En dix ans, nous avons atteint les deux milliards d’actifs sous gestion

05/07/2021

Jonathan Martin

Edmond de Rothschild REIM

4 min

ERRES fête ses dix ans. Dix ans de croissance du portefeuille immobilier, de progression du dividende et de hausse du cours de l’action. L’occasion de revenir, avec son gestionnaire, Jonathan Martin, sur ce millésime 2020/21, l’intérêt des institutionnels zurichois pour l’immobilier genevois, la taille critique d’un fonds immobilier, la probabilité d’une bulle immobilière et les performances espérées pour ces dix prochaines années.

 

Le fond immobilier de la Banque Edmond de Rothschild, le « Edmond de Rothschild Real Estate SICAV » (ERRES) fête ses 10 ans. Avec une croissance impressionnante de son portefeuille : la levée de fonds initiale, en 2011, avait été de 300 millions de francs, alors que la fortune brute du fond atteint presque les 2 milliards aujourd'hui. Quant à la performance boursière, elle se monte à 107,4%, soit 23,1 % de mieux que l'indice de référence du secteur. Peut-on s'attendre à une réussite similaire ces 10 prochaines années, ou est-ce que l'âge d'or des fonds immobiliers est terminé ? Les réponses de Jonathan Martin, senior manager chez Edmond de Rothschild REIM (Suisse) SA et gestionnaire du fonds ERRES.

 

Jonathan Martin, le fonds ERRES fête ses 10 ans, ce qui n'est pas très vieux à l'aune des fonds immobiliers suisses. Pourtant vous êtes parmi ceux qui ont affiché une des plus fortes croissances de leur fortune brute. Comment expliquer un tel succès auprès des investisseurs ?


En fait, la croissance s’est faite régulièrement, avec quatre augmentations de capital sur les huit premières années et une accélération ces deux derniers exercices : une augmentation de capital de 179 millions de francs en 2019, et de 272 millions de francs en 2020. Des montants importants, certes, mais toutes les deux ont été entièrement souscrites, ce qui montre que notre produit intéresse les investisseurs, qui apprécient notre capacité à investir rapidement dans des immeubles intéressants, tout en restant fidèle à notre stratégie. Sans oublier l’augmentation régulière du dividende.

 

Ces nouveaux capitaux, ces 10 dernières années, ils proviennent essentiellement des clients de la Banque Rothschild?


Au début, oui. Quand nous nous sommes lancés, les investisseurs étaient essentiellement des clients de la banque. Mais depuis, ils ont été rejoints par les institutionnels et les caisses de pension, qui représentent aujourd'hui environ 60 % de nos investisseurs. Dont plusieurs gros acteurs zurichois.

 

Les Zurichois s'intéressent à Genève ?


Les grands institutionnels, oui. Ils doivent se diversifier et ils sont déjà très exposés en Suisse alémanique. Mais ils ne connaissent souvent pas très bien la Suisse romande, alors, quand ils viennent dans nos contrées, ils recherchent des fonds gérés par des équipes proches du marché, qui connaissent bien la région. Ce qui est notre cas à Genève.

 

Vous avez d’ailleurs continué ces 12 derniers mois à recentrer votre portefeuille sur la Suisse romande et sur Genève.


Ce recentrage s'est fait naturellement. En fait, c'est une question d'efficience: la Suisse romande en général et Genève en particulier sont les marchés que nous connaissons le mieux, et donc où nous savons dénicher les meilleures opportunités. Et comme nous sommes sur place, nous sommes également mieux à même de les gérer au quotidien, avec un maximum d’efficience. Il est dès lors tout naturel que cette région représente la plus grosse partie de nos investissements. Actuellement, nous sommes investis pour moitié à Genève et pour deux tiers sur l'arc lémanique. Cette exposition romande pourrait encore se renforcer, mais ce n'est pas une stratégie active, ça se fera au gré des opportunités et des acquisitions.
 

Et la concentration que l'on observe chez vous sur l'immobilier résidentiel, est-ce une tendance qui va se poursuivre ?


Le résidentiel représente aujourd'hui deux tiers de notre portefeuille, ce qui était notre objectif stratégique, alors que nous étions partis, à notre naissance, avec un portefeuille constitué uniquement d’immobilier commercial. A ce stade, nous tenons à conserver environ un tiers de commercial, avec des immeubles de qualité, car nous pensons que ce segment offre des rendements attractifs, de la diversification, et une exposition à certains secteurs d’activités en pleine expansion, même si, je le sais, ce n'est pas une idée partagée par tous mes confrères.
 

 

Votre dividende a augmenté de 10 centime cette année à 3,60 francs, mais au vu de l'augmentation encore plus rapide du cours de bourse, le rendement de l'action continue de baisser. N'est-ce pas un problème pour les investisseurs ?


Mathématiquement, effectivement, le rendement est aujourd'hui moins attractif. Mais vous savez, nous n'avons aucune influence directe sur le cours de bourse. Quant aux investisseurs historiques, ils conservent leurs positions, et ce qui importe, pour eux, ce n'est pas tant le niveau du cours que le montant du dividende. Comme il continue de croître régulièrement, année après année, ils sont satisfaits. Pour preuve, ils continuent de renforcer leurs positions à chacune de nos augmentations de capital.

 

Etes-vous satisfait de la liquidité de vos titres ? Certains investisseurs se plaignent du manque de liquidité des fonds immobiliers suisses.


Cette faible liquidité ne nous inquiète pas. Ceci dit, nous travaillons depuis des années à l'augmenter. D’une part, avec la croissance de la SICAV, le nombre de parts en circulation est devenu plus important, augmentant l’intérêt de nouveaux investisseurs. D’autre part, nous avons mandaté l’aide d’un market maker externe. Nous sommes arrivés aujourd'hui à une moyenne de plus de 25 millions de francs échangés chaque mois, ce que nous considérons comme un niveau correct pour de l'immobilier, qui de toute manière n'est pas très liquide. Et surtout, un niveau qui satisfait la majorité de nos investisseurs.

 

Quels ont été les faits saillants de l'exercice que vous venez de boucler ?


D'une part une grosse acquisition, une société immobilière détenant un portefeuille de 18 immeubles résidentiels situés à Genève et sur le canton de Vaud, d’une valorisation de plus de 260 millions de francs. De l'autre, nous avons fait un important travail pour diminuer nos coûts d’exploitation et financiers, ce qui a porté ses fruits lors du dernier exercice.

 

En dix ans, depuis son lancement, la performance des parts du fonds est supérieure à 100%, dépassant ainsi assez nettement l'indice de référence des fonds immobiliers suisses. Pouvez-vous promettre une même performance à vos investisseurs pour les 10 prochaines années ?


Effectivement, sur ces 10 dernières années, la performance boursière se monte à 107,4%. Pour ces 10 prochaines années, je ne suis pas devin, mais rien n’indique que la performance ne va pas continuer. Nous ne voyons pas de retournement prochain du marché immobilier ou de l’économie. Ceci dit, le rythme pourrait être réduit par rapport à ce que nous avons pu connaitre.

 

L’action ERRES a encore pris presque 10 % ces 3 derniers mois, avec un dernier cours à 175 francs suite à la publication des résultats du dernier exercice. Est-ce bien raisonnable ? N’y a-t-il pas une bulle dans les fonds immobiliers ?


Vous savez, ça fait 10 ans que je suis dans le métier et ça fait 10 ans qu'on me parle de bulle immobilière. Du point de vue de l’investisseur, même au cours actuel, il n'est pas déraisonnable d'acheter des parts de notre fond, qui offrent un rendement sans impôts de 2%, stable et quasi assuré sur le moyen terme. C'est beaucoup mieux que des taux négatif de -0,75% si vous gardez du cash ou des rendements obligataires nuls.

 

Mais vous n'excluez quand même pas l'éventualité d'une bulle ?


Je n’aime pas le terme de bulle car je ne pense pas que tous les ingrédients soient réunis. La hausse des prix est directement liée au niveau bas des taux d’intérêts. Il y a peu de spéculation dans le marché et les banques sont plutôt frileuses en termes de prêt. Dans tous les cas, bien malin qui saura dire quand cette bulle va éclater. De toute manière, nous pensons être préparés : nous avons aujourd'hui atteint une taille intéressante - 2 milliards de francs d’actifs - ce qui était un de nos objectifs stratégiques. Avec un portefeuille que nous estimons assez solide pour résister à un éventuel retournement du marché et des équipes au sein d’Edmond de Rothschild REIM (Suisse) SA bien outillées pour le gérer, le cas échéant.

 

Jonathan Martin
Senior Manager
Edmond de Rothschild REIM (Suisse) SA

Interview réalisée par Olivier Toublan