenter de communiqués de presse très laconiques de la part de la banque, qui ne répond par ailleurs aux questions des journalistes que par une langue de bois de toute première qualité.
12. Quelle est la conséquence pour les fonds UBS concernés?
A priori, comme on l'a dit, la fusion ne sera que retardée. Il n'empêche, cela veut dire que, jusqu'à la décision finale de la Finma, les trois fonds concernés vont se contenter de gérer les affaires courantes. Comme ils le font d'ailleurs depuis l'annonce de la fusion en novembre 2024. Alors que l'on traverse une période euphorique pour l'immobilier titrisé, avec des taux en baisse et une multiplication des augmentations de capital. Autant d'occasions de croissance manquées pour les fonds UBS, qui, depuis fin 2024, sont en position d'attente.
13. Que se passe-t-il pour les autres fusions prévues?
À priori, les déboires de cette première fusion n'ont pas eu d'incidence sur les deux autres opérations programmées, assure UBS. Néanmoins, comme le processus sera le même, il n'est pas du tout impossible, que, dans ces deux cas également, il y aura des objections, ce qui à nouveau entraînerait des retards.
Rédaction Immoday
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