
Une vente aux enchères exceptionnelle a eu lieu à Genève mi-mars: l'Office cantonal des poursuites a mis en vente 250 appartements. Ils sont partis pour 153 millions de francs alors que l'expert les estimait à 228 millions. Un gérant de fonds de placement immobilier, Realstone, était sur le coup, mais il a refusé de surenchérir. Ses explications.
L'affaire a fait du bruit dans le monde immobilier genevois: mi-mars, l'Office cantonal des poursuites a mis aux enchères cinq immeubles contigus, propriétés de Genprop, formant tout un pâté de maisons, soit 250 appartements, auxquels s'ajoutent un parking souterrain de 170 places sur trois niveaux. Selon l'estimation de l'expert mandaté par le canton, ces immeubles valaient 228 millions de francs, ce qui en faisait, pour certains observateurs, la plus grosse vente aux enchères immobilières jamais organisée en Suisse par un Office des poursuites.
Ces immeubles ont finalement été adjugés à 153 millions de francs, c'est à dire un tiers en dessous de leur valeur de marché théorique. Et pourtant, malgré cette décote, aucun investisseur immobilier traditionnel n'a voulu surenchérir. Au final, c'est la banque J. Safra Sarasin, principal créancier de Genprop, qui a remporté la mise (en encaissant une importante perte au passage, puisque Genprop lui devait aux alentours de 212 millions de francs, entre le prêt hypothécaire et les intérêts impayés).
Pour Realstone, c'était trop cher au vu des problèmes de ces immeubles
Le lot avait pourtant intéressé une poignée d'investisseurs immobiliers, quelques indépendants et un gestionnaire de fonds, Realstone. «Cette vente aux enchères était une opportunité d’investissement intéressante pour nous», confirme Julian Reymond, CEO de Realstone. «En effet, la situation de ces cinq immeubles – au cœur du quartier de Champel à Genève – et leur affectation résidentielle sont des critères qui entrent pleinement dans la stratégie d’investissement de trois de nos quatre véhicules de placement (fonds Realstone RSF, fonds Solvalor 61, groupe de placement RIRS de Realstone Fondation de Placement). C’est donc la raison pour laquelle nous étions présents».
Et pourtant, Realstone a refusé de surenchérir malgré la forte décote. Que s'est-il passé ? «Selon nos projections et le rendement attendu de ces immeubles, nous avions prévu de ne pas dépasser 153 millions de francs dans le cadre de cette vente aux enchères», explique Julian Reymond.
Un changement d'affectation est en cours qui va faire chuter les loyers
«Nous ne comprenons pas la valorisation à 228 millions, bien trop élevée. Elle est probablement le fruit de l’activité de location de logements meublés actuellement déployée sur ces immeubles, mais qui n’était pas autorisée par les autorités genevoises», poursuit le CEO de Realstone.
En effet, comme l'expliquait récemment Pauline de Salis, secrétaire générale adjointe du Département du territoire (DT) dans le magazine Bilan, «les appartements de ces immeubles sont exclusivement destinés à l'habitation. Or leur usage actuel en résidence meublée est considéré par la loi comme une activité commerciale, ce qui est interdit.» Même si l'avocat de Genprop conteste cette interprétation de la loi, «il existe effectivement une procédure en cours relative à ce changement d’affectation et à des travaux effectués sans autorisation», confirme Julian Reymond. «Dès lors les revenus locatifs actuels devront être réduits de moitié pour revenir vers une location de logements normale et les loyers seront probablement bloqués durant plusieurs années.»
Et maintenant ? Un projet de surélévation est en suspens
Selon la Tribune de Genève, Genprop proposait ses studios, d'environ 30 m2, aux alentours de 2500 francs par mois, soit plus du double du prix moyen du quartier. Ce qui promettait au propriétaire, quand on fait le calcul, un rendement locatif théorique de plus de 7 millions de francs par année si tous les studios étaient loués.
Et maintenant? Interrogée, J. Safra Sarasin n'a pas répondu à nos questions. Il est probable que, à terme, la banque revende cet actif, peut-être après l'avoir développé. En effet, selon la Tribune de Genève, un projet de surélévation est actuellement en suspens.
Pour la banque, c'est la fin d'une longue histoire qui a commencé lorsqu'elle a octroyé des prêts hypothécaires à la société Genprop, spécialisée dans la location d'appartement meublés dans le canton de Genève. Malheureusement, le succès n'a pas été au rendez-vous et la société, en difficulté financière, a cherché à vendre ses immeubles. Sans succès, le propriétaire refusant de baisser ses prix, assurent les connaisseurs du milieu immobilier genevois.
Rédaction - Immoday.ch