Nicolas Di Maggio, CEO chez Swiss Finance & Property SA - Rétrospective du marché

17/10/2023

Nicolas Di Maggio

Swiss Finance & Property Group SA

5 min

Situation économique

 

Les indicateurs économiques se sont redressés en septembre après avoir continué à baisser au début de l'été. Bien que l'indicateur KOF reste en dessous de sa moyenne à long terme, il a augmenté au cours des trois derniers mois, passant de 93.8 à 95.9 à la fin septembre. L'indice des directeurs d'achat (Purchasing Managers' Index, PMI) s'est redressé depuis son plus bas niveau de juillet et est passé de 38.5 à 44.9 à la fin septembre, mais il reste en dessous du seuil de croissance. L'indice PMI des services est passé d'un plus bas de 42.7 en juillet à 52.8, ce qui le situe à nouveau dans la zone d'expansion.
 

Le recul des craintes de récession semble également se refléter dans l'évolution des courbes de taux. Sur les marchés développés, les inversions des courbes de taux, qui ont atteint des niveaux records au début de l'été, semblent se résoudre par un "bearish steepening". Ce phénomène est beaucoup moins marqué en Suisse, où le taux de la Confédération à 10 ans reste actuellement bien inférieur au niveau atteint fin 2022. Le taux de la Confédération à 10 ans est toujours inférieur de plus de 50 points de base à son niveau du début de l'année, alors qu'il est supérieur de 70 points de base aux États-Unis et de 25 points de base en Allemagne.
 

La Banque nationale suisse (BNS) dispose et conserve une grande marge de manœuvre. Après cinq hausses successives de son taux directeur et des ventes massives de son portefeuille de devises étrangères, qui ont entraîné une forte appréciation du franc suisse et une limitation de l'inflation importée, la BNS a marqué une pause en septembre et laisse depuis lors le franc se déprécier. Cela devrait soutenir quelque peu l'activité économique, en particulier pour les secteurs orientés vers l'exportation, et contrer le ralentissement économique observé. Une reprise de l'activité économique devrait également avoir un impact sur les taux d'intérêt à long terme, qui pourraient à nouveau afficher une tendance à la hausse.
 

Immobilier direct

 

Le ralentissement du marché immobilier se reflète également dans les chiffres du marché hypothécaire, qui a enregistré une hausse de l'encours des prêts de seulement 2.8% au cours des douze derniers mois, contre plus de 3% au cours des dernières années.
 

L'attrait de la propriété a certes fortement diminué en raison du triplement des coûts hypothécaires, mais la hausse des coûts de financement n'a pas encore entraîné de ventes forcées. L'écart entre le prix souhaité par les vendeurs et la volonté de payer des acheteurs se reflète depuis quelques trimestres dans le net recul du nombre de transactions.
 

Pour les immeubles de rapport, la hausse des rendements nets initiaux est remarquable et reflète la correction de valeur en cours. Pour les portefeuilles indirects, ce phénomène est encore limité et s'explique par un certain lissage des valorisations au cours des dernières années, par la diminution des taux de pertes des loyers et l'augmentation des revenus locatifs qui en découle, ainsi que par la possibilité de libérer des impôts latents dès que la valorisation des actifs diminue.
 

Avec une hausse des valeurs nettes d’inventaire (VNI) de seulement 1% au cours des douze derniers mois, la dynamique s'est fortement ralentie par rapport aux dernières années, confirmant la baisse des prix des transactions. De nouvelles corrections de valeur auront probablement lieu dans les mois à venir et il ne serait pas surprenant que l'indice des VNI diminue légèrement en 2023 pour la première fois depuis la dernière baisse au début des années 2000.
 

Immobilier indirect

 

Les résultats semestriels confirment les attentes des investisseurs comme suit :

- Une baisse des taux de vacance due à une activité de construction limitée, à un marché du travail robuste et à une croissance démographique dynamique, principalement due à un solde migratoire positif.

- Des coûts de financement en hausse, avec des différences notables entre les produits en fonction du niveau d'endettement, mais surtout en fonction de la stratégie de financement mise en place ces dernières années.

- Une augmentation des revenus locatifs due aux possibilités d'indexation, actuellement plus importantes dans le secteur commercial que dans le secteur résidentiel, qui devrait suivre à partir du quatrième trimestre après l'augmentation du taux de référence.

- Une hausse du taux d'actualisation utilisé par les experts et une baisse des VNI notamment pour les portefeuilles acquis plus récemment.
 

Le marché des capitaux est resté peu dynamique au cours du troisième trimestre, mais pas totalement fermé. On notera en particulier le succès de l'augmentation de capital du fonds immobilier coté de la Baloise pour un montant total de 135 millions de CHF. Un peu moins de 20 millions de CHF ont été collectés pour le fonds Raiffeisen Futura Immo, ce qui représente environ 50% du montant souhaité, tandis que la fondation Fundamenta a réalisé un nouveau closing pour un montant légèrement supérieur à 70 millions de CHF. Enfin, l'indice SWIIT a accueilli un 42e membre avec la cotation du fonds Sustainable Real Estate Switzerland, dont la capitalisation boursière est d'environ 350 millions de CHF.
 

Performance

 

Au troisième trimestre, les marchés boursiers ont pu reprendre leur souffle après les fortes hausses du premier semestre. En monnaie locale, le recul a été d'environ 3%, tant pour l'indice suisse des actions SPI, l'indice S&P500 pour les actions américaines que pour l'indice MSCI World pour les actions mondiales.
 

En ce qui concerne les obligations suisses, l'indice SBI AAA-BBB a connu une évolution très légèrement positive de +0.06%. Le marché monétaire et les échéances courtes offrent probablement encore les meilleurs profils d'investissement dans un contexte de hausse des taux d'intérêt à long terme.
 

Les fonds immobiliers ont fait un peu mieux que les obligations avec une performance trimestrielle de +0.43%, si bien que l'indice SWIIT des fonds immobiliers est repassé en territoire positif fin septembre avec une performance YTD de +0.03%.
 

Les sociétés immobilières ont profité de leurs résultats semestriels et ont échappé à la consolidation des marchés boursiers. L'indice REAL des sociétés immobilières a ainsi enregistré un gain trimestriel de +4.45%, ce qui correspond à une performance YTD de +4.68%.
 

L'indice CAFP des fondations immobilières a atteint un rendement de 1.59% après huit mois. Ce résultat peut être comparé à la performance moyenne de 3.19% à la même date de l'année au cours des 25 dernières années.

 

Durabilité

 

Les rapports GRESB 2023 ont été publiés. Cette année, 50 entités d'investissement suisses y participent, soit dix de plus que l'année dernière. De plus, sept véhicules d'investissement ont soumis leurs données pour la première fois et publieront leur premier rapport après la « période de grâce » en octobre 2024. Grâce à cette croissance continue, plus de 77% des fonds et des sociétés immobilières cotés sont soumis à une évaluation GRESB en termes d'actifs sous gestion. Il y a un an, ce chiffre était de 70%. Nous nous attendons à une nouvelle augmentation, même si elle sera moins importante. Parmi les dix plus grands fonds, seuls Edmond de Rothschild Real Estate et La Foncière manquent à l'appel. En dehors de ces derniers, seuls quelques moyens et petits fournisseurs restent à l'écart. Les trois fonds immobiliers du groupe SFP ont publié cette année pour la première fois avec quatre étoiles chacun, ce qui est réjouissant. En ce qui concerne les fondations d'investissement, les participants au GRESB se concentrent majoritairement sur celles qui peuvent s'appuyer sur l'expertise d'une banque ou d'une compagnie d'assurance.

Comme le montre le graphique ci-dessous, le nombre de véhicules d'investissement participant au GRESB en Suisse a évolué de manière satisfaisante au cours des dernières années.
 

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En raison de la tendance au durcissement des critères, les comparaisons avec l'année précédente doivent toujours être considérées avec prudence par le GRESB. Néanmoins, nous constatons une amélioration par rapport à l'année précédente et notre sélection de portefeuille nous permet d'obtenir des « scores » supérieurs à la moyenne. Les points faibles « certifications de bâtiments » et « déchets » identifiés l'année dernière ont manifestement été traités et ne constituent plus des valeurs isolées. Comme nous le mentionnons régulièrement, une grande attention est accordée à la qualité des données de consommation. Cela se traduit par une nette augmentation des critères « gaz à effet de serre » et « énergie ». Pour une évaluation précise de ces deux critères, nous nous appuyons sur les indicateurs environnementaux d'AMAS et sur les « bases méthodologiques » du benchmark REIDA CO2. Divers fournisseurs ont adapté leur méthode de calcul à ces bases et augmentent ainsi une fois de plus la comparabilité. Cette qualité des données, associée à une bonne densité de données, permet d'obtenir des indicateurs pertinents. Nous encourageons donc les fournisseurs à développer des trajectoires de réduction des émissions fiables basées sur ces informations solides.
 

Perspectives

 

Les taux d'intérêt suisses à long terme semblent reprendre progressivement de la vigueur. Un retour aux sommets de 2022 pourrait se produire d'ici la fin de l'année. Avec un agio de 10.9% pour un taux d'intérêt de 1.10% sur les obligations de la Confédération à 10 ans, les fonds restent en dessous de leur juste valeur et peuvent supporter une « petite » hausse des taux. Les fonds semblent également retrouver progressivement leur dynamisme par rapport aux obligations. Cela devrait se poursuivre, à moins que la hausse des taux d'intérêt à long terme ne soit trop rapide et ne nuise à nouveau aux allocations d'actifs.
 

Le secteur commercial reste déprimé et ignore la situation fondamentale du marché commercial suisse. Il est difficile de trouver les moteurs qui permettront de modifier significativement cette situation dans les prochains mois, hormis une certaine résistance en cas de hausse des taux d'intérêt. Le rendement du cash-flow reste positif, puisqu'il s'élève à 4.36%, alors qu'il n'est que de 2.59% dans le secteur résidentiel. En cas de hausse des taux d'intérêt à long terme, le secteur commercial devrait mieux résister comme en 2022.
 

La cotation du fonds ZIF Immobilien Direkt Schweiz en novembre pourrait être une autre bonne occasion d'acheter la classe d'actifs, d'autant plus que nous pouvons nous attendre à quelques autres augmentations de capital dans l'intervalle.
 

Conclusion

 

Après deux années de consolidation des cours boursiers pour le marché indirect, nous constatons enfin un ajustement des évaluations des biens immobiliers par les experts indépendants. Parallèlement, le marché direct dispose de fondamentaux extrêmement robustes, qui se traduisent par une forte demande pour presque tous les types de surfaces locatives.
 

Cela devrait permettre au marché direct de trouver un nouvel équilibre dans le courant de l'année 2024. Compte tenu de la capacité d'anticipation des marchés financiers, il n'est pas exclu que le plancher soit trouvé plus rapidement sur le marché indirect, à l'instar de la consolidation qui avait commencé dès la mi-2021, alors que la baisse des évaluations immobilières par les évaluateurs n'a commencé que début 2023.

Nicolas Di Maggio

CEO, SFP SA


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  • Nicolas Di Maggio a rejoint Swiss Finance Property Group en 2017. Il est responsable de la structuration et du développement de la gestion en immobilier indirect, est membre de la direction générale du groupe SFP et CEO de Swiss Finance & Property SA.
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  • Avant de rejoindre le groupe SFP, il a été responsable de la gestion en immobilier indirect à la Banque Cantonale Vaudoise, où il a exercé pendant plus de onze ans.
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  • Il est Certified International Investment Analyst (CIIA) et titulaire d'un Master en Science économique avec spécialisation en Management de l'Université de Lausanne, Faculté des Hautes études Commerciales (HEC).

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