Après l'annonce de sa volonté de fusionner plusieurs fonds immobiliers, UBS va devoir franchir quelques obstacles avant de réussir à finaliser cette transformation en profondeur, qui prendra près de 3 ans. La banque va non seulement devoir convaincre la FINMA mais aussi les autorités cantonales, pour que l'opération soit fiscalement la plus neutre possible, mais aussi les actuels porteurs de parts, qui pourraient avoir leur mot à dire.
On le sait, UBS a annoncé la fusion de plusieurs fonds immobiliers, qui vont créer des colosses, que ce soit dans l'immobilier commercial, mixte ou résidentiel. Dans un précédent article, nous avons développé les détails de ces opérations, qui vont s’étaler sur près de 3 ans si le calendrier annoncé par UBS est respecté. Ceci dit, entre l'annonce des fusions et leur réalisation concrète, la banque va devoir encore franchir de nombreux obstacles. Nous avons interrogé plusieurs professionnels de l’immobilier titrisé, qui détaillent ce qui attend la banque.
1. Des fusions somme toute logiques
Sur ce point tout le monde est d’accord : l'annonce de la fusion de plusieurs fonds Credit Suisse et UBS n'est pas une surprise. Comme les résume Daniel Moser, CEO de Fundim, "ces fusions sont une démarche stratégique logique dans un contexte où l’optimisation des coûts, la rationalisation des processus et la gestion des redondances sont prioritaires". D'ailleurs, rappelle Taner Alicehic, fondateur de Reis Partner, un cabinet de conseil spécialisé dans l'immobilier titrisé, il faut se rappeler que les fusions de fonds ne sont pas nouvelles. Au début des années 2000, UBS avait déjà fusionné une demi-douzaine de fonds, et la BCV, trois. "À l'époque, ces fusions avaient dû se faire dans des conditions difficiles, avec une forte pression du marché. Aujourd'hui, UBS bénéficie d'une situation beaucoup plus favorable pour réaliser ces opérations." Donc, rien de nouveau sous le soleil.
2. Tout va-t-il forcément bien se passer pour UBS ?
Annoncer les fusions de fond avec des stratégies similaires c'est une chose, les réaliser sans anicroches, c'en est une autre, remarquent les gérants interrogés. "Ce choix comporte des défis majeurs concernant l’harmonisation des stratégies d’investissement entre les différents fonds qui peuvent avoir des orientations distinctes", analyse Daniel Moser. "Il sera intéressant de voir si UBS parvient à maintenir l’attractivité et la performance de ces véhicules après leur intégration, tout en évitant une dilution de l’identité de chaque fonds. Qui plus est, la fusion implique également des arbitrages importants, par exemple sur la gestion des portefeuilles d’immeubles, l’alignement des valorisations des immeubles et les éventuelles cessions d’actifs non stratégiques. Cela nécessite des compétences pointues et une gestion proactive pour préserver la confiance des investisseurs."
3. Encore quelques incertitudes fiscales pour UBS
Pour que les fusions se concrétisent, UBS doit encore obtenir les autorisations de la FINMA. On suppose que cela ne devrait pas poser de graves problèmes, car la banque n'aurait sans doute pas annoncé ces opérations sans quelques certitudes. Par contre, elle va devoir aussi discuter avec les autorités fiscales cantonales de tous les cantons où elle possède des biens immobiliers. Et là, il pourrait y avoir quelques problèmes : bien entendu UBS voudra payer le moins d'impôt possible, voire pas d'impôts du tout, lors de la fusion des portefeuilles immobiliers. Ce qui va faire grincer quelques dents, surtout dans les cantons qui imposent fortement ce genre d'opérations, entre autres par des droits de mutation.
4. UBS va jouer le rôle de défricheur fiscal
D'ailleurs, avec ces fusions, UBS va jouer un rôle de défricheur. Les rulings fiscaux qu'elle va obtenir pour minimiser l'impact des fusions en termes d'impôts seront ultérieurement utiles à tous les autres fonds qui voudraient procéder à des opérations similaires.
5. Les porteurs de parts peuvent encore avoir leur mot à dire
UBS va finalement devoir aussi franchir l'obstacle des investisseurs, qui peuvent encore contester ces opérations. En effet, comme le résume Sandro de Pari, CEO de GEP, qui gère le fonds FIR, "dans le cadre de la LPCC, les investisseurs peuvent soulever un certain nombre d'objections. Il faut que les fonds qui fusionnent aient la même stratégie, il faut aussi qu'ils aient des agios relativement similaires. Dans le cas contraire, les investisseurs peuvent intervenir auprès des autorités financières pour, sinon faire échouer, du moins ralentir ces fusions".
6. Les fidèles d'UBS ont-ils été lésés ?
Ces deux dernières années, les investisseurs appréciaient clairement plus les fonds UBS que les fonds Credit Suisse. Pour preuve des agios quasiment toujours supérieurs pour les premiers par rapport aux seconds. Ce qui a fait dire à certains que les porteurs de parts des fonds UBS étaient les dindons de la farce dans cette opération. Une accusation que la banque récuse, mettant en avant que, dès l'annonce des fusions, la performance des fonds Credit Suisse s'est envolée, avec, aujourd'hui, des agios stabilisés à des niveaux plus ou moins identiques à ceux des fonds UBS. Preuve, pour la banque que ce n'était pas la qualité des fonds Credit Suisse qui était en cause mais des circonstances contingentes, comme l'incertitude provoquée par la fusion des deux banques. Quoi qu'il en soit, s'il y avait des porteurs de parts UBS mécontents, ils ne sont pas partis en masse. "Et aujourd'hui je ne pense plus que la situation va changer de manière significative", assure Julien Baer, CEO de Comunus SICAV, "comme ces fonds sont liquides, les investisseurs qui, en désaccord avec ces projets de fusion, voulaient les quitter l'ont certainement déjà fait."
7. Les fonds Credit Suisse méritaient-t-ils vraiment la défiance des investisseurs ?
Les professionnels interrogés estiment eux aussi que la défiance des investisseurs envers les fonds CS n'était pas complètement justifiée. Pour eux, elle n'était pas due à la qualité des portefeuilles immobiliers mais essentiellement aux problèmes généraux que rencontrait la banque, problèmes qui avaient entamé la confiance des investisseurs pour tous ses produits, d'autant plus que le destin de ces fonds, après la fusion des deux banques, était incertain. Ces inconnues étant désormais levées, la confiance est revenue, comme on a pu le constater avec la remontée des agios de plusieurs fonds CS, plus rapide que la hausse du marché, ces deux derniers mois.
8. La solution adoptée pour le fonds CS 1a Immo PK est-elle la bonne ?
Après une tentative manquée d'introduction bourse en 2023, on aurait pu penser qu'UBS aller profiter de la refonte de son portefeuille de fonds immobilier pour corriger le tir avec CS 1a Immo PK (rebaptisé UBS 1a Immo PK). Ce qui n'a pas été le cas, le fonds restant indépendant, basé sur sa VNI, et non coté. Ce qui correspond aux attentes et aux besoins des investisseurs auxquels il est destiné, assure la banque. "Je trouve tout à fait logique qu'UBS n'ait pas touché à ce véhicule", analyse Taner Alicehic. "En effet, après la période mouvementée qu'il a vécu, suite à l'annulation de sa mise en bourse, une solution a été trouvée, qui semble satisfaire les investisseurs, et donc mieux vaut ne pas y toucher."
Olivier Toublan-Immoday.ch